Actualités en oncologie

La session 2022 avait consacré une part importante à l’oncologie avec le rapport, mais la session 2023 n’est pas en reste avec de belles sessions qui lui sont consacrées.
Lésions iriennes
Le Dr Denis Malaise a débuté cette session par un rappel sur les nævus iriens. Il a rappelé que la cataracte localisée, l’ectropion uvéal et les kystes associés n’étaient pas des signes de malignité. La réalisation d’une gonioscopie est primordiale, puisque l’invasion de l’angle est un signe évocateur de malignité.
L’examen de tout nævus irien doit inciter à dilater la pupille. Attention, l’atteinte irienne peut être la partie immergée d’un mélanome ciliochoroïdien. Ainsi, les facteurs de risque de mélanome irien sont la présence d’un hyphéma, la localisation inférieure, la grande taille, l’hypertonie intraoculaire.
Les signes posant avec certitude le diagnostic de mélanome sont la croissance documentée et la présence d’un tapis de pigment dans l’angle.
La surveillance des nævus iriens est fondamentale, elle inclut des photographies de segment antérieur, une gonioscopie, une UBM (et/ou OCT), afin de mesurer la lésion dans le cas d’un nævus de grande taille ou évolutif. La recherche d’une extension au corps ciliaire est fondamentale.
Les lésions achromes sont plus rares et doivent faire évoquer une métastase ou un mélanome achrome. Des signes inflammatoires sont souvent associés aux métastases.
L’atteinte sectorielle peut faire rechercher un nævus d’ota et doit être associée à un fond d’œil dilaté.
Les kystes iriens de l’épithélium postérieur sont fréquents, leur caractérisation en UBM est typique, avec une vacuole. Ils sont bénins et parfois secondaires à une chirurgie.
Le Dr Puech a ensuite détaillé les imageries des tumeurs iriennes. En premier lieu, la photo de segment antérieur qui permet d’avoir des images planes. L’UBM et l’OCT permettent de réaliser des images en coupe avec mesure de l’épaisseur et de la largeur de la lésion. Ils visualisent la racine de l’iris et les procès ciliaires et précisent leur atteinte. Les critères UBM en faveur du mélanome irien sont l’absorption du signal et les limites irrégulières. L’OCT permet une pénétration moins importante que l’UBM car la pigmentation de l’iris et du corps ciliaire absorbe le signal. Si le signal infrarouge traverse la lésion et permet de visualiser la partie postérieure, on évoquera un nævus ; dans le cas contraire, plutôt un mélanome.
L’UBM et l’OCT permettent également la surveillance posttraitement. On observe une stabilisation de la taille puis une diminution et une vacuolisation de la lésion à partir de 1 an postproton.
L’OCT-angiographie est plus difficile d’interprétation, avec un effet masque du pigment de la lésion. On constate tout de même une perte de l’architecture vasculaire dans la lésion.
Le Dr Sacha Nahon-Estève a rappelé que la définition d’un mélanome irien est posée sur une croissance documentée d’un nævus suspect. Cette croissance est lente, 0,3 mm/an en épaisseur et 0,6 en diamètre selon une étude des Shields, soit bien moins rapide que celle d’un mélanome choroïdien. Un petit peu à l’image des mélanomes cutanés, l’équipe des Shields a décrit les facteurs de risque d’évolution vers le mélanome irien comme ABCDEF : Age, Blood (hyphema)/Clock (lésion inférieure), Diffus, Ectropion, Feather (en plumeau de canard). Le traitement de référence en France est la protonthérapie. D’autres traitements comme le disque diode et la chirurgie ont été décrits.
Le Dr Céline Giraud a rappelé que ces lésions tumorales iriennes étaient souvent associées à un glaucome soit au diagnostic, soit en conséquence du traitement. Le glaucome est particulier et lié à l’envahissement du trabéculum par la tumeur, la présence de débris dans le trabéculum, la fermeture de l’angle par compression, voire une néovascularisation irienne.
Ces glaucomes ont une évolution rapide, ils sont souvent sévères et jusqu’à preuve du contraire, la chirurgie est contre-indiquée. Le traitement est classique : collyres, diamox, SLT en évitant la région tumorale, cyclo-affaiblissement au laser diode prudent pour éviter la phtyse. Une chirurgie filtrante pourra être envisagée après traitement et accord de l’onco-ophtalmologue.
Le rôle de la gonioscopie est donc fondamental dans tout glaucome unilatéral à la recherche d’une invasion de l’angle.
Tumeurs choroïdiennes
Le Dr Laurence Rosier a traité le sujet de la rétinographie : est-elle indispensable et laquelle choisir ?
Oui, elle l’est, pour le dépistage, la surveillance, le partage en RCP, la pédagogie, les explications au patient.
