Quelle est la place actuelle de l’OCT-angiographie et de l’angiographie à la fluorescéine dans la rétinopathie diabétique ?

L’évaluation de la rétinopathie diabétique repose sur l’utilisation combinée de différents examens d’imagerie : la rétinophotographie pour le dépistage et la classification de la rétinopathie diabétique, l’OCT maculaire, qui donne une analyse morphologique de la rétine en coupe et est utilisée pour le diagnostic et le suivi de l’œdème maculaire, et enfin l’angiographie à la fluorescéine, qui met en évidence les anomalies vasculaires rétiniennes. L’OCT-angiographie, technique plus récente, permet également de visualiser le réseau vasculaire rétinien. Quelles sont leurs indications et leurs limites et quelle est leur place actuelle dans la prise en charge de la rétinopathie diabétique ?

L’angiographie à la fluorescéine (AF), grâce à l’injection intraveineuse d’un produit de contraste, permet de repérer des zones de fuites vasculaires et de non-perfusion rétinienne. Elle reste jusqu’à présent le gold standard dans l’analyse de ces anomalies, permettant le diagnostic et le suivi de la rétinopathie diabétique. Cependant c’est un examen invasif, long, et qui présente un risque d’allergie rare mais sévère [1]. Avec l’OCT-angiographie (OCT-A), technique d’imagerie récente, on peut aussi obtenir des images du réseau vasculaire mais sans injection de colorant, de manière rapide et reproductive. Des images transversales de la rétine (B-Scans) sont obtenues à des temps différents et les modifications survenues entre un temps t1 et un temps t2 correspondent aux éléments en mouvement, c’est-à-dire aux éléments figurés du sang. Une reconstruction 3D permet ensuite d’obtenir une image « en face » (C-Scan). L’acquisition de l’image peut se faire de manière stratifiée au niveau du plexus capillaire superficiel (cellules ganglionnaires), profond (entre la couche nucléaire interne et la couche plexiforme externe), au niveau de la choriocapillaire, ou à celui du plexus capillaire intermédiaire plus récemment décrit (entre la couche plexiforme interne et la couche nucléaire interne) (figure 1) [2], ce qui n’est pas possible avec l’AF.

Détection des microanévrysmes

Les microanévrysmes apparaissent comme des points hyperfluorescents en AF, et comme des dilatations focales des capillaires en OCT-A (figure 2) [4]. L’OCT-A, contrairement à l’angiographie, apporte des informations nouvelles sur la localisation précise de ces microanévrysmes. Ils ont été décrits comme significativement plus nombreux dans le plexus capillaire profond que dans le plexus capillaire superficiel [5,6]. Cependant, l’OCT-A n’est pas toujours concordante avec l’AF dans la détection de ces microanévrysmes [4,6,7]. L’OCT-A met mal en évidence les lésions à faible débit vasculaire ou à courant non laminaires comme les microanévrysmes, dont le flux est en dessous de son seuil de détection, ce qui explique que certains microanévrysmes vus en AF ne soient pas toujours visibles en OCT-A (figure 3). À l’inverse, certaines lésions repérées en OCT-A et ayant la même description que des microanévrysmes ne sont pas toujours vues en AF [4,7].

Détection des zones de non-perfusion

En AF et en OCT-A, les zones de non-perfusion apparaissent comme des aires sombres où la vascularisation rétinienne est absente. Comme pour la détection des microanévrysmes, l’OCT-A apporte des informations nouvelles sur la distribution de ces zones de non-perfusion, qui semblent être plus étendues dans le plexus capillaire superficiel que dans le plexus capillaire profond [4,6]. La concordance entre OCT-A et AF est en revanche meilleure que pour les microanévrysmes [4,8], même si certaines zones de non-perfusion sont parfois détectées en OCT-A et pas en AF du fait d’un masquage généré par la diffusion du produit de contraste aux abords des territoires non perfusés [6,9].

Détection des anomalies microvasculaires intrarétiniennes et des néovaisseau

Les anomalies microvasculaires intrarétiniennes (AMIR) sont visibles en OCT-A sous la forme de boucles vasculaires plus ou moins dilatées, souvent présentes en bordure de zones de non-perfusion capillaire. L’OCT-A est aussi performante que l’AF pour leur détection  [6], avec même, dans certains cas, une meilleure détection avec un meilleur contraste en l’absence de diffusion.
L’OCT-A permet la détection des néovaisseaux prérétiniens qui sont situés au-dessus de la membrane limitante interne (figure 4) [10] et même, dans certains cas, celle des néovaisseaux de petite taille qui auraient pu être pris pour des microanévrysmes en AF [9]. De plus, les bords de la lésion sont plus nets, car il n’y a pas de diffusion en OCT-A, ce qui permet de mesurer de manière précise la taille de la lésion et de la suivre au cours du temps, d’autant plus qu’il s’agit d’un examen non invasif pouvant, si nécessaire, être répété.

