Echos SFO. Actualité myopie forte
Lors de l’édition 2021 du congrès de la SFO, la myopie forte a fait l’objet d’une session de 4 communications au Club francophone des spécialistes de la rétine et d’une conférence-débat, ainsi qu’une communication orale et de 4 communications affichées. Le sujet le plus d’actualité est celui de l’épidémie myopique.

Comme le rapporte le Pr Vincent Daien, les courbes épidémiologiques estimées de la croissance myopique prévoient une prévalence de la myopie de 50% dans la population mondiale, et de la myopie forte de 10% en 2050 [1]. Si cette forte prévalence de myopie a déjà été atteinte aujourd’hui dans les pays asiatiques (Chine, Japon, Singapour), sensibilisés et actifs dans la prévention de la myopie depuis une décennie, l’Europe et l’Amérique du Nord doivent s’attendre à observer une augmentation de cette prévalence dans les années à venir. Une étude réalisée en France par l’équipe du Pr Nicolas Leveziel rapporte une prévalence de 40% qui concerne principalement une population jeune et active [2].
Complications et facteurs de risque
La myopie prédispose à des complications ophtalmologiques telles que les décollements de rétine, la cataracte ou le glaucome à angle ouvert, dont l’incidence augmente avec le degré de myopie [3]. La myopie forte a aujourd’hui une prévalence de 3% en France et ses complications pathologiques sont à l’origine d’une déficience visuelle dans 10% des cas [4]. Aux États-Unis, elle représente la septième cause de cécité [5].
L’enjeu est aujourd’hui double : prévenir la myopie et en ralentir sa progression vers la myopie forte. En effet, la myopie progresse entre 6 et 13 ans, et ses complications sont associées au degré de myopie. Les facteurs de risque de la myopie et de sa progression sont multiples et synergiques. Les facteurs génétiques sont potentialisés par les facteurs environnementaux liés au milieu urbain – manque d’exposition à la lumière du jour/ensoleillement, augmentation de l’activité de près, diminution des activités extérieures/ de loin – qui, eux-mêmes, ont un effet cumulatif (figure 1) [6]. En prévention pour tous les patients, l’augmentation de l’activité extérieure (plus de 2 heures par jour), assurant d’une part la vision de loin ainsi que l’exposition à la lumière extérieure, permet de réduire d’un quart à un tiers la progression de la myopie.
Approches thérapeutiques
Sur le plan interventionnel, une revue de littérature récente a confirmé l’efficacité des différentes approches thérapeutiques [7] :
- pour freiner la myopie, la sous-correction, les verres à addition périphérique, les lentilles rigides et le timolol sont inefficaces ;
- les moyens optiques ont une efficacité partielle. Les lunettes DIMS (defocus incorporated multiple segments) et HALT (highly aspherical lenslet target) ont un petit effet freinateur en luttant contre le défocus hypermétropique périphérique. Les lentilles de contact bifocales ou multifocales ont également montré leur petit effet freinateur. L’orthokératologie est efficace mais son effet rebond à l’arrêt est important ;
- l’approche la plus efficace est l’approche pharmacologique par instillation d’atropine. L’effet freinateur de l’atropine est lié à son dosage, tout comme ses effets indésirables. Les études ATOM 1 et 2 ont conclu que la dose de 0,01%, pour l’instant uniquement en préparation hospitalière, permettait une freination de 60% tout en limitant les effets indésirables [8]. Le Pr Arnaud Sauer suggère de proposer ce traitement aux enfants âgés entre 6 et 10 ans qui présentent une augmentation de longueur axiale de plus de 0,2 mm/an ou d’erreur réfractive supérieure à 1 D/an. Une myopie précoce (1 D à 6 ans) pose également l’indication thérapeutique. Le traitement doit être poursuivi jusqu’à la stabilisation de la myopie.
Il est essentiel aujourd’hui d’éduquer activement les familles à la prévention de la myopie et d’identifier les patients les plus à risques.
La seule communication orale sur la myopie fait référence à une publication récente dans l’American Journal of Ophthalmology sur l’évolution de la macula bombée [9]. Concernant cette déformation, présente chez 10% des myopes et myopes forts, l’équipe de Strasbourg a confirmé, sur une population de 58 yeux suivis pendant au moins 1 an, que le bombement maculaire était la conséquence d’une élongation du globe oculaire différentielle entre la zone maculaire et la zone périmaculaire, expliquant l’augmentation progressive du bombement maculaire (figure 2).
En conclusion, la freination de la myopie chez l’enfant et la myopie forte sont plus que jamais des sujets d’actualité et le resteront dans les années à venir.
Références bibliographiques
[1] Holden BA, Fricke TR, Wilson DA et al. Global prevalence of myopia and high myopia and temporal trends from 2000 through 2050. Ophthalmology. 2016;123(5):1036-42.
[2] Matamoros E, Ingrand P, Pelen F et al. Prevalence of myopia in France: a cross-sectional analysis. Medicine (Baltimore). 2015;94(45):e1976.
[3] Ullrich M, Zwickl A, Findl O. Incidence of rhegmatogenous retinal detachment in myopic phakic eyes. J Cataract Refrac Surg. 2021;47(4):533-41.
[4] Leveziel N, Marillet S, Dufour Q et al. Prevalence of macular complications related to myopia – Results of a multicenter evaluation of myopic patients in eye clinics in France. Acta Ophthalmol. 2020;98(2):e245-e51.
[5] Wong TY, Ferreira A, Hughes R et al. Epidemiology and disease burden of pathologic myopia and myopic choroidal neovascularization: an evidence-based systematic review. Am J Ophthalmol. 2014;157(1): 9-25.
[6] French AN, Morgan IG, Mitchell P, Rose KA. Risk factors for incident myopia in Australian schoolchildren: the Sydney adolescent vascular and eye study. Ophthalmology. 2013;120(10):2100-8.
[7] Walline J, Lindsley KB, Vedula SS et al. Interventions to slow progression of myopia in children. Cochrane Database Syst Rev. 2020;1(1):CD004916.
[8] Chia A, Chua WH, Wen L et al. Atropine for the treatment of childhood myopia: changes after stopping atropine 0.01%, 0.1% and 0.5%. Am J Ophthalmol. 2014;157(2):451-7.
[9] Dormegny L, Liu X, Philippakis E et al. Evolution of dome-shaped macula is due to differential elongation of the eye predominant in the peri-dome region. Am J Ophthalmol. 2021;224:18-29.