UBM : quelles indications en 2019 ?
La gonioscopie statique et dynamique avec indentation est le premier examen de référence devant une hypertonie oculaire ou un glaucome. C’est également un examen clef devant un angle étroit (signe de Van Herick) ou des signes cliniques évocateurs de crises de fermeture de l’angle iridocornéen (AIC). Cependant, son interprétation est variable en fonction des cliniciens. Les systèmes d’imagerie permettant de visualiser et de quantifier de manière objective les structures de l’AIC et du segment antérieur de l’œil présentent donc un avantage certain. L’échographie de très haute fréquence (UBM) est le système le plus ancien (disponible depuis les années 1980). Les systèmes OCT dédiés au segment antérieur (tout comme la caméra Scheimpflug) sont plus récents. Quelles indications retenir pour un examen UBM ? Quels patients adresser à un confrère spécialisé en échographie oculaire ?
L’avantage de l’UBM réside dans son excellente pénétration à travers les tissus iriens : c’est le seul examen permettant de visualiser correctement les structures endoculaires rétro-iriennes (corps ciliaires, zonule, équateur cristallinien, sulcus ciliaire, espace suprachoroïdien). Son inconvénient principal est son caractère opérateur-dépendant. De plus, il s’agit d’un examen avec contact non déléguable en travail aidé.
Les systèmes OCT permettent d’obtenir une excellente résolution d’images. Leur acquisition est très rapide et sans contact. Cependant la lumière infrarouge (y compris en OCT Swept Source) ne traverse pas suffisamment les tissus iriens pour obtenir une image des structures endoculaires rétro-iriennes.
Ces 2 examens (UBM et OCT-SA) présentent donc des avantages complémentaires [1,2].
Fermeture de l’angle
Les fermetures de l’AIC sont classiquement divisées en formes primitives et formes secondaires. Dans les premières, la fermeture de l’angle est très souvent liée au phénomène de blocage pupillaire : il s’agit du contact entre la pupille et la cristalloïde antérieure, entraînant un gradient de pression entre la chambre postérieure et la chambre antérieure. La racine de l’iris est alors poussée vers l’avant et vient s’accoler à la périphérie de la face postérieure de la cornée, provoquant ainsi une fermeture de l’AIC. Rappelons que Foster et al. ont défini 3 stades de fermeture primitive de l’AIC : suspicion de fermeture primitive de l’angle, fermeture primitive de l’angle et glaucome par fermeture de l’angle. Dans tous les cas, l’iridotomie périphérique (IP) au laser YAG permet de lever le phénomène de blocage pupillaire : on peut constater, après une IP, une réouverture de l’AIC – sauf si celui-ci est complètement synéchié – lorsque la fermeture était majoritairement liée à un blocage pupillaire. L’UBM est alors un examen de choix dans les cas de non-réouverture de l’AIC après une IP : il s’agit d’identifier les mécanismes responsables de la fermeture de l’AIC. On peut dégager 3 grands mécanismes (pouvant coexister) de fermeture de l’AIC malgré une IP : l’iris plateau, les causes cristalliniennes et les causes rétrocristalliniennes.
Iris plateau
Dans l’iris plateau, on retrouve en UBM ce qui est pathognomonique sur le plan anatomique de ce syndrome : antéposition des corps ciliaires, rotation antérieure des corps ciliaires, absence de sulcus ciliaire (figure 1). Cette « anomalie » d’insertion et d’orientation des corps ciliaires est responsable d’une poussée antérieure de la racine de l’iris, et donc d’une fermeture de l’AIC – la double bosse en gonioscopie correspond à l’empreinte des corps ciliaires après l’indentation. La chambre antérieure est de profondeur normale au centre quand l’iris plateau est le seul mécanisme responsable de la fermeture de l’AIC [3]. L’iridoplastie au laser Argon peut alors permettre une réouverture de l’AIC. Le principal diagnostic différentiel du syndrome d’iris plateau est la polykystose ciliaire [4], seule l’UBM permettra alors de distinguer les 2 en mettant en évidence les kystes des corps ciliaires (figure 2).
Causes cristalliniennes
Dans les causes cristalliniennes, le cristallin est trop bombé (phakomorphisme) ou positionné trop en avant (figure 3). La profondeur de la chambre antérieure est alors diminuée au centre. La cause principale est la cataracte sénile, de façon plus rare la sphérophakie et apparentés. La flèche cristallinienne est un excellent moyen pour quantifier cette composante phakomorphique [3]. La phakoexérèse est alors le traitement de choix.
Causes rétrocristalliniennes
Les causes rétrocristalliniennes ont comme point commun une augmentation du volume du contenu de la cavité vitréenne. Le contenant (la coque sclérale) étant inextensible, on observe une poussée antérieure de tout le complexe lenticulociliaire, et donc une fermeture de l’AIC. Il s’agit des hémorragies massives du segment postérieur, de l’effusion uvéale et apparentés, du glaucome malin (figure 4). L’UBM est le seul examen permettant d’obtenir une imagerie de l’espace suprachoroïdien (normalement virtuel), et donc de poser un diagnostic précis. L’atropine en collyre est alors le premier réflexe thérapeutique à adopter.
Dans tous ces cas, rappelons qu’une réouverture de l’AIC ne permet pas toujours d’abaisser la pression intraoculaire (PIO) quand celle-ci est trop élevée : en effet, le contact iridotrabéculaire chronique induit une trabéculopathie et/ou la formation de synéchies antérieures périphériques.
