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Planification et analyse astigmatique des implants toriques

La possibilité de mesurer le pouvoir réfractif de la cornée s’est beaucoup améliorée grâce aux récents progrès technologiques. Lors du calcul d’un implant torique, il est important que l’ophtalmologiste connaisse les limitations du calculateur qu’il utilise pour choisir l’implant le plus adapté pour la chirurgie, particulièrement quand on considère le pourvoir réfractif de la cornée qui est la principale source d’astigmatisme dans le système optique oculaire.

Lorsqu’on considère le calcul de la puissance des implants toriques pour la chirurgie de la cataracte, ce qui était une estimation du pouvoir réfractif de la face postérieure de la cornée réalisée à partir du pouvoir réfractif de la face antérieure et de l’indice de réfraction de la cornée est maintenant une valeur mesurée plus précise du pouvoir réfractif de la face postérieure de la cornée et donc du pouvoir réfractif total.

Astigmatisme cornéen

Comme chaque topographe/tomographe adopte sa propre terminologie pour la mesure de l’astigmatisme cornéen, il est essentiel de savoir quelle partie de la cornée est mesurée par les divers rapports rendant compte de l’astigmatisme cornéen.
La kératométrie simulée (Sim K) est une mesure de l’astigmatisme cornéen communément utilisée. Ce paramètre est limité à l’astigmatisme antérieur, approximativement dans la zone des 3 mm, et ne prend pas en compte séparément l’astigmatisme postérieur.
La kératométrie manuelle est également facilement disponible pour beaucoup de cliniciens, mais ne fournit qu’une mesure de l’astigmatisme de la face antérieure de la cornée.
L’astigmatisme topographique cornéen total (CorT Total) [1] est un paramètre récemment défini qui utilise toutes les données acquises pendant la topographie/tomographie, dont la contribution de la face postérieure de la cornée. Il est calculé en prenant la moyenne vectorielle de toutes les données mesurées, ce qui permet de moyenner sur toute la cornée les éventuelles irrégularités cornéennes.
Le pouvoir réfractif cornéen total (TCRP) du Pentacam d’Oculus utilise le ray tracing (traçage du chemin des rayons lumineux) pour chiffrer la puissance cornéenne.Il est calculé à partir du pouvoir réfractif des faces antérieure et postérieure de la cornée, en prenant en compte l’épaisseur cornéenne et les lois de la réfraction de Snell/ Descartes.
Le pouvoir réfractif équivalent du Sirius de CSO utilise le ray tracing à travers la face antérieure et la face postérieure de la cornée en prenant en compte les indices de réfraction de l’air, du stroma et de l’humeur aqueuse.
Il est également important de savoir si le calculateur utilisé fait déjà un ajustement au pouvoir réfractif de la face antérieure de la cornée saisi comme donnée d’entrée pour dériver le pouvoir réfractif de la face postérieure de la cornée. Cela permet d’éviter de prendre en compte plus d’une fois le pouvoir réfractif cornéen total.

Effet de l’incision cornéenne de la phaco

Un autre paramètre clé pour optimiser les résultats de la correction de l’astigmatisme par implant torique est l’effet d’aplatissement (Flattening Effect [FE]) [2]. La plupart des ophtalmologistes sont familiers avec le vecteur d’astigmatisme induit par la chirurgie (Surgically Induced Astigmatism [SIA] vector). Cependant, celui-ci surestime l’effet d’une incision. Ce qu’il faut comprendre, c’est que le SIA comporte 2 parties : le FE, qui est le degré d’aplatissement ou de bombement du méridien planifié de l’incision ; et la torsion, ou degré de rotation, que l’incision induit dans l’astigmatisme initial. En gardant cela en mémoire, le FE est le plus souvent plus faible que le SIA total et c’est cette valeur qui doit être entrée dans le calculateur lors du choix du meilleur implant torique pour éviter de sous-estimer systématiquement la toricité de l’implant.

Analyse de l’astigmatisme postopératoire

À la différence des autres procédures chirurgicales, l’analyse de l’astigmatisme d’une procédure d’implantation torique compare le cylindre réfractif postopératoire rapporté au plan cornéen à l’astigmatisme cornéen préopératoire avant l’effet de l’incision de phaco. Cela représente donc une analyse hybride [3].
C’est l’astigmatisme cornéen total préopératoire (face antérieure + face postérieure de la cornée) qui doit être neutralisé par la toricité de l’implant. La toricité de la lentille implantée rapportée au plan de la cornée est égale au vecteur cible d’astigmatisme induit (Target Induced Astigmatism [TIA] vector) avec un axe à 90 ° de l’axe d’implantation. Le SIA de la procédure est la différence vectorielle entre le cylindre réfractif postopératoire rapporté au plan de la cornée et le cylindre réfractif visé ou planifié. Le cylindre réfractif visé peut ne pas être nul dans de nombreux cas car les puissances disponibles des implants toriques ont des pas de 0,50 ou 0,75 D, ce qui ne permet pas de neutraliser complètement l’astigmatisme cornéen préopératoire qui, lui, est calculé avec des pas de 0,01 D.
Ce sont ces 3 vecteurs principaux qui forment la base de la méthode d’Alpins d’analyse de l’astigmatisme et permettent de comprendre exactement ce qui est advenu en cas de résultat inattendu et de planifier la correction lors d’une deuxième procédure.

