Les implants toriques : un vrai progrès dans la chirurgie de la cataracte

La correction chirurgicale de l’astigmatisme est une longue aventure qui a débuté au XXe siècle. La première approche chirurgicale concernait la cornée, avec des techniques incisionnelles : incisions transverses puis arciformes au couteau diamant à main levée, puis au kératome arciforme de Hanna, et enfin au laser femtoseconde, permettant d’aplatir le méridien cornéen le plus cambré. Le développement du laser excimer a permis de réaliser des photoablations cylindriques. La prédictibilité variable de ces techniques cornéennes explique pourquoi elles sont rarement associées à la chirurgie de la cataracte chez les patients astigmates. Pourtant l’astigmatisme cornéen limite souvent l’acuité visuelle sans correction chez ces patients malgré la quasi-absence d’erreur réfractive sphérique postopératoire. Le développement d’implants toriques, associé aux méthodes mathématiques de calcul de la toricité et aux techniques d’orientation de l’axe de l’implant dans le sac capsulaire, permet maintenant une excellente correction de l’astigmatisme cornéen pendant la chirurgie de la cataracte ainsi qu’une amélioration de l’acuité visuelle sans correction postopératoire. Cela transforme la chirurgie de la cataracte en une réelle chirurgie réfractive sûre et efficace.

Si le choix d’un implant torique est amplement facilité par l’utilisation des calculateurs en ligne, le calcul sous-jacent reste complexe. Le problème vient de l’origine de l’astigmatisme. Celui-ci est avant tout dû au dioptre cornéen antérieur (interface air - film lacrymal) facilement analysé par les kératomètres, topographes et tomographes cornéens. Néanmoins il existe également un astigmatisme interne lié à la face postérieure de la cornée et au cristallin. Celui-ci est depuis longtemps appréhendé par les contactologues, avec une correction par des lentilles bitoriques. Cette culture est plus récente en matière de chirurgie réfractive et de chirurgie de la cataracte. C’est cependant sa maîtrise qui est à l’origine du succès des implants toriques. L’analyse des différentes composantes de l’astigmatisme réfractif fait appel au calcul vectoriel. Le Pr Noel Alpins, de l’université de Melbourne en Australie, a travaillé pendant toute sa carrière au développement de ce calcul vectoriel appliqué à l’analyse de l’astigmatisme. Ses travaux ont contribué au développement et au succès de la chirurgie réfractive de l’astigmatisme et des implants. Des vecteurs comme le SIA (Surgically Induced Astigmatism) ou le TIA (Target Induced Astigmatism) sont essentiels pour le développement de stratégies de correction chirurgicale de l’astigmatisme. Noel Alpins est à l’origine d’un calculateur en ligne qui permet notamment d’analyser les résultats insuffisants en cas d’implantation torique et de proposer une stratégie de correction.

Si les calculateurs épargnent au chirurgien des mathématiques fastidieuses, il reste à celui-ci à utiliser son sens clinique et ses connaissances pour sélectionner les bons candidats à ces implants, choisir l’implant le plus adapté et anticiper l’évolution naturelle de la cornée car le bon résultat postopératoire doit se confirmer dans les années et les décennies qui suivent l’intervention.

Vincent Borderie
CHNO des Quinze-Vingts,Paris
Directeur scientifique des Cahiers d’Ophtalmologie