Implants toriques : lequel choisir ? comment aligner leur axe ?

Il existe actuellement sur le marché français une multitude d’implants toriques. Le choix dépendra surtout des matériaux utilisés, de la forme de l’implant, des habitudes des chirurgiens et d’un surcoût éventuel pour le patient. Nous allons ici dresser une liste non exhaustive des principales caractéristiques des implants monofocaux toriques que nous prendrons comme modèles de description, sachant que ces caractéristiques se retrouvent sur les modèles Edof et multifocaux basés sur les mêmes plateformes (tableau). 

Panorama des implants monofocaux toriques

Artis® T PL E (Cristalens)
Artis T PL E est un implant acrylique hydrophobe à bords carrés de fabrication française. Son diamètre optique varie de 5,80 à 6 mm et son diamètre total de 10,5 à 10,79 mm selon la puissance dioptrique choisie. Il présente une optique avec asphéricité négative pour compenser l’aberration sphérique cornéenne, une surface postérieure torique et une angulation des haptiques de 5 °. Son injection est facilitée par un système préchargé à travers une incision de 2 mm. Sa manipulation dans le sac capsulaire et sa rotation sont aisées, compte tenu de la souplesse de l’implant malgré son hydrophobie, et ses 4 anses assurent sa stabilité rotationnelle. Il existe également en version hydrophobe trifocale torique (Artis Symbiose).

AcrySof Toric (Alcon)
AcrySof Toric est un implant acrylique hydrophobe. Son diamètre optique est de 6 mm pour un diamètre total de 13 mm. Il présente une face antérieure asphérique et une face postérieure torique.
Il n’est pas préchargé et son injection nécessite l’utilisation d’un injecteur Monarch ou du système Autosert. Sa stabilité est assurée par la technologie Stableforce® développée par le laboratoire, offrant une meilleure résistance des haptiques aux contraintes. Il existe en version SN (filtre UV et lumière bleue), SA (implant blanc sans filtre lumière bleue), bifocale (Restor), trifocale (PanOptix) et en version Edof non diffractive (Vivity). On trouve aussi désormais une version améliorée préchargée avec injection automatisée à l’aide d’une cartouche de CO2 : le Clareon avec injecteur AutonoMe.

PodEye (PhysIOL-BVI)
PodEye est un implant acrylique hydrophobe. Son diamètre optique est de 6 mm pour un diamètre total de 11,4 mm. Son optique présente une asphéricité négative à toricité antérieure. Il n’est pas préchargé et son injection se fait à l’aide d’un injecteur Accuject de Medicel. Sa stabilité est obtenue grâce ses anses en « double-C » et la technologie « Ridgetech » des haptiques. Il existe également en version hydrophile (Ankoris Toric) et multifocale hydrophile (FineVision Toric).

Vivinex Toric XY1A (Hoya)
Vivinex est un implant acrylique hydrophobe à bords carrés. Son diamètre optique est de 6 mm pour un diamètre total de 13 mm, sa face antérieure est asphérique et sa face postérieure est torique. Il s’agit d’un implant préchargé de grande facilité d’injection en chambre antérieure grâce au système Isert – l’injection se faisant alors à l’aide d’une rotation –, ou au système Multisert – l’injection se faisant soit par pression, soit par rotation à travers une incision de 2,2 mm. Une version Edof torique devrait être disponible prochainement.

AT Torbi (Zeiss)
AT Torbi est un implant navette acrylique hydrophile recouvert d’une surface hydrophobe. Son diamètre optique est de 6 mm pour un total de 11 mm, il est bitorique à asphéricité négative. Il existe en version préchargée – une cartouche préchargée est positionnée dans un injecteur BLUEMIXS –, ou non préchargée pour les plus grosses amétropies. Son principal avantage est sa large gamme, permettant de corriger jusqu'à 12 D de cylindre au plan cristallinien (environ 9 D au plan cornéen), et son injection à travers une incision de petit diamètre (possible à 1,8 mm). Il existe également en version bifocale (AT Lisa Toric 909M) et trifocale (AT Lisa 939MP), ainsi qu’en version Edof diffractive (AT Lara Toric 929 MP).

VisTor (Hanita)
VisTor est un implant acrylique hydrophile navette à bords carrés. Son diamètre optique est de 6 mm pour un diamètre total de 11 mm et il s’agit d’une optique asphérique à surface torique antérieure. Il est disponible en version préchargée à travers une injection de 1,8 mm pour un cylindre de 1 D (PerfecTor), et en version non préchargée pour les autres dioptries. Il existe également en version bifocale préchargée pour un cylindre de 1 D (PerfecTor MF).