Exemple de résultat réfractif inattendu avec le calculateur d’implant torique ASSORT (www.assort.com et www.isrs.org )

Paramètres préopératoires
Notez que le calculateur utilise à la fois le pouvoir réfractif de la face antérieure de la cornée (pour le calcul de l’équivalent sphérique de l’implant) et le pouvoir réfractif cornéen total (pour le calcul de la toricité de l’implant).

Détails de l’implant
Le calcul de la position effective de l’implant est réalisé pour la constante A d’implant appropriée afin de montrer à l’utilisateur la puissance de l’implant rapportée au plan de la cornée. Ainsi, grâce à cette transparence dans le calcul, l’utilisateur peut facilement suivre comment la réfraction attendue a été calculée.

Analyse de la lentille implantée
Bien que la différence entre l’axe effectif d’alignement de l’implant torique et l’axe planifié ne soit que de 5 °, un cylindre réfractif significatif est constaté lors de la réfraction subjective postopératoire. L’analyse de l’astigmatisme montre qu’une rotation de la lentille implantée de 20 ° dans le sens horaire diminuera le cylindre réfractif existant de 1,75 à 0,05 D, avec une myopie résiduelle approximative de 0,50 D.

Une analyse ultérieure utilisant la méthode d’Alpins [4] montre une amplitude d’erreur (magnitude of error) de 0,96 D qui correspond à la différence entre le SIA et le TIA. Cela indique une surcorrection de l’astigmatisme, de même que l’indice de correction (Correction Index [CI]). Le CI est le SIA divisé par le TIA. Il montre que l’astigmatisme est surcorrigé de 36% ou 0,96 D.

Il y a 3 options de base si le résultat réfractif est inattendu :
- faire une rotation de l’implant pour réduire l’erreur réfractive – habituellement, un décalage de plus de 10 ° et une erreur de cylindre de plus de 0,75 D indiquent qu’une rotation de l’implant est nécessaire ;
- changer l’implant torique par un implant plus adapté si la rotation ne réduit pas de manière satisfaisante le cylindre réfractif comme indiqué par le calculateur ;
- réaliser une chirurgie réfractive cornéenne laser pour corriger l’erreur cylindrique réfractive – là aussi indiquée si la rotation de la lentille implantée ne diminue pas de manière significative l’erreur réfractive quantifiée par le cylindre réfractif résiduel.

Analyse de l’incision
Si le résultat réfractif est inattendu, il faut savoir si l’incision de phaco s’est comportée comme attendu en examinant le FE. En mesurant la kératométrie au niveau du méridien planifié de l’incision cornéenne en postopératoire, et en soustrayant celle-ci arithmétiquement à la mesure préopératoire du même méridien, on met en évidence l’effet d’aplatissement/le bombement réel. Pour une analyse individuelle et multiple du FE dans le temps, un logiciel libre est disponible sur www. assort.com [2] et www.isrs.org

Analyse du FE de 1 312 incisions sur différents méridiens cornéens pour des yeux droits et gauches
Une bonne compréhension du fonctionnement des calculateurs d’implant torique combinée à l’effet personnalisé des incisions de phaco et à des mesures exactes de l’astigmatisme cornéen assurent l’obtention de résultats postopératoires précis. Il est tout aussi important de savoir quelles options sont disponibles pour corriger un résultat réfractif inattendu qui est toujours possible.

Références bibliographiques
[1] Alpins N, Ong JK, Stamatelatos G. Corneal topographic astigmatism (CorT) to quantify total corneal astigmatism. J Refract Surg. 2015;31(3):182-6.
[2] Alpins N, Ong J, Stamatelatos G. Asymmetric corneal flattening effect after small incision cataract surgery. J Refract Surg. 2016;32(9): 598-603.
[3] Alpins N, Ong JK, Stamatelatos G. Refractive surprise after toric intraocular lens implantation: Graph analysis. J Cataract Refract Surg. 2014;40:283-94.  
[4] Alpins N. Astigmatism analysis by the Alpins method. J Cataract Refract Surg. 2001;27(1):31-49.

Auteurs

  • Noel Alpins

    Ophtalmologiste

    Clinique NewVision, université de Melbourne, département d’ophthalmologie, Melbourne (Australie)

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