Pseudo-rétinopathie de Purtscher
Nous présentons un cas de pseudo-rétinopathie de Purtscher chez un patient âgé de 56 ans ayant pour antécédent une allogreffe de moelle pour un lymphome du manteau, compliquée d’une maladie du greffon contre l’hôte cutanée chronique et d’une microangiopathie thrombotique. Il ne rapporte pas de notion de traumatisme.
Observation
Le patient montre une baisse d’acuité visuelle bilatérale à 7/10 aux 2 yeux. Le segment antérieur ne présente pas d’anomalie, il n’y a pas d’inflammation. La pression intraoculaire est normale. Le fond d’œil retrouve de nombreux nodules cotonneux avec des hémorragies intrarétiniennes à disposition péripapillaire, sans hyalite associée (figure 1). L’OCT révèle une hyperréflectivité des couches internes de la rétine correspondant aux nodules cotonneux avec un décollement séreux rétinien associé (figure 2). L’angiographie à la fluorescéine retrouve une hypofluorescence au temps précoce due à un effet masque et des zones de non-perfusion. Au temps tardif, on observe une diffusion de fluorescéine augmentant au cours du temps, sans œdème papillaire (figure 3). La périphérie rétinienne ne présente pas d’anomalie.
Discussion
La rétinopathie de Purtscher a été décrite en 1910 par Othmar Purtscher [1] chez des patients ayant subi des traumatismes crâniens sévères et qui présentaient un blanchiment de la rétine, des hémorragies intrarétiniennes et une papillite. Les hémorragies rétiniennes et les nodules cotonneux en sont les signes les plus fréquents, un œdème papillaire est possible. Les Purtscher Flecken sont des lésions pathognomoniques correspondant à des zones polygonales de blanchiment de la rétine, avec la présence d’une ligne de démarcation située à moins de 50 µm des vaisseaux rétiniens contigus, et sont retrouvées de façon inconstante dans 50% des cas [2]. L’atteinte est généralement péripapillaire et maculaire, la plupart des cas sont bilatéraux. L’évolution est imprédictible, certains patients constatant une amélioration visuelle et une amélioration de l’atteinte rétinienne sur plusieurs mois, alors que d’autres évoluent vers une atrophie de l’épithélium pigmentaire, une atrophie optique et une diminution du calibre des vaisseaux rétiniens.
Bien que la rétinopathie de Purtscher soit le plus souvent secondaire à un traumatisme crânien sévère, un aspect rétinien similaire peut survenir dans d’autres contextes : pancréatite aiguë [3] – c’est alors un indicateur de défaillance multiviscérale de mauvais pronostic [4] –, fracture osseuse, compression thoracique, purpura thrombotique thrombocytopénique, syndrome hémolytique et urémique, cryoglobulinémie, microangiopathie thrombotique.
Sur le plan physiopathologique, les lésions observées seraient dues à la microembolisation du système vasculaire rétinien entraînant une occlusion précapillaire artériolaire responsable d’une ischémie des couches internes de la rétine [5]. On n’observe pas de Purtscher Flecken dans les occlusions artérielles car l’embole de plus grande taille occlut totalement la circulation sanguine d’aval, entraînant une plage d’ischémie sans ligne de démarcation avec les vaisseaux rétiniens.
Le traitement est celui de l’étiologie sous-jacente. Il n’existe pas de traitement spécifique de l’atteinte oculaire, bien que l’utilisation de bolus de corticoïdes intraveineux ait été rapportée dans des cas isolés avec des résultats variables.
Les facteurs de mauvais pronostic seraient un œdème papillaire à l’angiographie à la fluorescéine, une hypoperfusion choroïdienne, une atteinte de la rétine externe, une occlusion capillaire étendue et une récidive de Purtscher [5].
Références bibliographiques
[1] Purtscher O. Noch unbekannte Befunde nach Schadeltrauma. Bericht über die Zusammenkunft der deutschen ophthalmologischen Gesellschaft. 1910;36:294-301.
[2] Agrawal A, McKibbin M. Purtscher’s retinopathy: epidemiology, clinical features and outcome. Br J Ophthalmol. 2007;91(11):1456-9.
[3] Miguel AI, Henriques F, Azevedo LF et al. Systematic review of Purtscher’s and Purtscher-like retinopathies. Eye (Lond). 2013;27(1): 1-13.
[4] Holló G. Frequency of Purtscher’s retinopathy. Br J Ophthalmol. 2008;92(8):1159.
[5] Agrawal A, McKibbin MA. Purtscher’s and Purtscher-like retinopathies: a review. Surv Ophthalmol. 2006;51(2):129-36.