Pourquoi le type de néovaisseau est important dans le traitement de l’exsudation en DMLA

La classification des néovaisseaux dans la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) a évolué dans le temps, grâce à une meilleure compréhension de la pathologie d’une part, et à l’amélioration des examens d’imagerie d’autre part. Ainsi, d’une classification angiographique fondée sur la visibilité du néovaisseau par l’angiographie à la fluorescéine, nous sommes passés à une classification anatomique, localisant le néovaisseau dans les différentes couches rétiniennes. Le terme de néovaisseaux choroïdiens pour définir le spectre des néovaisseaux dans la DMLA a donc été remplacé par celui de néovaisseaux maculaires (NVM) afin d’intégrer les prolifération angiomateuse rétinienne (figure 1) [1]. La définition exacte du type de NVM dès le diagnostic est importante car elle permettrait d’estimer l’évolution de la maladie exsudative, son pronostic, ainsi que son besoin en traitement anti-VEGF.

Le paradigme de traitement actuel est de proposer de manière généralisée un régime de traitement proactif (souvent en schéma Treat-and-Extend, voire en schéma fixe), cependant ces régimes de traitement pourraient être individualisés selon le type de NVM [2]. Cette perspective intéressante pourrait s’intégrer parfaitement dans un futur où l’arsenal thérapeutique dans la prise en charge de la  DMLA néovasculaire va connaître une forte évolution.

Différents types de néovaisseaux

NVM de type 1
Anciennement classés comme néovaisseaux occultes, les NVM de type 1 sont localisés sous l’épithélium pigmentaire (EP) et répondent probablement à un processus angiogénique médié par un EP altéré (figure 2). Ce sont les néovaisseaux les plus fréquents dans le cadre d’une DMLA. Leur processus de maturation est généralement assez avancé lors de la découverte de la pathologie, expliquant ainsi une plus grande aire néovasculaire que les autres types de NVM. Cela va donc influencer la charge thérapeutique requise pour maîtriser le syndrome exsudatif [3], qui va généralement être plus importante que les autres types de NVM avec en moyenne un intervalle d’injection de 8 semaines [4]. Néanmoins, le pronostic à long terme des NVM de type 1 est le meilleur, grâce notamment à un taux de développement d’atrophie moindre [5]. En revanche, des polypes peuvent se développer sur le lit néovasculaire sous l’EP et se compliquer d’un hématome choroïdien et/ou sous-rétinien, prévenant ainsi une sortie prématurée d’un schéma de traitement proactif.

NVM de type 2
Les NVM de type 2 sont localisés au-dessus de l’EP, ce qui explique leur visibilité importante à l’angiographie à la fluorescéine et leur classification précédente en néovaisseaux visibles (figure 3). Ces NVM peuvent être primitifs et dans ce cas, ils s’engouffrent depuis la choroïde jusque dans l’espace sous-rétinien par une brèche située dans l’EP, mais ils peuvent aussi faire suite à une évolution des NVM de type 1, classifiant ainsi ces NVM en mixtes. Dans de plus rares cas, la cinétique peut être inverse : un NVM de type 2 primitif évolue vers un NVM de type 1. Cette localisation particulière sous la rétine va entraîner un syndrome exsudatif important, expliquant une baisse d’acuité visuelle sévère au diagnostic [6]. Le traitement de ces NVM va permettre une amélioration importante de la vision mais celle-ci est cependant souvent limitée par le développement d’une fibrose en regard, qui peut être importante en fonction de l’activité du processus angiogénique [7]. Néanmoins, après 2 ans, ce type de NVM requiert des injections assez peu fréquentes (en moyenne toutes les 14 semaines), démontrant ainsi une nette diminution de l’activité néovasculaire [5]. 

NVM de type 3
Les NVM de type 3 se singularisent par l’origine rétinienne du processus angiogénique. Cette néovascularisation semble faire suite à la présence de remaniements d’origine épithéliale visibles en OCT, comme des points hyperréflectifs présents dans les couches internes de la rétine (stades précurseurs). Débutant par une prolifération angiomateuse généralement aux dépens du plexus rétinien profond (stade I), ces néovaisseaux ont une croissance descendante dans la rétine (stade II) ; ils traversent ensuite l’EP et peuvent créer une anastomose avec le réseau choriocapillaire (stade III), définissant ainsi le terme d’anastomose rétinochoroïdienne (figure 4). La localisation intrarétinienne de ces NVM les rends très sensibles aux molécules anti-VEGF, notamment aux stades précoces, c’est-à-dire lorsque le néovaisseau n’est localisé que dans la rétine. Ainsi, après une dose de charge de 3 injections d’anti-VEGF, le syndrome exsudatif est généralement maîtrisé [5]. Bien que les NVM de type 3 requièrent moins d’injections que les autres types (ne nécessitant parfois que 3 injections sur 1 an pour les stades I ou II), le phénotype qui leur est associé est aussi lié à une incidence plus importante d’atrophie, limitant le gain d’acuité visuelle sur le long terme [5]. De plus, le taux de bilatéralisation de la complication néovasculaire est plus important pour les NVM de type 3 que pour les autres types, dépassant 50% à 4 ans [8].

Implications thérapeutiques

Fondée sur les différents profils évolutifs des types de NVM, une individualisation du traitement peut être envisagée. Un récent consensus international d’experts (sous l’égide de la Vision Academy) a proposé une prise en charge de la DMLA exsudative individualisée selon le type de NVM (figure 5) [2]. 

