Que proposer à nos patients atteints d’une DMLAn en 2025 ?
Congrès Monti 13-14 juin 2025 (Palais du Pharo, Marseille)

La dégénérescence maculaire liée à l’âge néovasculaire reste en 2025 une des principales causes de malvoyance sévère dans les pays industrialisés. Ce symposium Roche organisé à l’occasion du congrès MONTI a permis de faire le point sur les avancées récentes de la prise en charge thérapeutique, en s’appuyant à la fois sur les données issues des études cliniques pivotales et sur celles de la vraie vie.

Sur la base des données des études pivotales 
D’après la communication du Dr Sarah Touhami (Paris)

Le traitement de la dégénérescence maculaire liée à l’âge néovasculaire (DMLAn) connaît actuellement des avancées majeures grâce à l’introduction de nouvelles molécules innovantes. Parmi celles-ci, le faricimab, anticorps bispécifique, se différencie en ciblant simultanément les voies du facteur de croissance de l’endothélium vasculaire de type A et de l’angiopoïétine 2. Les études pivotales TENAYA et LUCERNE, menées sur des patients naïfs de traitement, démontrent que le faricimab permet d’espacer les injections intravitréennes jusqu’à 16 semaines tout en conservant une efficacité clinique comparable à celle de l’aflibercept 2 mg administré toutes les 8 semaines.

L’intérêt majeur réside dans sa capacité rapide et durable d’assèchement anatomique, avec un taux de plus de 70% d’assèchement complet des fluides intra- et sous-rétiniens dès la huitième semaine suivant l’initiation du traitement (figure 1). Cet avantage précoce en matière d’assèchement est maintenu sur une période prolongée et s’accompagne d’une stabilité de l’acuité visuelle à 2 ans.

Une autre molécule est l’aflibercept 8 mg, évalué dans l’étude PULSAR. Cette formulation à forte dose présente l’intérêt d’élargir les intervalles d’injection tout en conservant une efficacité anatomique et fonctionnelle comparable à celle de la dose standard. Ce bénéfice pourrait se révéler intéressant chez les patients nécessitant une réduction du fardeau thérapeutique. Toutefois la prudence reste de mise face à d’autres alternatives telles que le brolucizumab, dont le potentiel thérapeutique est impacté par la survenue d’effets indésirables sévères, notamment des vascularites occlusives.

Le mode d’action original du faricimab, en agissant à la fois sur les voies du facteur de croissance de l’endothélium vasculai­re et de l’angiopoïétine 2, apporte une meilleure stabilisation vasculaire. Ce double effet permet une gestion optimale des phénomènes exsudatifs et une réduction significative des récidives, assurant ainsi une stabilisation durable des résultats anatomiques et fonctionnels. La double inhibition joue un rôle crucial dans le renforcement de la barrière hémato-rétinienne et dans la prévention des récidives précoces, ce qui constitue une avancée thérapeutique majeure.

Il est également important de noter que, dans les études de phase III, plus de 60% des patients traités par faricimab ont pu bénéficier d’un espacement de leurs injections jusqu’à 16 semaines, et jusqu’à 80% pour ceux atteignant un intervalle de 12 semaines. Ce niveau de durabilité, pour une molécule ciblant entre autres le facteur de croissance de l’endothélium vasculaire, ouvre de nouvelles perspectives pour alléger le suivi des patients tout en maintenant les résultats visuels et anatomiques. Ce bénéfice est d’autant plus significatif qu’il pourrait transformer la relation thérapeutique, notamment chez les patients âgés pour lesquels la fréquence des déplacements constitue une contrainte majeure.

Cette évolution du traitement s’inscrit dans une dynamique plus large de personnalisation des soins, notamment grâce à l’adaptation des intervalles d’injection selon la réponse fonctionnelle et les données d’imagerie telles que l’OCT. Elle illustre également la transition progressive vers une ophtalmologie centrée sur la qualité de vie et l’autonomie du patient, en minimisant la charge que représentent les consultations fréquentes et les injections répétées.

Sur la base des données des études de vraie vie 
D’après la communication du Dr Pierre Gascon (Marseille)

En pratique clinique quotidienne, les bénéfices observés lors des études pivotales sont largement confirmés par les données recueillies en conditions réelles. Une étude menée au Moorfields Eye Hospital de Londres selon un protocole de type « Treat and Extend », sur 141 patients naïfs suivis pendant 24 mois, confirme une amélioration fonctionnelle avec un gain moyen de 4,8 lettres sur l’échelle de lecture standardisée dès la phase d’induction. L’amélioration anatomique est également significative, avec une réduction moyenne de l’épaisseur centrale rétinienne de 103,6 μm (figure 2). À terme, environ 80% des patients obtiennent un assèchement durable de la rétine, surpassant les résultats habituels obtenus avec les molécules précédentes.