Traumatologie
Une multitude de lésions endoculaires peuvent être induites par un traumatisme contusif du globe oculaire. Les lésions induites au niveau de l’AIC (récession angulaire) sont de diagnostic clinique, tout comme celles de l’iris (iridodialyse, rupture du sphincter irien, etc.). L’UBM trouve sa place dans le bilan des lésions cristalliniennes et ciliaires.
Dans le cadre des luxations cristalliniennes et cataracte posttraumatiques, l’UBM permettra de réaliser un bilan complet préchirurgical (étendue et localisation de la rupture zonulaire, présence ou non d’un blocage pupillaire secondaire, intégrité ou non de la hyaloïde antérieure, etc.) afin de guider au mieux la procédure chirurgicale.
En cas d’hypotonie postcontusive, l’examen clinique pour authentifier la présence d’une cyclodialyse (décollement des corps ciliaires) est difficile. La chambre antérieure peut être de profondeur diminuée (par bascule antérieure du bloc lenticulo-ciliaire décollé). La gonioscopie permet d’observer directement une communication entre la chambre antérieure et l’espace suprachoroïdien. L’UBM (tout comme les OCT de segment antérieur) permettra de poser le diagnostic : communication anormale entre la chambre antérieure et l’espace suprachoroïdien – qui n’est alors plus virtuel mais ouvert – [5]. Seule l’UBM permettra d’évaluer facilement l’étendue de la zone de décollement et guidera ainsi l’attitude thérapeutique à proposer (figure 5).
Tumeurs
Les signes pouvant faire évoquer la présence d’une tumeur endoculaire localisée au niveau du segment antérieur sont peu nombreux et doivent faire rapidement réaliser un examen UBM : visualisation directe d’une masse lors de la biomicroscopie du segment antérieur ou l’examen du fond d’œil, présence d’un vaisseau sentinelle au niveau épiscléral ou irien (anormalement dilaté et tortueux), bombement antérieur localisé de l’iris, hémorragies récidivantes inexpliquées du segment antérieur.
Grâce à l’UBM, on pourra alors authentifier la présence d’une tumeur endoculaire et en apprécier les caractéristiques : localisation, taille, échogénicité (et donc densité), caractère homogène ou hétérogène, limites (bien identifiées ou non), retentissement et infiltration des structures adjacentes (figure 6). Il s’agit donc d’un examen capital pour orienter vers le caractère bénin ou malin de la lésion observée et initier une prise en charge adaptée en milieu surspécialisé.
Pré- et postchirurgica
Le suivi postopératoire des chirurgies du glaucome est long et intensif, mais indispensable pour obtenir un résultat pressionnel satisfaisant à long terme. Pour les chirurgies à bulle de filtration (conventionnelles de type trabéculectomie/sclérectomie ou, plus récemment, à l’aide de chirurgies micro-invasives ab interno ou ab externo), l’UBM peut, dans certains cas, trouver sa place lorsque la PIO remonte et lorsque l’examen clinique ne permet pas d’expliquer à quel niveau se situe l’obstacle [6]. La présence d’une bulle de filtration très enkystée orientera plutôt vers un obstacle sous-conjonctivoténonien (et donc vers une procédure de type needling ou révision de bulle). L’absence totale de bulle de filtration doit faire rechercher un obstacle interne à l’écoulement de l’humeur aqueuse (figure 7).
De façon plus rare, une hypotonie associée à l’absence totale de bulle doit faire rechercher une cyclodialyse induite par la chirurgie.
Rappelons enfin que pour les procédures de cycloaffaiblissement (au laser Diode ou HIFU), seule l’UBM permettra un repérage précis des corps ciliaires afin de guider le geste opératoire.
Conclusion
Aujourd’hui, les nouvelles méthodes d’imagerie du segment antérieur (notamment l’OCT) ne permettent pas de se passer de l’UBM : ces 2 technologies sont complémentaires. L’UBM reste l’examen de référence dès qu’il devient indispensable de visualiser les corps ciliaires et les structures endoculaires rétro-iriennes. La liste des indications à l’UBM suscitées n’a pas la prétention d’être exhaustive.
Références bibliographiques
[1] Chansangpetch S, Rojanapongpun P, Lin SC. Anterior Segment Imaging for Angle Closure. Am J Ophthalmol. 2018;188:16-24.
[2] Dada T, Gadia R, Sharma A et al. Ultrasound biomicroscopy in glaucoma. Surv Ophthalmol. 2011;56(5):433-50.
[3] Fénolland JR, Puech M, Baudouin C, Labbé A. [Imaging of the iridocorneal angle in glaucoma]. J Fr Ophtalmol. 2013;36(4):378-83.
[4] Schmalfuss TR, Picetti E, Pakter HM. Glaucoma due to ciliary body cysts and pseudoplateau iris: a systematic review of the literature. Arq Bras Oftalmol. 2018;81(3):254-61.
[5] González-Martín-Moro J, Contreras-Martín I, Muñoz-Negrete FJ et al. Cyclodialysis: an update. Int Ophthalmol. 2017;37(2):441-57.
[6] Golez E3rd, Latina M. The use of anterior segment imaging after trabeculectomy. Semin Ophthalmol. 2012;27(5-6):155-9.