Trous maculaires de plus de 500 microns : résultats actuels et techniques d’avenir
Le trou maculaire (TM) est une pathologie connue depuis la fin du XIXe siècle et qui a longtemps été considéré comme incurable. Kelly et Wendel ont été les premiers à montrer qu’une chirurgie par vitrectomie pouvait permettre la fermeture d’un TM et une récupération fonctionnelle [1]. Depuis, grâce aux progrès réalisés en imagerie rétinienne et en chirurgie vitréorétinienne, le taux de succès n’a cessé de s’améliorer et de nouvelles techniques chirurgicales ont vu le jour pour le traitement des TM de grande taille.
Trous maculaires
La première description d’un TM a été faite en 1869 [2]. La physiopathologie des TM idiopathiques, et notamment le rôle du cortex vitréen, a plus tard été étudiée et décrite en lampe à fente par Gass, qui a établi la première classification des TM en 4 stades. L’émergence de l’imagerie par tomographie en cohérence optique (OCT) a ensuite permis une description plus précise des étapes de formation d’un TM, impliquant une traction vitréorétinienne antéropostérieure lors du décollement postérieur du vitré. À partir des observations réalisées en OCT, la classification des TM a été actualisée, en prenant en compte le statut vitréen et le diamètre au collet du TM, qui sont les 2 principaux paramètres anatomiques préopératoires guidant l’approche thérapeutique.
Chirurgie conventionnelle
Kelly et Wendel ont décrit pour la première fois la possibilité de fermeture chirurgicale d’un TM. Dans leur étude princeps, publiée en 1991 et portant sur 52 patients, une vitrectomie avait permis une fermeture du TM pour 30 patients (58%) [1]. Depuis cette première description, le principe général de la chirurgie de première intention des TM a assez peu évolué. Elle consiste à retirer les tractions antéropostérieures exercées par le cortex vitréen et à réaliser une vitrectomie élargie pour permettre un tamponnement interne par gaz qui permettra une fermeture du TM par assèchement de ses bords et une cicatrisation rétinienne par prolifération gliale. Un pelage de la membrane limitante interne (MLI) peut également être réalisé pour s’affranchir d’éventuelles tractions tangentielles exercées à la surface de la rétine. Le pelage de la MLI dans les TM a été décrit pour la première fois en 1997 par Eckardt, et rendu de réalisation simple et sûre par l’utilisation de colorants tels que le brilliant blue [3].
Les progrès réalisés en chirurgie vitréorétinienne ces 30 dernières années ont permis un accroissement considérable du taux de fermeture des TM atteignant de nos jours 90 à 95%. Le principal facteur pronostique de fermeture chirurgicale d’un TM idiopathique est son diamètre préopératoire [4]. Différents facteurs chirurgicaux sont également associés à un taux de fermeture plus élevé, dont le pelage de la MLI qui est cependant associé à des effets secondaires anatomiques et visuels tels qu’une dissociation des fibres nerveuses rétiniennes et l’apparition de microscotomes. Une étude rétrospective conduite à Lariboisière en 2006 avait rapporté un taux de fermeture égal à 100% pour les TM inférieurs à 400 µm, que la MLI ait été disséquée ou non, alors que pour les TM supérieurs à 400 µm, il était de 79% sans pelage de la MLI vs 100% avec pelage de la MLI [5]. L’approche chirurgicale doit donc être conditionnée par la taille du TM et pourrait être allégée pour les trous de moins de 400 µm sans perte de chance. Pour les TM de 400 à 500 µm, une chirurgie avec pelage de la MLI et tamponnement interne par gaz permet un taux de succès proche de 100%, taux qui commence à décroître pour les trous de plus de 500 µm [6]. Ainsi, un des défis actuels en chirurgie vitréorétinienne est d’améliorer les techniques chirurgicales afin d’accroître le taux de fermeture de ces grands TM. Différentes techniques opératoires, plus ou moins complexes et invasives, ont été proposées.