Tecnis Toric II (Johnson & Johnson vision)
Tecnis Toric II est un implant acrylique hydrophobe à bords carrés et à surface antérieure asphérique et torique. Son diamètre optique est de 6 mm pour un diamètre total de 13 mm. Il n’est pas préchargé et l’injection se fait à l’aide d’un injecteur restérilisable. Sa stabilité est assurée par son grand diamètre, ce qui néanmoins ne facilite pas sa manipulation dans le sac capsulaire. Il existe en version Edof non diffractive (Tecnis Eyhance Toric II), en version Edof diffractive avec technologie échelette (Tecnis Symfony Toric), en version multifocale (Tecnis Multifocal Toric) et en version hybride (Tecnis Synergy toric), combinant la technologie diffractive du Tecnis Multifocal et la technologie Edof du Tecnis Symfony.

enVista Toric (Bausch+Lomb)
enVista Toric, fabriqué par les laboratoires Bausch+ Lomb, est un implant acrylique hydrophobe à bords carrés et à surface antérieure asphérique et torique. Son diamètre optique est de 6 mm pour un diamètre total de 12,5 mm. L’injection se fait soit à l’aide d’un injecteur restérilisable, soit en version préchargée avec l’injecteur SimplifEye à travers une injection de 2,2 mm. Sa stabilité est assurée par son grand diamètre mais néanmoins, cela peut ne pas faciliter sa manipulation dans le sac capsulaire. Il existe également une plateforme 4 points d’appui en version EDOF réfractif : le LuxSmart Toric.

Lequel choisir ?
Afin de limiter l’opacification capsulaire postérieure, on se tournera plutôt vers des implants hydrophobes comme Artis, Vivinex, enVista ou Clareon en version préchargée permettant un gain de temps au bloc opératoire, ou les implants AcrySof, PodEye ou Tecnis en version non préchargée.
Pour la correction de petit cylindre au plan cristallinien, on peut se tourner vers l’Artis qui démarre à 0,75 D, ou encore les implants PodEye, Ankoris, Vivinex, AT Torbi et VisTor. Ce dernier présente l’avantage de ne pas entraîner de surcoût pour le patient pour les cylindres de 1 D (PerfecTor, préchargé), et il couvre une plus large gamme de cylindres avec son pas de progression de 0,5 D. À l’inverse, pour la correction d’un cylindre cornéen important, seul l’AT Torbi possède des cylindres supérieurs à 6 D au plan cristallinien (jusqu’à environ 9 D au plan cornéen), ce qui peut avoir un intérêt dans la correction d’un astigmatisme cornéen géant postkératoplastie ou chez les patients atteints d’un kératocône.
Concernant la stabilité rotationnelle des différents implants, il existe peu d’études comparant les différents implants entre eux [1]. Des implants de plus grand diamètre tels que l’AcrySof, le Tecnis, le Vivinex ou l’enVista sembleraient avoir une meilleure stabilité dans le sac capsulaire au prix d’une manipulation plus difficile lors de la chirurgie [2]. Les implants à 4 anses comme l’Artis ou le PhysIOL sont plus faciles à positionner car on peut les tourner dans les sens horaire et antihoraire.

Alignement des implants toriques

Il est classique de dire qu’une rotation de 1 ° de l’implant torique par rapport à son axe de départ engendre une perte d’efficacité de 3% de la correction cylindrique. La détermination préopératoire de l’axe, son marquage puis son repérage peropératoire sont donc des facteurs déterminants pour les clés du succès de l’implantation torique.

Évaluation préopératoire
Évaluation de l’astigmatisme cornéen
L’astigmatisme cornéen doit être évalué précisément pour éviter des sur- ou des sous-corrections. L’évaluation des kératométries lors de la biométrie doit être confirmée par un examen topographique. Toutes atteintes de la surface oculaire (syndrome sec, kératite ponctuée superficielle) doivent être recherchées car faussant la mesure de l’astigmatisme cornéen. Il est également préférable de réaliser les mesures kératométriques avant l’instillation d’autres collyres tels que la fluorescéine ou le tropicamide. La mesure de l’astigmatisme cornéen postérieur est également essentielle lors de l’utilisation des formules de calcul d’implant, prenant en compte la kératométrie totale plutôt que l’estimation de l’astigmatisme cornéen postérieur par des méthodes de régression. Chaque implant dispose de son calculateur en ligne pour optimiser ses résultats chirurgicaux.

Repérage préopératoire automatique

Des solutions automatiques de marquage automatisé par imagerie reliées aux microscopes opératoires sont disponibles sur le marché :
- le système Callisto de Zeiss : le repérage préopératoire s’effectue grâce à une image de référence prise par l’IOLMaster et est ensuite transféré dans les oculaires du microscope opératoire. Le repérage peropératoire s’effectue alors par un système d’eyetracker avec repérage des vaisseaux conjonctivo-limbiques (figure 1a) ;
- le système Verion d’Alcon : il repose sur le même principe en repérant les vaisseaux scléraux, limbiques et les détails de l’iris. Il est désormais intégré au biomètre swept-source Argos (figure 1b).

