Une lentille rigide en consultation : que faire ?

Le but de cet article est de donner quelques clés aux non-contactologues pour ne pas se retrouver mal à l’aise en consultation devant un patient porteur de lentilles de contact rigides. L’idée est de savoir examiner son patient afin de s’assurer que le port de lentille est sécuritaire.

Quelques rappels sur les LRPG

Une lentille rigide est définie par sa géométrie. Elle peut être sphérique ou sphéro-asphérique et ne posséder qu’un rayon de courbure. Pour les cornées toriques au-delà de 40/100e (soit environ 2 dioptries d’astigmatisme cornéen), le recours à une lentille torique interne sera préconisé : ces lentilles ont alors 2 rayons de courbure postérieurs (par exemple 8,00/7,60), mais une puissance uniquement sphérique puisque l’astigmatisme est corrigé par la forme même de la lentille. Une lentille torique externe permet de corriger un astigmatisme interne à l’œil sur la face antérieure de la lentille : elle n’aura qu’un seul rayon de courbure mais c’est le seul cas de figure où sa puissance sera sphéro-cylindrique. Une lentille bitorique combine un tore antérieur et un tore postérieur sur la lentille (2 rayons de courbure et une puissance sphéro-cylindrique).
Les lentilles de géométrie spéciale (de type kératocône) ont le plus souvent un seul rayon de courbure.
Enfin les lentilles rigides sont de petit diamètre (en général entre 9,60 et 10,20 mm).

Faire le point avec le patient

Utilisation des lentilles et tolérance
Il s’agit de poser quelques questions simples qui vont d’une part orienter votre examen, mais aussi permettre de mettre à jour d’éventuels soucis liés au port des lentilles : les lentilles sont-elles portées tous les jours ? combien de temps et dans quel environnement (écrans, etc.) ? le patient a-t-il recours à l’instillation de larmes artificielles ou ressent-il une sécheresse ou tout autre symptôme gênant ? existe-t-il une rougeur liée au port des lentilles ? l’acuité visuelle est-elle satisfaisante ?
Une intolérance récente aux lentilles peut vous faire évoquer :
- un changement récent de produit d’entretien ou une allergie à un conservateur par exemple ;
- un entretien irrégulier ou des lentilles usagées ;
- une sécheresse ou une conjonctivite allergique surajoutée.

Entretien des lentilles
Il existe 3 grandes catégories de produits d’entretien quotidien :
- les produits multifonctions (3 étapes à respecter : massage, trempage, rinçage au multifonction) ;
- les oxydants (2 étapes uniquement seront nécessaires : trempage et rinçage au sérum physiologique) ;
- les produits à base de povidone iodée (trempage et rinçage au sérum physiologique).
Il est à noter que les multifonctions contiennent des conservateurs, contrairement aux 2 autres. À cet entretien quotidien, une déprotéinisation hebdomadaire doit être systématiquement ajoutée pour les multifonctions et les oxydants.
Des savons pour lentilles peuvent être utilisés en cas d’encrassement excessif une à plusieurs fois par semaine.

Examen visuel
Nous avons vu que les lentilles rigides corrigeaient très bien les astigmatismes cornéens via le ménisque de larmes créé entre la lentille et l’œil : les lentilles rigides sphériques compensent naturellement les faibles astigmatismes et les lentilles toriques internes corrigent parfaitement les astigmatismes cornéens plus forts. Lors du contrôle d’acuité visuelle, une simple surréfraction sphérique sera donc nécessaire (éventuellement la recherche d’une addition minimale en vision de près). La recherche d’un astigmatisme non corrigé peut toutefois être pertinent en cas de problème visuel ou d’asthenopie. Lorsque la correction d’un astigmatisme permet une amélioration significative de l’acuité, le recours à une lentille torique externe ou bitorique peut être nécessaire et révèle alors qu’un astigmatisme interne n’est pas correctement corrigé. Ce cas plus spécifique des astigmatismes internes est plus complexe et relève du contactologue.

Confort de port et examen clinique
Votre examen clinique en lampe à fente comprendra :
- un examen du bord libre palpébral (recherche d’une blépharite clinique) ;
- un examen conjonctival complet, y compris des culs-de-sac conjonctivaux (recherche de signes de conjonctivite allergique ou irritative sous lentille) ;
- un examen cornéen avec instillation de fluorescéine (recherche de piquetés cornéens, examen du limbe…) ;
- un examen du film lacrymal.
 

