Œdème maculaire inflammatoire postopératoire : facteurs de risque et prévention

Le syndrome d’Irvine-Gass a été décrit initialement par Irvine en 1953 comme un œdème maculaire (OM) survenant après une chirurgie de la cataracte, puis caractérisé sur l’angiographie par Gass et Norton en 1966. Après tout autre type de chirurgie oculaire, il est plus consensuel de parler d’œdème maculaire inflammatoire postopératoire. La majorité des cas évolue favorablement sans traitement ou sous traitement topique seul. Néanmoins, s’il persiste, il peut constituer un véritable challenge thérapeutique.

La définition de l’OM inflammatoire postopératoire peut être clinique, angiographique ou scannographique depuis l’apparition de la tomographie par cohérence optique (OCT). L’OM inflammatoire postopératoire apparaît après un délai moyen de 4 à 12 semaines, bien qu’il existe des formes plus tardives. Son incidence varie entre 0,1 et plus de 40% selon le type de chirurgie et la définition utilisée : il est par exemple plus fréquemment retrouvé sur l’OCT et l’angiographie qu’au fond d’œil. L’incidence du syndrome d’Irvine-Gass a très nettement diminué depuis l’avènement des techniques de phakoémulsification et d’extraction extracapsulaire du cristallin, ainsi qu’avec le passage aux chirurgies mini-invasives par micro-incisions. Ainsi, son incidence actuelle est estimée à 3,1% dans sa forme clinique et 11,4% pour sa forme infraclinique détectable à l’imagerie [1]. 

Principaux facteurs de risque

Si l’OM inflammatoire postopératoire survient fréquemment chez des patients ayant bénéficié d’une chirurgie non compliquée, un certain nombre de facteurs sont connus comme favorisant sa survenue. Le tableau I résume ces principaux facteurs de risque.
Chez le sujet diabétique, son incidence augmente nettement, de même qu’en présence d’une rétinopathie diabétique dont la sévérité accentue le risque d’OM inflammatoire postopératoire. Des antécédents d’uvéite intermédiaire ou postérieure sont également associés à une augmentation du risque de cet œdème, notamment lorsque l’inflammation est mal contrôlée dans les 3 mois précédant la chirurgie.

Les complications peropératoires, comme la rupture capsulaire avec issue de vitré ou la chute du noyau cristallinien, augmentent la prévalence de l’OM postopératoire. Toutes complications confondues (rupture capsulaire, issue de vitré, désinsertion zonulaire, chute de noyau), la prévalence de l’OM postopératoire en OCT est estimée à 31% [2]. La technique d’implantation joue également un rôle, avec un risque augmenté pour les implants dans le sulcus, suturés à l’iris ou pour les patients laissés aphakes.
L’effet favorisant des analogues des prostaglandines est sujet à controverse. Une méta-analyse de 13 articles ne retrouvait pas de surrisque d’OM postopératoire pour les patients traités par analogues de prostaglandines. De même, il n’y a pas de preuve de l’intérêt de suspendre un tel traitement avant une chirurgie. Quelques cas d’OM précoce à type de décollement séreux rétinien (DSR) après l’utilisation d’antibiotiques intracamérulaires ont été rapportés. Néanmoins, il n’a pas été montré d’augmentation du risque d’OM postopératoire après l’utilisation de céfuroxime aux doses recommandées.

Traitement préventif

Plusieurs études se sont accordées pour démontrer l’efficacité des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) dans le traitement préventif de l’OM inflammatoire postopératoire. Ils inhibent les cyclo-oxygénases (COX) COX1 ubiquitaires et COX2 présents principalement au niveau de l’épithélium pigmentaire, diminuant ainsi la production de prostaglandines. Ces dernières entraînent vasodilatation et augmentation de la perméabilité capillaire, altérant ainsi les barrières hématorétiniennes interne et externe. Une vaste étude portant sur 89 731 yeux montrait une diminution significative de l’incidence de l’OM après une chirurgie de la cataracte, à 1,3% chez ceux ayant reçu des AINS en préventif vs 1,7% pour ceux n’en ayant pas eu (p < 0,001) [3]. Les AINS sont les seuls thérapeutiques possédant une autorisation de mise sur le marché (AMM) dans le traitement préventif de l’OM postopératoire. Le tableau II résume les AMM françaises dans cette indication.

