Implants à profondeur de champ étendue et performances visuelles à distance du bras tendu…

Pour des pseudophakes sans pathologie rétinienne, ayant bénéficié d’implants monofocaux classiques et de verres progressifs toute distance, la mesure de l’acuité visuelle (AV) en vision proximale sur des optotypes de lettres isolées n’offre que peu d’intérêt car elle est censée être la même en vision de loin (VL), en vision intermédiaire (VI) et en vision de près (VP). En revanche, avec des implants à profondeur de champ étendue (de faible addition), les performances visuelles obtenues en vision proximale, sans correction additionnelle, ne correspondent pas toujours à celles prévues. Il est important de pouvoir les évaluer à distance du bras tendu, sur des optotypes spécifiques, afin d’apprécier le degré d’autonomie visuelle des patients.

La profondeur de champ théorique d’un œil humain – emmétrope non presbyte – correspond à une vision nette en tous points, du plus rapproché au plus éloigné. Chez le pseudophake bilatéral, bénéficiant d’implants monofocaux classiques emmétropisants, le déficit accommodatif doit être compensé par des verres progressifs toutes distances ou des verres de proximité (VI/VP), indispensables pour la lecture, le travail sur écran et les activités à distance du bras tendu.
Notre système visuel étant de plus en plus sollicité à des distances de proximité différentes de celle de la lecture, les implants à profondeur de champ étendue (de faible addition) semblent apporter des solutions efficaces en VL et en VI, avec une VL sans halos ni baisse significative de sensibilité au contraste.
À distance du bras tendu – plus ou moins importante selon la morphologie des patients –, les types d’acuité mesurables sont : l’acuité morphoscopique*, l’acuité de lecture** et les capacités de lecture***. Ce sont les capacités de lecture que nous évaluons en pratique courante et qui recoupent plus ou moins les 2 autres, à condition de tenir compte de la distance de présentation du test [3,6].

* L’acuité morphoscopique, mesurable sur des optotypes de lettres et/ou de chiffres isolés, est rarement effectuée en VP puisqu’elle est censée être la même que celle mesurée en VL.    
** L’acuité de lecture (capacité à déchiffrer la plus petite ligne d’un texte discontinu sur une échelle graduée) est proposée par Bailey-Lovie [4], pour un dépistage rapide de mots longs, moyens et courts n’ayant aucun sens entre eux.    
 *** Les capacités de lecture [1] (lecture plus ou moins fluide de petits paragraphes de texte continu gradués, faisant appel à la compréhension du lecteur selon la complexité du texte).

Mesure de l’AV à distance du bras tendu

La mesure des capacités de lecture sur des portions de texte (type échelons Parinaud [1]), est moins précise que la mesure de l’AV sur des optotypes de lettres isolées car elle fait appel à la capacité lexicale du patient et à une discrimination de lettres de hauteurs différentes pour une même ligne d’acuité. Avec des implants à profondeur de champ étendue (de faible addition), il est utile de pouvoir évaluer l’AV à distance du bras tendu sur des optotypes de lettres isolées, spécialement calibrées pour la vision proximale. On doit retrouver une corrélation entre l’AV mesurée en VL et celle mesurée à distance du bras tendu (tableau I).

Nous proposons 2 « planches d’optotypes »

L’une composée de lettres majuscules, sur le principe des échelles ETDRS-VP, l’autre de lettres minuscules courtes [2,3] : a ; c ; e ; n ; o ; s ; u ; v ; x, de difficultés relativement homogènes – calibrées pour mesurer l’acuité morphoscopique en vision proximale. Le score de l’AV est indiqué pour la distance de 0,63 m, distance moyenne du bras tendu chez l’adulte.
Notation « M » : la taille des lettres varie suivant une progression logarithmique de 0,1 log unité d’une ligne à la suivante. Cette notation « M » [4] indique pour chaque ligne la hauteur des lettres « en multiple de M » et la distance (en mètres) à laquelle ces lettres doivent être lues pour représenter une AV de 10/10. L’unité « M » correspond à la hauteur de la lettre minuscule « x » perçue sous un angle de 5' d’arc à une distance de 1 m, soit environ 1,45 mm.