Ainsi les NVM de type 1, qui requièrent un traitement par anti-VEGF constant et rapproché, devraient être traités dès le début en régime proactif de manière à limiter le fardeau thérapeutique [5]. De plus, l’évolution possible du processus angiogénique vers des polypes, et donc vers un risque d’hématome sous-rétinien, prévient une éventuelle sortie du schéma proactif.
Les NVM de type 2, quant à eux, devraient être traités de manière intensive et proactive au début de la prise en charge afin de limiter au minimum l’aire de la fibrose néovasculaire. Cependant, après 2 ans de traitement, si le syndrome exsudatif est maîtrisé par un traitement anti-VEGF administré à un intervalle supérieur ou égal à 12 semaines plus de 3 fois consécutives, il peut être envisagé une sortie du schéma proactif avec une surveillance mensuelle stricte (PRN) limitant la charge thérapeutique au long cours.
Le traitement des NVM de type 3 peut être individualisé selon le stade d’avancement du processus angiogénique. Lors des stades intrarétiniens purs, une phase d’observation et de traitement à la demande peut être réalisée (régime de traitement en PRN). Néanmoins, si la maladie requiert des injections de manière rapprochée, une modification du schéma de traitement vers un régime proactif est préférable.

Implications pour les thérapeutiques futures
Dans un futur proche, de nouvelles thérapies anti-angiogéniques pourront être utilisées pour traiter l’exsudation associée à une DMLA néovasculaire. Leur place dans l’arsenal thérapeutique reste encore à définir, mais il paraîtrait intéressant d’utiliser notre compréhension du processus angiogénique pour utiliser la bonne molécule pour la bonne indication. Ainsi, les molécules anti-VEGF fortement dosées, ou à demi-vie prolongée (brolucizumab, aflibercept haute dose, KSI-301…) permettraient de réduire la charge thérapeutique pour les patients nécessitant le plus d’injections, comme ceux atteints de NVM de type 1 par exemple. De manière hypothétique, des molécules bloquant le phénomène de fibrose néovasculaire pourraient être proposées, en particulier aux patients présentant des NVM de type 2 ou mixtes. Cependant, l’ajout d’un anti-PDGF, le pegpleranib (Fovista®), limitant la transformation angiofibrotique du NVM n’avait pas montré de bénéfice concernant un gain d’acuité visuelle par rapport aux patients traités uniquement par anti-VEGF classiques. Néanmoins, d’autres alternatives peuvent être étudiées dans cette indication et en ciblant le bon phénotype néovasculaire.

Conclusion

Une meilleure classification des néovaisseaux liés à la DMLA permet d’améliorer notre compréhension de cette complication exsudative. Ceux-ci présentent des caractéristiques différentes en fonction du phénotype de la maladie. Cela pourrait donc impliquer une prise en charge particulière, individualisée sur le type de néovaisseau, ainsi adaptée à leur pronostic spécifique et à la charge thérapeutique nécessaire pour maîtriser le processus exsudatif.

Références bibliographiques
[1] Spaide RF, Jaffe GJ, Sarraf D et al. Consensus nomenclature for reporting neovascular age-related macular degeneration data: consensus on neovascular age-related macular degeneration nomenclature study group. Ophthalmology. 2020;127(5):616-36.
[2] Mathis T, Holz FG, Sivaprasad S et al. Characterisation of macular neovascularisation subtypes in age-related macular degeneration to optimise treatment outcomes. Eye (Lond). 2022; doi:10.1038/s41433-022-02231-y.
[3] Kodjikian L, Rezkallah A, Decullier E et al. Early predictive factors of visual loss at 1 year in neovascular age-related macular degeneration under anti-vascular endothelial growth factor. Ophthalmol Retina. 2022;6(2):109-15.
[4] Khurana RN, Rahimy E, Joseph WA et al. Extended (every 12 weeks or longer) dosing interval with intravitreal aflibercept and ranibizumab in neovascular age-related macular degeneration: post hoc analysis of VIEW trials. Am J Ophthalmol. 2019;200:161-8.
[5] Kodaday K, Kodjikian L, Gadiollet E et al. The effects of treatment regimen on the initial management of macular neovascularization subtypes in age-related macular degeneration. Ophthalmologica. 2023;doi:10.1159/000529409.
[6] Steinle NC, Du W, Gibson A, Saroj N. Outcomes by baseline choroidal neovascularization features in age-related macular degeneration: a post hoc analysis of the VIEW studies. Ophthalmol Retina. 2021;5(2):141-50.
[7] Souied EH, Addou-Regnard M, Ohayon A et al. Spectral-Domain optical coherence tomography analysis of fibrotic lesions in neovascular age-related macular degeneration. Am J Ophthalmol. 2020;214: 151-71.
[8] Bochicchio S, Xhepa A, Secondi R et al. The incidence of neovascularization in the fellow eye of patients with unilateral choroidal lesion: a survival analysis. Ophthalmol Retina. 2019;3(1):27-31.

Auteurs

  • Thibaud Mathis

    Ophtalmologiste

    Service d’ophtalmologie, hôpital de la Croix-Rousse, hospices civils de Lyon ; laboratoire MATEIS, UMR-CNRS 5510, INSA, Université Lyon 1

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