Le Dr Rosier a rappelé les différents types de rétinophotographes. Le traditionnel permet d’avoir une image jusqu’aux arcades. C’est un examen exigeant qui nécessite une bonne dilatation, la coopération du patient, un technicien formé et la réalisation de montages.
Le grand champ visualise jusqu’au bord postérieur des vortiqueuses. Il a l’avantage de ne pas entraîner de modification de couleurs et de générer une distorsion minime des images, permettant son utilisation pour la réalisation des calques (aux côtés des rétinophotographes traditionnels).
L’ultra grand champ visualise jusqu’à la pars plana et permet un dépistage même sans dilatation. C’est le bilan optimal lésionnel et il permet de s’affranchir partiellement des troubles des milieux. Son inconvénient principal est la colorimétrie modifiée. Ce n’est pas gênant pour le suivi mais il modifie la couleur des lésions pigmentées et rend souvent les lésions peu colorées (hémangiomes) difficiles à visualiser. Il est également responsable d’une distorsion liée à l’aplanissement des lésions en périphérie.
L’idéal est donc de pouvoir associer ces rétinographes.
Le Dr Alexandre Matet a ensuite proposé un schéma simple de suivi des nævus choroïdiens. Devant un diamètre inférieur à 2 diamètres papillaires, et en l’absence de facteur de risque, on proposera une rétinographie annuelle. Les lésions supérieures à 2 diamètres papillaires ou avec un facteur de risque doivent bénéficier d’un bilan avec rétinographie et échographie tous les 3 à 6 mois.
Le Dr Sacha Nahon-Estève a ensuite rappelé l’intérêt de l’OCT et de l’OCT-A dans le diagnostic et la surveillance posttraitement des lésions choroïdiennes et rétiniennes. L’OCT permet une analyse histologique et quantifie l’épaisseur des lésions rétiniennes. Dans le cadre des lésions choroïdiennes, l’aspect lumpy bumpy est caractéristique des métastases choroïdiennes. L’OCT-A a un intérêt dans l’analyse de l’architecture vasculaire. Il aide au diagnostic et surtout au dépistage et au suivi de la rétinopathie postradique.
Pour conclure cette session, le Dr Tick a rappelé les indications de l’angiographie. Elle aide d’une part au diagnostic (entre nævus douteux et petit mélanome ; entre granulome, hémangiome et métastase ; des métastases infracliniques) et permet de détecter les effets iatrogènes de la radiothérapie.
Tumeurs rétiniennes et choroïdiennes de manière générale
Le Dr Denis Malaise a présenté une étude sur les greffes sous-rétiniennes chez le rat de cellules de rétinoblastome dérivées de patients. Il a rappelé qu’à l’heure actuelle, la majorité des modèles décrits de rétinoblastomes ne représentait pas l’ensemble des manifestations cliniques de la maladie (atteinte intrarétinienne, sous-rétinienne et intravitréenne). L’objectif de leur étude était donc de développer et de caractériser un modèle préclinique de rétinoblastome chez le rat à partir d’un tissu tumoral dérivé de patient, greffé de façon orthotopique en sous-rétinien et présentant les différents aspects cliniques en préservant les milieux clairs. Ce nouveau modèle pourrait permettre à l’avenir l’évaluation de nouveaux traitements.
Le Dr Manon Ortoli a ensuite exposé une étude sur l’imagerie multimodale de l’hémangiome choroïdien circonscrit, et notamment sur l’apport de l’imagerie grand champ et d’une nouvelle technique d’imagerie : l’holographie laser doppler. L’analyse des images de l’angiographie ICG grand champ associée à l’holographie laser doppler permet une nouvelle interprétation de la physiopathologie de l’hémangiome choroïdien et remet notamment en question le concept de wash-out caractéristique, connu de la littérature.
Le Dr Nour-El-Imane Issam a ensuite parlé du récepteur immunorégulateur V-Set (VSIR), qui pourrait constituer un gène immunosuppresseur qui prédit le pronostic des patients atteints d’un mélanome uvéal. Leur étude concluait que VSIR pourrait être lié au type le plus agressif de mélanome uvéal, constituer ainsi un marqueur de mauvais pronostic et être impliqué dans la progression tumorale du mélanome uvéal.
Les Drs Jérémie Villaret et Badiaa El Karmy ont clos cette session avec 2 présentations sur l’apport de l’optique adaptative dans l’étude du remodelage vasculaire dans la rétinopathie radique, chez des patients traités par protonthérapie pour un mélanome choroïdien. L’étude des paramètres vasculaires en optique adaptative permet de mieux comprendre l’évolution de cette pathologie, et notamment le WLR, qui pourrait être un marqueur d’imagerie incontournable pour évaluer les effets d’un traitement préventif de la rétinopathie radique.