Les modalités de traitement adoptées dans cette étude reflètent celles du quotidien : après une phase d’induction composée de 3 injections mensuelles, les patients étaient évalués lors de la quatrième consultation. En fonction de la réponse, le protocole était adapté avec des intervalles progressivement étendus, souvent jusqu’à 2 ou 3 mois. Cette stratégie dynamique et individualisée, reposant sur la réponse anatomique et fonctionnelle, permet une optimisation réelle du schéma thérapeutique.

Chez ces patients initialement soumis à un fardeau thérapeutique important, traités par des injections mensuelles ou bimensuelles, le passage au faricimab a permis d’espacer significativement les administrations, sous réserve d’une bonne adhésion au protocole et d’une phase d’induction rigoureuse. Dès la première année de traitement, l’intervalle moyen entre 2 injections a pu être allongé d’environ 3 semaines. Ce gain thérapeutique, à la fois quantitatif et qualitatif, impacte favorablement l’observance, la motivation et le confort des patients. Environ 40% des personnes ayant bénéficié d’un changement de molécule ont pu espacer leurs injections à 2 ou 3 mois, ce qui constitue une amélioration tangible dans leur quotidien.

Les résultats montrent également que la réponse anatomique est souvent rapide et précoce. Dès la phase d’induction, les fluides intra- et sous-rétiniens diminuent significativement, parfois dès la première injection. Cette réactivité permet d’atteindre plus rapidement des intervalles étendus. L’assèchement précoce est d’autant plus déterminant qu’il a été démontré, lors du congrès de l’ARVO en 2025, qu’il était corrélé à une durabilité accrue de la réponse thérapeutique.

Chez les patients chroniques traités avec de l’aflibercept 2 mg, les données issues d’études de phase IV mettent en évidence une stabilisation anatomique et fonctionnelle notable après un changement pour le faricimab. Ainsi, 40% des patients considérés comme réfractaires ont présenté un assèchement complet après la phase d’induction. Le maintien, voire le gain, d’acuité visuelle chez ces patients souligne l’intérêt thérapeutique d’un tel switch.

Par ailleurs, la réduction du nombre moyen d’injections est un indicateur clé. Sur 2 ans, les patients traités par faricimab dans l’étude de Moorfields ont reçu en médiane 11 injections, contre 16 à 20 attendues dans les schémas traditionnels, soit une réduction de plus de 30%. Ce chiffre illustre le soulagement du fardeau thérapeutique, sans compromis sur l’efficacité. L’économie en nombre de consultations et d’actes intravitréens permet également d’optimiser l’organisation des structures de soins. Cette optimisation se traduit par une meilleure gestion des plannings, une réduction des temps d’attente pour les patients et une rationalisation des ressources médicales et paramédicales mobilisées.

Le profil de sécurité du faricimab en pratique clinique se révèle satisfaisant, avec une faible incidence des inflammations intraoculaires, de rares cas de vascularites rétiniennes et des taux d’endophtalmie conformes aux phases III et à la littérature avec les autres molécules. Les données de vraie vie disponibles soutiennent l’utilisation du faricimab en première intention dans des situations cliniques adaptées. Ces résultats confortent la confiance des cliniciens dans l’élargissement progressif de l’usage de cette biothérapie dans la pratique courante.

En pratique clinique, 90% des patients sous faricimab maintiennent un intervalle thérapeutique supérieur à 6 semaines après 2 ans de traitement, améliorant ainsi significativement leur confort et leur adhésion au traitement. L’accompagnement du patient, dès l’annonce du diagnostic et tout au long du traitement, est ainsi facilité par la diminution des contraintes imposées par le calendrier des injections. Dans ce contexte, les interactions médecin-patient peuvent également gagner en qualité, avec un temps de consultation plus disponible pour la pédagogie, l’écoute et la personnalisation du parcours de soin.

Conclusion
Le faricimab représente une avancée pour la prise en charge de la DMLAn grâce à son efficacité anatomique précoce, son amélioration fonctionnelle durable, l’espacement notable des injections et son profil de sécurité. Ces résultats consolidés en vie réelle confortent la place incontournable que pourrait ­occuper le faricimab dans les années à venir, optimisant ainsi la prise en charge des patients atteints de cette pathologie. Sa capacité à répondre aux exigences à la fois médicales et pratiques du traitement lui confère une place centrale dans l’arsenal thérapeutique contemporain. Le développement continu de stratégies personnalisées, associées à ces nouvelles générations de biothérapies, semble ouvrir une voie prometteuse vers une ophtalmologie plus efficiente, durable et centrée sur les besoins réels du patient. 

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