Diagnostic et traitement des hémangiomes choroïdiens

L’hémangiome choroïdien est une tumeur vasculaire rare et bénigne de la choroïde. Il peut être circonscrit ou diffus. L’hémangiome choroïdien circonscrit (HCC) est généralement diagnostiqué entre 20 et 40 ans au décours d’une baisse de vision. Il s’agit probablement d’une lésion congénitale, survenant de manière sporadique et non associée à d’autres anomalies oculaires ou systémiques. L’hémangiome choroïdien diffus est, quant à lui, souvent évident à la naissance et survient majoritairement dans le cadre d’une hémangiomatose neuro-oculo-cutanée (syndrome de Sturge-Weber). Nous ne traiterons ici que des formes circonscrites.

Diagnostic

L’HCC est une tumeur bénigne composée de réseaux vasculaires qui s’étendent sur toute l’épaisseur de la choroïde et entraînent des altérations secondaires de l’épithélium pigmentaire (EP) et de la rétine en regard. Bien que bénigne, cette lésion est souvent à l’origine d’une baisse de vision.
À l’examen du fond d’œil, on retrouve classiquement une masse ronde, peu saillante, rouge-orangée – qui contraste avec la choroïde saine qui l’entoure –, ou parfois blanchâtre. Il peut exister des altérations de l’EP visibles à sa surface, et parfois un halo sombre périphérique correspondant au refoulement de l’EP. Dans les formes symptomatiques, on peut voir un décollement de rétine exsudatif péritumoral transilluminable – on parle du signe du « lampion chinois ». L’HCC est souvent localisé au pôle postérieur. Il peut, occasionnellement, se compliquer d’un glaucome néovasculaire ou d’un décollement de rétine exsudatif de grande taille. 

L’aspect clinique fait parfois évoquer à tort un mélanome choroïdien achrome, une métastase choroïdienne ou un granulome choroïdien. Les examens paracliniques sont donc d’une grande aide diagnostique. En tomographie par cohérence optique (OCT), on retrouve une lésion choroïdienne hyporéflective en dôme, quelquefois associée à des altérations de l’EP et à un œdème intrarétinien en regard, ainsi qu’à un décollement séreux rétinien (DSR) gravitationnel. L’échographie en mode B retrouve une masse choroïdienne en dôme iso- ou hyperéchogène, sans excavation choroïdienne. En angiographie à la fluorescéine, on note un remplissage progressif de la lésion qui persiste tout au long de la séquence. Une diffusion modérée est possible. Parfois, il existe un halo hypofluorescent périphérique correspondant au refoulement des mélanocytes. La séquence angiographique au vert d’indocyanine est l’examen de référence de cette lésion, montrant un remplissage précoce et explosif de la lésion et un aspect hypofluorescent tardif, dit en wash out, présent dans 72% des cas. Il peut persister quelques points hyperfluorescents correspondant à des cavités tumorales. L’OCT-angiographie retrouve des vaisseaux dilatés intratumoraux. La figure 1 montre un exemple d’HCC en imagerie multimodale.

Quand traiter ?

Souvent associés à une exsudation, les HCC peuvent être responsables d’une baisse de vision définitive en l’absence de traitement. Néanmoins, tous ne nécessitent pas un traitement en raison des potentiels effets secondaires. Pour les lésions maculaires (deux tiers des cas), le traitement sera guidé par la présence d’une baisse de vision, qu’elle soit en lien avec une exsudation tumorale ou due à une atrophie de la rétine externe et de l’EP secondaire à la compression de la choriocapillaire générée par la lésion. Pour les lésions extramaculaires (un tiers des cas), on ne traitera qu’en cas de présence d’un décollement séreux rétinien.

Comment traiter ?

Historiquement, il était proposé aux patients un traitement par photocoagulation laser, thermothérapie transpupillaire ou radiothérapie externe conventionnelle. Les deux premières méthodes ne sont plus utilisées du fait d’une efficacité insuffisante et des cicatrices rétiniennes qu’elles peuvent occasionner [1].
La photothérapie dynamique (PDT) pleine dose (50 J/cm2) et pleine fluence (600 mW/cm2) peut représenter une bonne solution thérapeutique, avec une résolution du DSR dans 93 à 100% des cas et une régression tumorale dans la quasi-totalité des cas [2]. Elle a l’avantage de présenter peu de risque de complications, hormis une altération résiduelle de l’EP. Néanmoins, le risque de récidive serait plus élevé pour les HHC avec une épaisseur supérieure à 3 mm (OR = 2,72) [3]. Cette récidive est un facteur de risque de mauvaise acuité visuelle finale.
La protonthérapie, technique d’irradiation disponible depuis les années 1990, permet une distribution précise de la dose d’irradiation. Elle est utilisée dans le traitement d’autres lésions choroïdiennes, comme les mélanomes choroïdiens. Elle est très efficace dans le traitement des HCC, avec une régression du DSR dans 100% des cas et une régression tumorale dans 90 à 100% des cas [4]. La faible dose d’irradiation, environ 20 Gy, fractionnée en 4 à 8 séances, entraîne très peu de complications oculaires [5]. La principale limite de ce traitement demeure son accessibilité, avec 2 cyclotrons en France, à Paris et Nice. Dans la plus grande cohorte d’HCC publiée à ce jour, aucune récidive n’était observée après un traitement par protonthérapie [3].

Algorithme de prise en charge

Fondée sur ces résultats, la figure 2 propose un algorithme de prise en charge des HCC en fonction de l’épaisseur de la lésion : pour celles inférieures à 3 mm d’épaisseur, on pourra opter pour une PDT ou une protonthérapie ; dans le cas d’une récidive après PDT, on proposera une protonthérapie ; pour les lésions supérieures à 3 mm d’épaisseur, on s’orientera vers une protonthérapie [3]. 

Références bibliographiques
[1] Shields JA, Shields CL, Materin MA et al. Changing concepts in management of circumscribed choroidal hemangioma: The 2003 J. Howard Stokes Lecture, Part 1. Ophthalmic Surg Lasers Imaging. 2004;35(5):383-94.
[2] Boixadera A, García-Arumí J, Martínez-Castillo V et al. Prospective clinical trial evaluating the efficacy of photodynamic therapy for symptomatic circumscribed choroidal hemangioma. Ophthalmology. 2009;116(1):100-5.
[3] Mathis T, Maschi C, Mosci C et al. Comparative effectiveness of proton beam versus photodynamic therapy to spare the vision in circumscribed choroidal hemangioma. Retina. 2021;41(2):277-86.
[4] Mahdjoubi A, Dendale R, Desjardins L et al. Treatment of exudative circumscribed choroidal hemangioma: Efficacy of fractionated proton therapy (20 Gray relative biological effectiveness in 8 fractions). Retina. 2019;39(4):692-9.
[5] Levy-Gabriel C, Lumbroso-Le Rouic L, Plancher C et al. Long-term results of low-dose proton beam therapy for circumscribed choroidal hemangiomas. Retina. 2009;29(2):170-5.

Auteurs

  • Maxime Nhari

    Ophtalmologiste

    Hôpital de la Croix-Rousse, Lyon

  • Thibaud Mathis

    Ophtalmologiste

    Service d’ophtalmologie, hôpital de la Croix-Rousse, hospices civils de Lyon ; laboratoire MATEIS, UMR-CNRS 5510, INSA, Université Lyon 1

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