Diagnostic de l’œdème maculaire

L’œdème maculaire (OM) est très bien étudié en AF par la présence de diffusion au niveau maculaire. N’utilisant pas d’injection de colorant, l’OCT-A ne peut pas visualiser cette diffusion. Cependant, les coupes en B-scan permettent de détecter un épaississement rétinien et des logettes de la même manière qu’une coupe OCT standard. De plus, elle apporte des données nouvelles sur le lien entre la perfusion maculaire et l’OM. En effet, plusieurs études ont montré que la densité vasculaire en OCT-A était plus basse dans le cas d’un OM [11,12], sans cependant identifier de manière claire le mécanisme initial.

Analyse de la zone avasculaire centrale et diagnostic de l’ischémie maculaire

La zone avasculaire centrale (ZAC) mesure environ 400 µm de diamètre. Située dans la partie la plus centrale de la macula, elle est dépourvue de capillaires. Elle est plus élargie chez les patients diabétiques que chez les sujets sains. Si l’AF permet de visualiser son élargissement [13], l’OCT-A offre une analyse encore plus précise, grâce notamment à la mesure de la densité vasculaire [14,15]. En revanche, les 2 examens sont comparables pour l’analyse des paramètres quantitatifs de la ZAC (surface, périmètre, index de circularité) [16].
La maculopathie diabétique ischémique est définie comme un élargissement de la taille de la ZAC à 2 fois la normale [17]. Elle est accompagnée d’autres zones de non-perfusion au pôle postérieur et en périphérie (figure 4). L’OCT-A et l’AF ont montré une bonne concordance dans la classification de l’ischémie maculaire selon l’ETDRS [17,18].
Diverses mesures quantitatives sont utilisées en OCT-A pour analyser cette ischémie, mais elles sont pour l’instant peu utilisées en pratique clinique : densité vasculaire, index de flux, vessel skeleton density, dimension fractale, etc.

Évaluation de la sévérité de la rétinopathie diabétique

Il a été montré une corrélation entre la densité vasculaire et la sévérité de la rétinopathie diabétique [11], ainsi que l’acuité visuelle (AV) [12]. En revanche, le lien entre les caractéristiques de la ZAC en OCT-A et l’AV est moins clair puisque certaines études retrouvent une corrélation [19] et d’autres un lien plus modéré [20].
De plus, l’OCT-A aurait une valeur prédictive potentielle dans la rétinopathie diabétique et plusieurs études ont établi un lien entre la progression de la rétinopathie diabétique et certains paramètres analysables en OCT-A tels que la densité vasculaire [21,22], la surface et le périmètre de la ZAC [23].

Réponse au traitement et OCT-A

Certains auteurs ont montré un lien entre l’OCT-A et la réponse aux anti-VEGF dans l’OM diabétique [24-26]. Lee et al. ont retrouvé un nombre plus important de microanévrysmes, une ZAC plus large et une densité vasculaire plus faible dans les yeux répondant moins bien au traitement [24]. Au total, la valeur prédictive de l’OCT-A dans la sensibilité au traitement reste encore incertaine.

Limites de l’OCT-A par rapport à l’AF

L’OCT-A peut présenter certains artefacts rendant difficile son interprétation. Certains algorithmes éliminent ces artefacts en reconnaissant les projections de vaisseaux et en les supprimant de l’image, ou en diminuant les artefacts de mouvements avec un eye-tracker.
De plus, du fait des caractéristiques technologiques de la mesure, l’OCT-A met mal en évidence les lésions à haut débit vasculaire ou à faible débit vasculaire dont le flux est en dehors des seuils de détection de l’examen (cf. supra). De même, un flux turbulent non laminaire rendra difficile la détection du flux en OCT-A. Une nouvelle technologie appelée VISTA (Variable Interscan Time Analysis) a été développée pour résoudre ce problème ; elle permet de modifier l’intervalle de temps entre 2 scans successifs, et donc de repérer des flux vasculaires variables, ce qui est très utile dans la détection des néovaisseaux et des microanévrysmes.
Enfin une importante limite de l’OCT-A par rapport à l’AF est son champ d’acquisition beaucoup plus restreint. Plusieurs méthodes ont été décrites pour pallier cette difficulté, notamment l’assemblage de plusieurs scans ou l’utilisation d’une lentille grand champ [27-29].

Conclusion

L’AF reste l’examen de référence dans la prise en charge de la rétinopathie diabétique mais l’OCT-A y trouve de plus en plus sa place même si, pour l’instant, les 2 examens restent complémentaires. Le caractère non invasif de l’OCT-A permet de répéter l’examen si nécessaire pour suivre au cours du temps les lésions vasculaires liées au diabète, et d’être réalisé même en cas d’allergie. Sa précision sur l’analyse de la vascularisation plexique du pôle postérieur et la détection d’une lésion néovasculaire débutante en font un examen très utile dans la prise en charge de nos patients diabétiques.

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Auteurs

  • Natacha Stolowy

    Ophtalmologiste

    Service d’ophtalmologie, hôpital Nord, Marseille

  • Pierre Gascon

    Ophtalmologiste

    Service d’ophtalmologie, hôpital Nord, Marseille

  • Frédéric Matonti

    Ophtalmologiste

    Centre Monticelli Paradis, Marseille ; Aix-Marseille université, CNRS, institut de neurosciences de la Timone, Marseille.

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