Les glaucomes pigmentaires

Le syndrome de dispersion pigmentaire est une entité anatomo-clinique caractérisée par une libération des constituants de l’épithélium pigmentaire de l’iris qui sont ensuite transportés par l’humeur aqueuse et se déposent sur diverses structures du segment antérieur, notamment au niveau des mailles du trabéculum [1]. L’accumulation progressive de granules de pigments peut entraîner une élévation de la pression intraoculaire (PIO) puis, dans le cas d’une neuropathie optique glaucomateuse consécutive, une forme particulière de glaucome à angle ouvert appelée glaucome pigmentaire.

Le syndrome de dispersion pigmentaire, compliqué ou non d’un glaucome, affecte essentiellement les adultes jeunes, myopes et de sexe masculin [2]. La libération de pigment serait liée à une configuration anatomique particulière de l’iris : sa concavité entraînerait un contact rapproché entre sa face postérieure, la face antérieure du cristallin et les fibres zonulaires antérieures. Lors des variations de taille de la pupille, notamment en mydriase, les fibres zonulaires et le cristallin éroderaient l’épithélium pigmentaire, aboutissant ainsi à la libération de pigments. L’accumulation de pigments au niveau des mailles du trabéculum réduirait probablement les capacités d’évacuation de l’humeur aqueuse et provoquerait une élévation de la PIO.

La dispersion pigmentaire est généralement bilatérale. Elle est souvent découverte de façon fortuite lors de la constatation de dépôts de pigments sur les structures du segment antérieur (figure 1) [3]. L’accumulation verticale de pigments sur l’endothélium cornéen constitue des structures appelées faisceaux de Krukenberg. Un Tyndall pigmenté peut parfois être observé, notamment après une dilatation pupillaire. L’atrophie de l’épithélium pigmentaire aboutit à la formation de defects transilluminables de l’iris, qui prennent souvent une forme dite « en rayons de roue » lors de la rétro-illumination. L’examen gonioscopique permet de visualiser une concavité de la périphérie de l’iris associée à un angle iridocornéen très ouvert (figure 2). Une bande très pigmentée, antérieure à l’éperon scléral et pouvant s’étendre jusqu’à l’anneau de Schwalbe, est très caractéristique des syndromes de dispersion pigmentaire. Une accumulation de pigments appelée ligne de Scheie peut également être observée au niveau de la cristalloïde antérieure et des fibres zonulaires. Chez certains patients, la dispersion pigmentaire peut être découverte à l’occasion de fortes élévations symptomatiques de la PIO.

L’imagerie du segment antérieur, optique ou ultrasonore, permet de visualiser clairement la concavité de l’iris et son apposition à la face antérieure du cristallin et aux zonules (figure 3) [4,5]. Cette configuration anatomique pourrait, selon certains auteurs, être liée à une inversion du gradient de pression entre la chambre postérieure et la chambre antérieure, et constituerait ainsi une situation de blocage pupillaire inversé. Un passage intermittent d’humeur aqueuse entre le cristallin et un iris anormalement mobile qui jouerait le rôle d’une valve pourrait expliquer cette possibilité d’inversion temporaire du gradient de pression naturel entre la chambre postérieure et la chambre antérieure.

En l’absence d’élévation de la PIO, une simple surveillance peut être réalisée [2]. Dans les cas de dispersion pigmentaire compliquée d’une hypertonie, la réalisation d’une iridotomie périphérique permet souvent de réduire la concavité de l’iris, probablement par égalisation des pressions entre les chambres antérieure et postérieure [6,7]. Les collyres antiglaucomateux habituels peuvent être utilisés pour réduire la PIO. La pilocarpine a l’avantage de réduire les mouvements de l’iris et d’induire un blocage pupillaire relatif éloignant l’iris des zonules, mais elle est généralement mal tolérée en raison du myosis et de la myopie induits. En cas d’inefficacité ou de glaucome associé, la réalisation d’une trabéculoplastie au laser ou d’une chirurgie filtrante peut être considérée. Il est à noter que la trabéculoplastie au laser, sélective ou non, est généralement efficace chez les patients atteints de glaucomes pigmentaires mais qu’elle peut être suivie de pics pressionnels importants et difficiles à juguler. De ce fait, une adaptation du niveau d’énergie et du nombre d’impacts doit être réalisée.

Références bibliographiques
[1] Niyadurupola N, Broadway DC. Pigment dispersion syndrome and pigmentary glaucoma--a major review. Clin Exp Ophthalmol. 2008;36(9):868-82.
[2] Lehto I, Vesti E. Diagnosis and management of pigmentary glaucoma. Curr Opin Ophthalmol. 1998;9(2):61-4.
[3] Ritch R. Pigment dispersion syndrome. Am J Ophthalmol. 1998;126(3):442-5.
[4] Mora P, Sangermani C, Ghiradini S et al. Ultrasound biomicroscopy and iris pigment dispersion: a case-control study. Br J Ophthalmol. 2010;94(4):428-32.
[5] Aptel F, Beccat S, Fortoul V, Denis P. Biometric analysis of pigment dispersion syndrome using anterior segment optical coherence tomography. Ophthalmology. 2011;118(8):1563-70.
[6] Küchle M, Nguyen NX, Mardin CY, Naumann GO. Effect of neodymium: YAG laser iridotomy on number of aqueous melanin granules in primary pigment dispersion syndrome. Graefes Arch Clin Exp Ophthalmol. 2001;239(6):411-5.
[7] Gandolfi SA, Vecchi M. Effect of a YAG laser iridotomy on intraocular pressure in pigment dispersion syndrome. Ophthalmology. 1996;103(10):1693-5.

Auteurs

  • Florent Aptel

    Ophtalmologiste

    Centre ophtalmologique Visis, Perpignan

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