Trous maculaires secondaires : faut-il opérer ?

Les trous maculaires (TM) secondaires se distinguent des trous maculaires idiopathiques par leur physiopathologie différente, ou bien par l’association à une autre pathologie vitréo-rétinienne. En effet, l’existence d’une autre pathologie influe sur le comportement vitréen, considéré comme responsable de la survenue des TM idiopathiques, ainsi que sur l’intégrité de la structure rétinienne et de l’épithélium pigmentaire. Il est important de reconnaître ces TM secondaires afin d’adapter la balance bénéfice/ risque pour chaque patient.

La physiopathologie et les résultats postopératoires des TM idiopathiques sont largement décrits dans la littérature, avec un taux de fermeture supérieur à 95% fortement influencé par le diamètre horizontal préopératoire, aboutissant à une amélioration fonctionnelle [1]. A contrario, l’indication opératoire des TM secondaires ne fait pas toujours consensus : leurs pathogenèse, morphologie, facteurs pronostics et résultats postopératoires sont mal connus et dépendent de leur cause. Comment reconnaître un TM secondaire ? Dans une étude réalisée à l’hôpital Lariboisière comparant 30 TM myopiques, 30 TM secondaires toutes causes confondues et 150 TM idiopathiques, nous avons retrouvé que le vitré était plus souvent attaché, et les TM de plus grande taille et les kystes moins fréquemment présents dans les TM secondaires et myopiques. Le taux de fermeture des TM secondaires était de 80% pour les TM myopiques et de 70% pour les autres TM secondaires, quand une décision chirurgicale était prise. Les causes de TM secondaires peuvent donc être séparées en 4 catégories : - la myopie forte, définie par une longueur axiale supérieur à 26,5 mm ou la présence d’une atrophie rétinochoroïdienne ; - les traumatismes responsables d’un mouvement vitréen anormal associé ou non à une nécrose rétinienne et/ou à une atrophie de l’épithélium pigmentaire ; - les pathologies rétiniennes associées : dégénérescence maculaire liée à l’âge, maculopathie diabétique, rétinopathie diabétique proliférante, uvéites, rétinopathie pigmentaire, Mac Tel 2, etc. ; - les TM atypiques survenant à distance d’une vitrectomie ou bien, à l’inverse, en l’absence de décollement vitréen au pôle postérieur ou encore secondaire à une membrane épirétinienne contractile.

TM myopiques

Les TM myopiques (figure 1A) diffèrent des TM idiopathiques. Outre la contrainte antéropostérieure du vitré, dont la liquéfaction extrême aboutit souvent à un vitréoschisis, la macula du myope subit des contraintes d’élongation du globe, tangentielle et antéropostérieure en cas de staphylome. Le TM myopique peut apparaître comme une rupture secondaire aux limites de l’élasticité rétinienne. En sus, le degré d’atrophie de l’épithélium pigmentaire peut empêcher l’adhésion correcte et solide de la rétine.

Les TM myopiques s’opèrent dès lors qu’ils sont symptomatiques. Le taux de fermeture s’est considérablement amélioré avec le développement des nouvelles techniques de chirurgie telles que le volet de limitante interne ou, plus récemment, la greffe de membrane amniotique. En effet, le taux de fermeture des TM myopiques varie entre 38 et 80% selon les séries, et le taux de fermeture diminue avec l’augmentation de la longueur axiale, notamment au-delà de 30 mm. La chirurgie est plus complexe que celle du TM de l’emmétrope, avec une visibilité réduite des structures prérétiniennes. Les colorations itératives et l’aide de l’OCT intraopératoire facilitent la réalisation du geste opératoire. La technique du volet inversé de limitante interne, associée à un pelage large de la membrane limitante interne périfovéolaire, permet l’augmentation du taux de fermeture autour de 90% [2]. Une fois le trou fermé, la restauration de la structure fovéolaire est similaire à celle des TM idiopathiques mais la récupération fonctionnelle est souvent limitée en raison du degré d’atrophie rétinochoroïdienne. En deuxième intention, la greffe de membrane amniotique cryo-conservée apposée dans l’espace sous-rétinien a montré des résultats prometteurs, avec des taux rapportés de 100% sur des séries de faible effectif (15 patients) [3].

TM posttraumatiques

Les TM posttraumatiques (figure 2A) sont une complication peu fréquente des traumatismes oculaires et la littérature sur le sujet est relativement pauvre. Leur physiopathologie est mal comprise, intriquant une expansion équatoriale avec des forces de traction tangentielles sur la fovéa, une traction vitréomaculaire et une nécrose fovéolaire traumatique. Le taux de fermeture spontanée est probablement plus élevé que dans les TM idiopathiques. Dans une série de 23 yeux opérés, le décollement postérieur du vitré (DPV) était absent dans 77% des cas. Le taux de fermeture était de 91% et l’amélioration fonctionnelle était présente dans la moitié des cas, avec une acuité visuelle (AV) finale supérieure à 2,5/10 dans deux tiers des cas, corrélée à l’AV préopératoire. L’épaisseur rétinienne et l’atténuation de la ligne ellipsoïde à l’OCT préopératoire étaient des facteurs pronostiques péjoratifs de récupération visuelle [4].

TM secondaires à une pathologie rétinienne

Dans les cas de TM associés à une autre pathologie rétinienne, il convient d’étudier attentivement la morphologie rétinienne afin de déterminer le bénéfice à attendre de la procédure chirurgicale [5].