Ces 2 systèmes permettent une meilleure précision de l’axe d’alignement au bloc opératoire par rapport au marquage manuel [3]. Il ne semble cependant pas y avoir de supériorité d’un système par rapport à l’autre [4].

Repérage préopératoire manuel
C’est une des méthodes les plus utilisées. Sa réalisation doit être la plus minutieuse possible afin d’éviter les erreurs d’alignement. Le repérage se fait en position assise afin d’éviter la cyclotorsion induite par le passage en décubitus dorsal (jusqu’à 28 °) [5].

Après l’administration d’un anesthésique topique, l’axe 0-180 ° est marqué avec un niveau à bulle (figure 2) ou un marqueur pendulaire. Certaines applications mobiles telles que Eye Axis Check (iOS) peuvent également aider au repérage.

Repérage peropératoire
Il existe plusieurs façons de repérer l’axe après l’injection de l’implant.

Après le marquage automatique
Comme décrit précédemment, le repérage peropératoire s’effectue à l’aide d’une image de référence prise en préopératoire. L’injection de l’axe cible se fait directement dans les oculaires, permettant l’alignement de l’implant. On peut également repérer l’axe de l’incision et la taille du capsulorhexis.

Après le marquage manuel
Repérage avec système de guidage : si l’on ne dispose pas d’image de référence, on peut tout de même utiliser le marquage manuel comme référence pour l’axe 0-180 ° et les systèmes de guidage peropératoire pour déterminer l’axe d’alignement, l’axe de l’incision et la taille du capsulorhexis (figure 3a).

Repérage à l’aide de l’anneau de Mendez : on positionne l’axe 0-180 ° de l’anneau sur notre marquage manuel puis on aligne les repères de notre implant torique dans l’axe cible. L’inconvénient de cette méthode est la variabilité inter-opérateur et les erreurs associées à la courbe d’apprentissage du marquage. Elle présente également plus d’erreurs d’alignement en comparaison des systèmes guidés par l’imagerie (figure 3b) [3].

Aberrométrie peropératoire
Elle permet un calcul en temps réel de la puissance sphéro-cylindrique de l’implant en se fondant sur la réfraction aphake et à l’aide d’une formule de vergence modifiée. On retrouve dans cette catégorie l’Optiwave Refractive Analysis (ORA System) commercialisée par Alcon. Les mesures sont prises au bloc opératoire, chez un patient en décubitus dorsal, avant l’injection de l’implant dans le sac capsulaire. Ce dispositif permettrait d’obtenir un astigmatisme résiduel inférieur à 0,50 D chez 2,4 fois plus de patients qu’avec les autres méthodes [6], et offrirait également une meilleure précision du calcul après une chirurgie réfractive cornéenne.

Conclusion

Le succès de l’implantation torique se joue donc dans le calcul et le choix de l’implant, la précision de repérage de l’axe d’implantation, ainsi que dans l’alignement de ses repères. La stabilité dans le sac capsulaire en fin d’intervention est essentielle, la rotation survenant le plus souvent dans l’heure qui suit l’intervention. Les dispositifs de repérage automatisé et l’arrivée de l’aberrométrie peropératoire permettent d’optimiser les résultats de ces implants et de diminuer les surprises postopératoires.

Références bibliographiques
[1] Kaur M, Shaikh F, Falera R, Titiyal JS. Optimizing outcomes with toric intraocular lenses. Indian J Ophthalmol. 2017;65(12):1301-13.
[2] Schartmüller D, Schwarzenbacher L, Meyer EL et al. Comparison of long-term rotational stability of three commonly implanted intraocular lenses. Am J Ophthalmol. 2020;220:72-81.
[3] Webers VS, Bauer NJ, Visser N et al. Image-guided system versus manual marking for toric intraocular lens alignment in cataract surgery. J Cataract Refract Surg. 2017;43(6):781-8.
[4] Hura AS, Osher RH. Comparing the Zeiss Callisto Eye and the Alcon Verion image guided system toric lens alignment technologies. J Refract Surg. 2017;33(7):482-7.
[5] Ciccio AE, Durrie DS, Stahl JE, Schwendeman F. Ocular cyclotorsion during customized laser ablation. J Refract Surg. 2005;21(6):S772-4.
[6] Woodcock MG, Lehmann R, Cionni RJ et al. Intraoperative aberrometry versus standard preoperative biometry and a toric IOL calculator for bilateral toric IOL implantation with a femtosecond laser: One-month results. J Cataract Refract Surg. 2016;42(6):817-25. 

Auteurs

  • Thierry David

    Ophtalmologiste

    CHU de la Timone, CHU Nord, Marseille ; université Aix-Marseille

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