Les anti-inflammatoires stéroïdiens (AIS) ont aussi été étudiés dans le traitement préventif de l’OM inflammatoire postopératoire. Les corticoïdes inhibent la production de prostaglandines, en plus d’inhiber de nombreux autres facteurs pro-inflammatoires. Leur efficacité est cependant débattue, notamment en comparaison de celle des AINS. Une revue systématique de la littérature retrouvait une incidence d’OM inflammatoire postopératoire de 3,8% dans le groupe AINS vs 25,3% dans le groupe AIS, sans préciser si tous les AINS étaient équivalents dans cette indication [4]. Il semblerait également que l’association AINS + AIS soit significativement supérieure aux AIS seuls quant à la prévention de l’OM inflammatoire postopératoire (p = 0,0002), sans montrer de différence significative avec les AINS seuls (p = 0,144) [5]. Chez les patients diabétiques, une injection peropératoire sous-conjonctivale de 40 mg d’acétonide de triamcinolone, associée à un traitement préventif par collyre AINS + AIS, permettrait de diminuer fortement l’apparition d’un OM postopératoire après une chirurgie de la cataracte [6]. Il n’a en revanche pas été retrouvé d’efficacité d’une injection peropératoire de bévacizumab.

Conclusion

L’OM inflammatoire postopératoire est une complication relativement rare des chirurgies oculaires actuelles. Son incidence varie entre les séries du fait d’une multitude de définitions, fondées sur l’examen clinique et l’imagerie multimodale. Il convient d’identifier les facteurs de risque d’OM postopératoire et de les corriger si possible. Le traitement préventif par collyre semble efficace. Il n’existe pas de consensus mais l’association AINS + AIS semble le traitement le plus efficace dans la prévention de cette complication, sans pour autant montrer de supériorité significative par rapport aux AINS seuls.

Références bibliographiques
[1] Bellocq D, Mathis T, Voirin N et al. Incidence of Irvine Gass syndrome after phacoemulsification with spectral-domain optical coherence tomography. Ocul Immunol Inflamm. 2019;27(8):1224-31.
[2] Khaw KW, Lam HH, Khang TF et al. Spectral-domain optical coherence tomography evaluation of postoperative cystoid macular oedema following phacoemulsification with intraoperative complication. BMC Ophthalmol. 2014;14:16.
[3] Modjtahedi BS, Paschal JF, Batech M et al. Perioperative topical nonsteroidal anti-inflammatory drugs for macular edema prophylaxis following cataract surgery. Am J Ophthalmol. 2017;176:174-82.
[4] Kessel L, Tendal B, Jørgensen KJ et al. Post-cataract prevention of inflammation and macular edema by steroid and nonsteroidal anti-inflammatory eye drops: a systematic review. Ophthalmology. 2014;121(10):1915-24.
[5] Wielders LH, Schouten JS, Winkens B et al. European multicenter trial of the prevention of cystoid macular edema after cataract surgery in nondiabetics: ESCRS PREMED study report 1. J Cataract Refract Surg. 2018;44(4):429-39.
[6] Wielders LH, Schouten JS, Winkens B et al. Randomized controlled European multicenter trial on the prevention of cystoid macular edema after cataract surgery in diabetics: ESCRS PREMED Study Report 2. J Cataract Refract Surg. 2018;44(7):836-47.

Auteurs

  • Maxime Nhari

    Ophtalmologiste

    Hôpital de la Croix-Rousse, Lyon

  • Thibaud Mathis

    Ophtalmologiste

    Service d’ophtalmologie, hôpital de la Croix-Rousse, hospices civils de Lyon ; laboratoire MATEIS, UMR-CNRS 5510, INSA, Université Lyon 1

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