Vous pourrez également évaluer l’adaptation de la lentille :
• en lumière blanche :
- appréciation du diamètre de la lentille (plus petit que celui de la cornée) ;
- évaluation de la mobilité de la lentille au clignement : 1 à 2 mm idéalement, douce et non saccadée, un chevauchement de limbe peut exister juste après clignement et par translation dans les différents mouvements du regard ;
• en lumière bleue et idéalement filtre jaune (figures 1-4) :
- appréciation de l’image fluo sur lentille centrée : dans le cadre d’une cornée régulière, l’image fluo doit être la plus homogène possible tandis qu’elle sera plus spécifique et typique en présence d’une pathologie cornéenne (ex. : image en cocarde chez un patient kératoconique).
Une lentille peut être très bien adaptée et vous sembler pour autant « imparfaite » au niveau de son centrage ou de son image fluo par exemple. La satisfaction du patient et la tolérance cornéenne du patient restent les éléments les plus significatifs d’une lentille correctement adaptée. Lorsque votre patient ne se plaint pas et que l’examen de la surface est normal, surtout ne changez rien.

Cas particulier des patients équipés en lentilles d’orthokératologie
Vous pouvez être amené à voir en consultation un enfant porteur de lentilles d’orthokératologie. Tout d’abord, vous verrez le patient sans ses lentilles, puisque celles-ci ne sont portées que la nuit.
Si l’enfant ne porte plus ses lentilles depuis au moins 3 semaines, vous pouvez réaliser un examen classique et notamment renouveler une correction optique. Dans le cas contraire, vous devez prendre en compte quelques spécificités car la cornée est remodelée. Sachez que l’examen à l’autoréfractomètre automatique sera le plus souvent aberrant (et donc inutile). Il convient de faire lire l’enfant sans correction en monoculaire et binoculaire, et de réaliser une surréfraction pouvant mettre en évidence une sur- ou une sous-correction.

Ensuite vous pourrez examiner l’enfant en lampe à fente au niveau conjonctival et cornéen avec instillation de fluorescéine. Notez que vous pouvez observer un anneau cornéen pigmenté de Fleischer ou encore une empreinte du remodelage cornéen en fluo mais vous ne devez pas avoir de piquetés cornéens. Enfin vous effectuerez une topographie cornéenne en mode tangentiel afin de vérifier la qualité du remodelage : vous observerez un anneau rouge centré dans l’aire pupillaire et un aplatissement central (mimant une chirurgie réfractive de myopie) homogène (figure 4). Si l’anneau est franchement décentré ou si le remodelage est irrégulier, le patient devra être réadressé à son ophtalmologiste adaptateur.

Renouveler une ordonnance de lentilles rigides
Les lentilles rigides sont à renouveler tous les 12 à 18 mois. En effet, les matériaux utilisés sont de plus en plus performants (hyperDk, traitement de surface…) mais s’usent aussi plus rapidement.
L’ordonnance utilisée sera spécifique dans le cadre d’une adaptation soumise au TIPS, c’est-à-dire partiellement prise en charge par la Sécurité sociale (astigmatisme irrégulier dont le kératocône, myopie supérieure ou égale à 8,00 D, aphakie, anisométropie supérieure ou égale à 3,00 D non corrigeables en lunettes, strabisme accommodatif).
Pour rédiger cette ordonnance de renouvellement, vous aurez évidemment besoin des paramètres des lentilles portées qui vous seront apportés par le patient. À défaut, ils peuvent être retrouvés grâce à l’opticien ayant passé la commande ou au laboratoire ayant fourni les lentilles.
Les paramètres des lentilles à indiquer sur l’ordonnance sont les suivants : marque et modèle, matériau et éventuellement sa teinte, rayon de courbure, diamètre de la lentille, puissance et éventuellement excentricité si l’excentricité standard est modifiée. Les produits d’entretien et le type de renouvellement devront également figurer sur l’ordonnance, idéalement accompagnés de rappels sur les consignes de port et d’hygiène à respecter.

Auteurs

  • Pauline Beaujeux

    Ophtalmologiste

    Fondation ophtalmologique Adolphe de Rothschild, Paris

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