Quand l’apparition du TM est secondaire à une cause « vitréenne », soit un déséquilibre entre la traction du vitré et l’adhérence vitréomaculaire, alors le bénéfice de la procédure chirurgicale est élevé. En effet, la chirurgie permet la levée de la traction vitréenne et l’assouplissement de la rétine par le pelage de la limitante interne. Les TM survenant après une chirurgie de décollement de rétine (DR) ab externo (rétinopéxie pneumatique et cryo-indentation dans le cas d’un DR macula off) entrent dans cette catégorie. Le TM est diagnostiqué le plus souvent dans le mois qui suit la chirurgie. Le mécanisme implique un DPV absent, la formation d’une membrane épirétinienne, un œdème maculaire et la traction vitréenne. Le taux de fermeture dans ces cas s’apparente à celui des TM idiopathiques.
Dans les autres cas, il faut identifier la cause et l’altération structurelle favorisant la survenue du TM et déterminer le potentiel bénéfice d’une chirurgie, tant sur le plan anatomique que sur le plan fonctionnel.
Les TM associés aux MacTel 2 présentent une perte tissulaire non traitable chirurgicalement avec un faible pronostic anatomique et fonctionnel (figure 2B).
Pour les TM associés aux rétinopathies vasculaires compliquées d’un œdème maculaire, et plus particulièrement la rétinopathie diabétique, il existe une dégénérescence cystoïde secondaire à l’œdème maculaire et un amincissement maculaire ischémique. Les tractions des voiles fibrovasculaires peuvent aboutir à l’ouverture d’un TM. Dans ce cas, la chirurgie peut permettre la fermeture du TM mais le succès chirurgical et encore plus le succès visuel dépendent du degré d’ischémie rétinienne périphérique et maculaire.
Les TM associés aux uvéites combinent un œdème maculaire et des modifications du vitré secondaires à l’inflammation. La chirurgie permet la fermeture des TM et une bonne récupération visuelle dans la mesure où le tissu rétinien n’a pas été altéré par l’inflammation chronique.
Les TM sur DMLA sont rares. L’effet des injections intravitréennes peut engendrer des mouvements vitréens expliquant la survenue du TM. L’amincissement rétinien en regard de zones de liquide intra- et sous-rétinien peut expliquer une altération de l’adhérence entre la rétine et l’épithélium pigmentaire. Si la récupération anatomique est obtenue, la récupération visuelle dépend de l’état maculaire préopératoire.
Les TM sur rétinopathie pigmentaire sont la conséquence d’une dysfonction de la pompe épithéliale associée à un œdème maculaire. Une traction vitréenne surajoutée peut aboutir à la formation d’un TM.

TM survenant après une vitrectomie

Différents types de TM apparaissent après une vitrectomie. Il faut évoquer les petits TM extrafovéolaires survenant après un pelage de membrane épirétinienne dans environ 1% des cas. Ils sont secondaires à l’arrachement du toit des cellules de Müller lors de l’amorce du pelage de la membrane limitante interne. Ces trous ne nécessitent pas de chirurgie ni de traitement par laser prophylactique.
Des TM peuvent survenir à distance d’une vitrectomie pour un décollement de la rétine. Le mécanisme causal implique la formation de membrane épirétinienne, une macula initialement soulevée, la récidive du décollement et la myopie forte. Si la fermeture anatomique peut être obtenue, la récupération visuelle est souvent limitée.
Un TM peut également s’ouvrir sous l’effet d’une injection sous-rétinienne, par exemple dans la chirurgie des hématomes maculaires sous-rétiniens associés à la DMLA. Le diagnostic peut se faire en per- ou en postopératoire. La reprise chirurgicale est à discuter en fonction du pronostic fonctionnel (figure 1B).
Enfin certains TM peuvent survenir en conséquence d’une membrane épirétinienne contractile (figure 2C). Ces cas s’opèrent avec un pronostic anatomique attendu comparable à celui des TM idiopathiques, mais avec une récupération souvent moindre, reflétant l’altération plus chronique de la zone fovéolaire. Conclusion Parmi les TM secondaires, il convient de distinguer les TM myopiques des autres TM secondaires. La plupart des TM secondaires s’opèrent avec un taux de fermeture moindre que les TM idiopathiques, variable selon les causes, mais globalement satisfaisant. La récupération fonctionnelle est en revanche très dépendante de la pathologie causale ou associée.

Références bibliographiques
[1] Steel DH, Donachie PHJ, Aylward GW et al. Factors affecting anatomical and visual outcome after macular hole surgery: findings from a large prospective UK cohort. Eye (Lond). 2021;35(1):316-25.
[2] Rizzo S, Tartaro R, Barca F et al. Internal limiting membane peeling versus inverted flap technique for treatment of full-thickness macular holes: A comparative study in a large series of patients. Retina. 2018;38(Suppl 1):S73-S78.
[3] Caporossi T, Pacini B, De Angelis L et al. Human amniotic membrane to close recurrent, high myopic macular holes in pathologic myopia with axial length of ≥30 mm. Retina. 2020;40(10):1946-54.
[4] Tang YF, Chang A, Campbell WG et al. Surgical management of traumatic macular hole: Optical Coherence Tomography features and outcomes. Retina. 2020;40(2):290-8.
[5] Kumawat D, Venkatesh P, Brar AS et al. Atypical macular holes. Retina. 2019;39:1236-64.

Auteurs

  • Elise Philippakis

    Ophtalmologiste

    Chirurgie vitréo-rétinienne et myopie forte, hôpital Lariboisière, Paris

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