Techniques opératoires proposées pour les TM supérieurs à 500 µm
Flap de limitante interne
En 2010, Michalewska a proposé d’utiliser la MLI disséquée pour recouvrir le TM en réalisant un flap de MLI que l’on laisse attaché au bord du trou, permettant d’obtenir un taux de fermeture plus élevé pour les TM de plus de 400 µm (figure 1) [7]. Le flap de MLI pourrait servir de support à la prolifération et à la migration de cellules gliales favorisant la fermeture et la cicatrisation des TM. Plus récemment, dans une étude portant sur les TM de plus de 800 µm, d’autres auteurs retrouvaient également un taux de fermeture plus important dans le groupe traité avec flap de MLI (88,9%) que dans celui traité avec pelage conventionnel (77,8%) [8]. Différentes variations de cette technique ont secondairement été rapportées, en réalisant par exemple un hémiflap à base temporale, nasale ou encore supérieure.
En cas d’échec de chirurgie de TM avec pelage de MLI, un flap libre de MLI peut être réalisé en disséquant, en dehors de la zone de pelage initiale, un patch de MLI que l’on dépose sur le trou [9]. L’utilisation d’une substance viscoélastique peut faciliter l’adhésion du patch au TM. La manipulation du flap de MLI peut se faire sous fluide ou sous perfluorocarbone liquide (PFCL) afin de faciliter sa manipulation. Dans le cas d’une chirurgie avec flap de MLI, il est conseillé de réaliser la vitrectomie périphérique en début de procédure, avant d’amorcer le pelage de la MLI, afin de limiter les turbulences et les risques de migration du patch de MLI. Enfin, en présence d’un pelage étendu de la MLI lors de la chirurgie initiale, il peut être difficile d’obtenir un patch de MLI de taille satisfaisante et chez les patients pseudophaques, l’utilisation d’une capsule cristallinienne postérieure peut alors se substituer à la MLI [10].
Greffe de membrane amniotique
Plus récemment, en 2019, Rizzo a proposé d’utiliser un patch de membrane amniotique pour le traitement des TM de grande taille non fermés par une première chirurgie (figure 2) [11]. Pour cela, un patch de membrane amniotique est prédécoupé en dehors de l’œil à la taille désirée et inséré dans la cavité vitréenne, puis placé au sein du TM ou à sa surface. Un trocart de 23 Gauge est préférentiellement utilisé pour insérer la membrane amniotique dans la cavité vitréenne, et du PFCL peut être utilisé pour stabiliser le greffon avant de réaliser un échange fluide-air puis un tamponnement par gaz ou par silicone. La membrane amniotique pourrait d’une part apporter des facteurs de croissance participant à la cicatrisation rétinienne, et d’autre part servir de support à la migration de cellules gliales. Une étude pilote conduite sur 20 yeux a retrouvé une fermeture des TM dans les 20 cas avec une amélioration fonctionnelle moyenne de 20/320 en préopératoire à 20/63 en postopératoire. Cette technique doit cependant rester une chirurgie de seconde intention, réservée notamment aux TM de grande taille avec un échec de chirurgie initiale.
Greffe de rétine autologue
En 2016, Grewal et Mahmoud ont rapporté la première greffe de rétine autologue pour le traitement d’un TM (figure 3). Il s’agissait d’une patiente myope fort présentant un TM de 1 100 µm compliqué de décollement de rétine et déjà opérée par vitrectomie avec pelage de MLI [12]. En postopératoire, une fermeture du TM avait été obtenue avec une amélioration visuelle de 20/200 en préopératoire à 20/80 à 3 mois postopératoire. Les étapes de cette chirurgie consistent à réaliser un barrage laser et une endocoagulation des vaisseaux autour du site de prélèvement, puis à découper un greffon de neurorétine à l’aide de ciseaux verticaux ou du vitréotome que l’on dépose, sous PFCL, en regard du trou. Un tamponnement interne par gaz ou par silicone est ensuite nécessaire. Cette technique opératoire permet un comblement du défect tissulaire par le greffon de rétine, qui va s’intégrer au tissu rétinien maculaire [13]. Cette technique permet la fermeture de TM de très grande taille et peut notamment trouver sa place dans le cadre d’un décollement de rétine par TM.