Et une « planche-échantillon d’échelons Parinaud »

Conçue pour effectuer une mesure rapide de l’acuité de lecture, elle comporte 7 échelons de texte bref (édités en Arial) et dont la taille des lettres varie d’un échelon au suivant selon une progression logarithmique de 0,1 log unité.
Pour l’échelle de lecture, l’unité « M » correspond à la hauteur de la lettre minuscule « x » perçue sous un angle de 5' d’arc à une distance de 1 m, soit une hauteur de 1,45 mm. En revanche, les lettres minuscules à jambage supérieur et inférieur ont une hauteur différente de la lettre « x ». La notation « M » indique pour chaque ligne la hauteur des lettres « en multiple de M » et la distance (en mètres) à laquelle les échelons doivent être lus pour représenter une AV de 10/10. La notation « 1 M », attribuée au « P4 », correspond à la lecture des lignes d’une colonne de journal. Le P4 lu à 1 m représente une AV de 10/10, lu à 0,80 m → 8/10, lu à 0,63 m → 6,3/10, lu à 0,50 m → 5/10.

Avec le système M, la mesure de l’AV à d’autres distances que celle mentionnée sur les tableaux I et II s’exprime de la façon suivante :  
AV =   _m_   (distance en mètres à laquelle l’échelle est la plus nette)     
                M    (Valeur des plus petites lettres lues exprimées en unités M)

Exemples
1- Échelle nette à 0,80 m ; et plus petites lettres lues : ligne 1,25 M (P5) On écrit : AV = 0,80 m / 1,25 M [soit 0,63 ou 6,3/10]
2- Échelle nette à 0,63 m ; et plus petites lettres lues : ligne 1,25 M (P5) On écrit : AV = 0,63 m / 1,25 M [soit 0,5 ou 5/10]
# Malgré une AV plus faible, le patient dont la distance de mise au point est plus proche arrive à lire le même échelon P5 que celui dont la distance de mise au point est plus éloignée, grâce au grossissement physiologique lié au rapprochement : Gx = 0,80 m / 0,63 m = 1,25X.

Contrôle de la sensibilité au contraste

En cas de performances visuelles en VI très inférieures à celles évaluées en VL, il est important de quantifier l’éventuelle perte de lignes d’acuité sur les échelles à faible contraste. Pour cela, nous pouvons utiliser les échelles des tableaux I et II calibrées de la même façon : celles à fort contraste (80% avec une encre noire normale), et celles à faible contraste (gris 25% [2]). En l’absence de pathologie rétinienne, toute perte supérieure à 2 échelons Parinaud sur les échelles à faible contraste signe un problème de transparence des milieux ou lié à l’implant. Ce test permet de justifier les plaintes éventuelles du patient.

Tests complémentaires

Test rouge/vert en VL et à distance du bras tendu du patient ; et test de fusion en VP (dépistage d’une insuffisance de convergence). Une insuffisance de convergence peut être responsable de performances visuelles insatisfaisantes en vision proximale.

Conclusion

Notre vision est de plus en plus sollicitée en VL et à des distances de proximité, et les nouvelles générations de pseudophakes ne souhaitent plus dépendre de lunettes pour les activités de la vie courante. En dehors des implants multifocaux (bifocaux VL/VP, trifocaux VL/VI/VP), les implants à profondeur de champ étendue (de faible addition) semblent apporter des solutions efficaces en VL et à distance du bras tendu sans compromis de la qualité de la VL. Cependant, avec ce type d’implant, le contrôle des performances visuelles à ces distances est nécessaire pour bien apprécier le degré de satisfaction des patients. En cas de vision rapprochée ou de distance bien spécifique pour la lecture des petits caractères, des verres additionnels peuvent être proposés. Le but est de mettre le patient dans les conditions réelles pour définir le meilleur compromis possible pour son travail en VI/VP.

Références bibliographiques
[1] Parinaud H. Échelle optométrique, Acuité visuelle, Perception de la lumière et des couleurs. Roulot Éditeur, Paris, 1888.
[2] Hamard H, Meillon JP. Nouvelle échelle de lecture d’après Parinaud, Acuité visuelle & Capacité de lecture. TVSO Éditions, Tallard, 2006.
[3] Hamard P, Meillon JP. Bien mesurer l’acuité en vision de près. Comment et pourquoi ? Les Cahiers d’Ophtalmologie. 2018;218:20-4.
[4] Bailey IL, Lovie J. Word reading Chart, National Vision Research, Institute of Australia, Sydney, 1979.
[5] Richaudeau F. La lisibilité. Paris : Éditions Retz, CEPL, 1976.
[6] Colenbrander A. Reading acuity – an important parameter of reading performance. ICS. 2005;1282:487-91.

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