Un néovaisseau pas comme les autres

Mme M., âgée de 38 ans, consulte pour métamorphopsie de l’œil gauche depuis 1 semaine. Elle n’a pas d’antécédent ­hormis une hypertension artérielle.

Observation 
À l’examen clinique, l’acuité visuelle corrigée est de 10/10 Parinaud 2 à l’œil droit, et 6/10 Parinaud 3 à l’œil gauche ; le segment antérieur est sans particularité et la tension oculaire normale. Au fond d’œil à gauche, il existe une lésion jaunâtre bien délimitée au pôle postérieur avec une hémorragie en inféromaculaire. La photographie en autofluorescence montre une zone d’hypo-autofluorescence centrale entourée d’une zone hétérogène alternant hyper/hypo et iso-autofluorescence en périphérie (figure 1). L’OCT maculaire retrouve une lésion choroïdienne avec des couches lamellaires hyperréflectives, une diminution de l’épaisseur de la choriocapillaire. On note également une altération de la rétine externe en regard, un décollement séreux rétinien (DSR) avec une zone de gris préépithélial en regard (figure 2). L’angiographie à la fluorescéine affiche une fluorescence hétérogène de la lésion avec une diffusion au temps tardif correspondant à un néovaisseau choroïdien visible. L’angiographie au vert d’indocyanine révèle une hypofluorescence aux temps précoce et tardif de la lésion (figure 3). L’échographie oculaire mode B montre une lésion choroïdienne hyperéchogène avec un cône d’ombre postérieur.
Le diagnostic d’ostéome choroïdien compliqué d’un néovaisseau de l’œil gauche est donc posé.
La patiente reçoit une série de 6 injections intravitréennes (IVT) d’anti-VEGF avec une disparition du néovaisseau et une diminution partielle du DSR. L’acuité visuelle finale à 2 ans de suivi est de 6/10, avec une persistance d’un léger DSR en regard d’une excavation choroïdienne. Il n’y a pas de signe d’activité du néovaisseau (figure 4).

Discussion L’ostéome choroïdien, initalement décrit par Gass en 1978, est une tumeur choroïdienne bénigne et rare développée à partir d’une cellule osseuse mature. Elle atteint habituellement les femmes jeunes (autour de 25 ans), est de siège unilatéral, péripapillaire ou dans la région maculaire, et se caractérise par une lésion blanche à jaune-orange bien délimitée en fonction du grade de calcification de la tumeur. À l’OCT, elle apparaît comme une lésion hyperréflective en multicouches, comme une éponge [1]. En autofluorescence, c’est une lésion iso-autofluorescente si elle est calcifiée, hyperfluorescente ou hypo-autofluorescente si elle est décalcifiée et en fonction de l’atrophie de l’épithélium pigmentaire [2]. L’échographie en mode B peut aider au diagnostic ; en effet, on retrouve une lésion hyperéchogène calcifiée avec un cône d’ombre postérieur. L’acuité visuelle reste bonne tant que la tumeur est calcifiée et qu’il n’y a pas d’altération de l’épithélium pigmentaire et des photorécepteurs. L’évolution est lentement progressive et caractérisée par une désossification (ou décalcification) avec un amincissement de la tumeur (10% tous les 2 à 5 ans) à l’origine d’une atrophie de la rétine externe, un DSR avec ou sans néovascularisation choroïdienne et une baisse de l’acuité visuelle. La physiopathologie n’est pas clairement définie et certains auteurs pensent que la désossification est liée à l’activité ostéoclastique des cellules osseuses ainsi qu’à la phagocytose par les cellules inflammatoires. En revanche, une fois que la lésion est décalcifiée, il n’y a plus de progression. La néovascularisation choroïdienne est bien décrite et concerne entre 31 et 47% des patients à 10 ans [3]. Le traitement consiste soit en IVT d’anti-VEGF, soit en une photothérapie dynamique [4-6]. Cette dernière est plutôt réservée aux lésions extrafovéolaires car elle peut induire une décalcification de la tumeur et entraîner une baisse d’acuité visuelle. La récurrence de ces néovaisseaux est estimée à 50% à 10 mois, et le nombre d’injections annuelles est en moyenne de 3 à 4,7 selon les études [7,8]. Le pronostic visuel à 10 ans est mauvais, avec près de la moitié des patients présentant une acuité visuelle inférieure à 20/200 [3,9].

Références bibliographiques
[1] Shields CL, Arepalli S, Atalay HT et al. Choroidal osteoma shows bone lamella and vascular channels on enhanced depth imaging optical coherence tomography in 15 eyes. Retina. 2015;35(4):750-7.
[2] Sisk RA, Riemann CD, Petersen MR et al. Fundus autofluorescence findings of choroidal osteoma. Retina. 2013;33(1):97-104.
[3] Shields CL, Sun H, Demirci H, Shields JA. Factors predictive of tumor growth, tumor decalcification, choroidal neovascularization, and visual outcome in 74 eyes with choroidal osteoma. Arch Ophthalmol. 2005;123(12):1658-66.
[4] Song WK, Koh HJ, Kwon OW et al. Intravitreal bevacizumab for choroidal neovascularization secondary to choroidal osteoma. Acta Ophthalmol. 2009;87(1):100-1.
[5] Shields CL, Materin MA, Mehta S et al. Regression of extrafoveal choroidal osteoma following photodynamic therapy. Arch Ophthalmol. 2008;126(1):135-7.
[6] Shields CL, Salazar PF, Demirci H et al. Intravitreal bevacizumab (avastin) and ranibizumab (lucentis) for choroidal neovascularization overlying choroidal osteoma. Retin Cases Brief Rep. 2008;2(1):18-20.
[7] Khan MA, DeCroos FC, Storey PP et al. Outcomes of anti-vascular endothelial growth factor therapy in the management of choroidal neovascularization associated with choroidal osteoma. Retina. 2014; 34(9):1750-6.
[8] Mansour AM, Arevalo JF, Al Kahtani E et al. Role of intravitreal antivascular endothelial growth factor injections for choroidal neovascularization due to choroidal osteoma. J Ophthalmol. 2014;2014: 210458.
[9] Aylward GW, Chang TS, Pautler SE, Gass JD. A long-term follow-up of choroidal osteoma. Arch Ophthalmol. 1998;116(10):1337-41.

Auteurs

  • Marion Lam

    Interne en ophtalmologie

    Hôpital Lariboisière, Paris

  • Sara Touhami

    Ophtalmologiste

    Hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Sorbonne université, Paris

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