Autres techniques chirurgicales
Différentes techniques chirurgicales, plus anecdotiques, ont également été proposées afin d’augmenter l’élasticité rétinienne. Une approche consiste à induire un décollement de rétine au pôle postérieur par injection transrétinenne de BSS [14]. Une variante de cette technique consiste à soulever les bords du TM par l’injection de fluide à l’aide du reflux d’une canule d’extrusion que l’on place au sein du trou. Cette approche peut éventuellement trouver sa place en cas de TM posttraumatique ou ancien, avec une cicatrice choriorétinienne limitant la mobilité du tissu rétinien.
Une autre voie de développement repose sur l’utilisation de facteurs de croissance, tels que le TGFb2 et l’utilisation de concentrés plaquettaires qui, placés au sein d’un TM, pourraient favoriser sa fermeture et la cicatrisation rétinienne.
Conclusion
La chirurgie des TM offre de nos jours des résultats anatomiques et fonctionnels très satisfaisants. Une vitrectomie avec pelage de la MLI et tamponnement interne par gaz permet un taux de fermeture de près de 100% pour les TM de moins de 500 µm, et d’environ 85% jusqu’à 650 µm. L’utilisation d’un flap de limitante interne peut être proposée pour les TM supérieurs à 500 µm afin d’accroître le taux de succès. En cas d’échec de chirurgie initiale, un patch libre de limitante interne ou de capsule cristallinienne postérieure peut être proposé. Enfin, l’utilisation d’une membrane amniotique ou encore la greffe de rétine autologue peuvent être proposées pour les cas les plus complexes.
Références bibliographiques
[1] Kelly NE, Wendel RT. Vitreous surgery for idiopathic macular holes. Results of a pilot study. Arch Ophthalmol. 1991;109(5):654-9.
[2] Knapp H. Über isolierte Zerreissungen der Aderhaut in Folge von Traumen auf dem Augapfel. Arch Augenheilkd. 1869;1:6-29.
[3] Eckardt C, Eckardt U, Groos S et al. [Removal of the internal limiting membrane in macular holes. Clinical and morphological findings]. Ophthalmologe. 1997;94(8):545-51.
[4] Ip MS, Baker BJ, Duker JS et al. Anatomical outcomes of surgery for idiopathic macular hole as determined by optical coherence tomography. Arch Ophthalmol. 2002;120(1):29-35.
[5] Tadayoni R, Gaudric A, Haouchine B, Massin P. Relationship between macular hole size and the potential benefit of internal limiting membrane peeling. Br J Ophthalmol. 2006;90(10):1239-41.
[6] Steel DH, Donachie PHJ, Aylward GW et al. Factors affecting anatomical and visual outcome after macular hole surgery: findings from a large prospective UK cohort. Eye (Lond). 2021;35(1):316-25.
[7] Michalewska Z, Michalewski J, Adelman RA, Nawrocki J. Inverted internal limiting membrane flap technique for large macular holes. Ophthalmology. 2010;117(10):2018-25.
[8] Narayanan R, Singh SR, Taylor S et al. Surgical outcomes after inverted internal limiting membrane flap versus conventional peeling for very large macular holes. Retina. 2019;39(8):1465-9.
|9] Morizane Y, Shiraga F, Kimura S et al. Autologous transplantation of the internal limiting membrane for refractory macular holes. Am J Ophthalmol. 2014 Apr;157(4):861-9.e1.
[10] Chen S-N, Yang C-M. Lens capsular flap transplantation in the management of refractory macular hole from multiple etiologies. Retina. 2016;36(1):163-70.
[11] Rizzo S, Caporossi T, Tartaro R et al. A human amniotic membrane plug to promote retinal breaks repair and recurrent macular hole closure. Retina. 2019;39(Suppl 1):S95-103.
[12] Grewal DS, Mahmoud TH. Autologous neurosensory retinal free flap for closure of refractory myopic macular holes. JAMA Ophthalmol. 2016;134(2):229-30.
[13] Moysidis SN, Koulisis N, Adrean SD et al. Autologous retinal transplantation for primary and refractory macular holes and macular hole retinal detachments: The Global Consortium. Ophthalmology. 2021;128(5):672-85.
[14] Szigiato A-A, Gilani F, Walsh MK et al. Induction of macular detachment for the treatment of persistent or recurrent idiopathic macular holes. Retina. 2016;36(9):1694-8.