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Une décompensation endothéliale sévère reliée au port de lentilles souples

Les accidents lors du port de lentilles de contact ne sont pas si rares. Heureusement ils sont dans la majorité des cas mineurs et correspondent le plus souvent à une mauvaise adaptation, une intolérance ou un mésusage. Les accidents infectieux concernent chaque année entre 1 et 2 cas pour 1 000 porteurs de lentilles souples. Les lentilles à renouvellement non journalier imposent l’utilisation de produits de décontamination qui amplifient le risque d’incidents. Nous rapportons ici un cas rare de complication vu au CHU de Bordeaux.

Observation

Une femme de 68 ans consulte pour baisse de vision brutale survenue 2,5 mois en amont de la consultation, à la suite de l’instillation d’une lentille souple entretenue par erreur avec de la chlorhexidine à la place du produit de décontamination habituel. La patiente ne s’est pas rendu compte immédiatement de l’erreur et a porté ses lentilles à droite environ 24 heures et à gauche seulement 2 heures. L’acuité corrigée est de 2/10 P12 OD et 10/10 P1,5 OG. L’œil droit est calme, mais la cornée totalement décompensée avec une pachymétrie centrale supérieure à 700 microns ; la cornée gauche est inhabituellement fine (430 microns) mais reste parfaitement claire (figures 1 et 2). Il est décidé de réaliser une greffe endothéliale ultrafine associée à une exérèse du cristallin pour restituer la transparence des milieux à droite. L’intervention permet une bonne récupération en 6 mois, avec acuité corrigée de 9/10 P1,5. Il est noté à l’éclaircissement une décoloration relative de l’iris par rapport à l’œil controlatéral, appuyant l’hypothèse toxique de l’atteinte (figure 3).

Discussion
La chlorhexidine est un antiseptique largement diffusé. De la famille des bisbiguanides chlorés, elle est soluble, incolore et fluide. Elle agit par altération des protéines de la membrane des bactéries et est associée à de l’alcool et à du benzalkonium fortement dosés. Elle est donc ainsi capable de franchir la barrière épithéliale cornéenne et de diffuser dans le stroma cornéen. Son conditionnement ressemble un peu (trop) à celui des produits pour lentilles et peut prêter à confusion dans la pharmacie trop encombrée d’un fort amétrope (figure 4). À noter, chez cette patiente, un temps de contact prolongé à droite et une cornée naturellement fine.

Conclusion

Les accidents d’entretien de lentilles sont assez fréquents, pouvant le plus souvent aboutir à des ulcérations, des infections et une intolérance. Ce cas précis souligne la possibilité de lésions endothéliales isolées, directement liées à la diffusion au niveau endothélial de substances toxiques.

Pour en savoir plus
Bloise L. Les avancées en contactologie. Rapport SFO 2019-2020.

Auteurs

  • David Touboul

    Ophtalmologiste

    Centre national de référence pour le kératocône, CHU de Bordeaux, hôpital Pellegrin, Bordeaux

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