Pseudo-mélanomes

Les diagnostics différentiels du mélanome choroïdien sont principalement les autres lésions pigmentées du fond d’œil. La plupart d’entre elles sont bénignes mais on peut aussi retrouver des lésions malignes comme des métastases pigmentées, la rare transformation d’un mélanocytome ou encore un très rare adénocarcinome de l’épithélium pigmentaire.

Métastases pigmentées

Il est important de savoir diagnostiquer des métastases choroïdiennes, car elles font découvrir un cancer primitif méconnu dans environ 25% des cas. Elles se présentent habituellement comme des lésions mal limitées jaunâtres ou achromes au fond d’œil, mais peuvent parfois être pigmentées comme dans les tumeurs carcinoïdes (2% des métastases choroïdiennes) (figure 1).
À l’OCT, on retrouve un aspect ondulé de l’épithélium pigmentaire (EP) caractéristique, dit « lumpy bumpy ».
En angiographie à la fluorescéine, la lésion est hypofluorescente au temps précoce puis peut prendre le contraste de manière hétéro gène (pin points). En angiographie ICG, on retrouve une hypofluorescence tout le long de la séquence, avec un respect de l’architecture choroïdienne. Cette hypofluorescence en ICG est utile pour détecter des petites lésions, notamment sur l’œil adelphe, afin de déterminer si le traitement par radiothérapie doit être uni- ou bilatéral.
L’échographie en mode B retrouve une lésion uniforme à réflectivité irrégulière sans excavation choroïdienne en général.

Mélanocytomes

Il s’agit de tumeurs bénignes très pigmentées, de localisation papillaire et asymptomatique. Leur transformation maligne est possible dans 1 à 2% des cas, justifiant une surveillance annuelle.
À l’angiographie, le mélanocytome est hypofluo rescent par effet masque pigmentaire sur toutes les séquences (figure 2).

Figure 2. Mélanocytome. A gauche : Rétinophotographie couleur montrant la lésion papillaire pigmentée. A droite en haut : Cliché en autofluorescence. A droite en bas : Coupe OCT passant par la lésion (photo : Dr Frau, CHNO des Quinze-Vingts).

Adénome et adénocarcinome de l’épithélium pigmentaire

Ce sont des tumeurs très rares, avec quelques cas isolés rapportés dans la littérature. Ils peuvent survenir de novo ou secondairement à d’autres pathologies oculaires. Ils présentent cliniquement une pigmentation plus superficielle que les lésions choroïdiennes, décrite comme « brun-noir » mais qui est inconstante.
En angiographie à la fluorescéine, la lésion est limitée par le masquage induit par la pigmentation tumorale.
L’échographie B retrouve une réflectivité variable, mais plus importante que celle d’un mélanome choroïdien, et l’absence d’excavation choroïdiennes.

Hypertrophie congénitale de l’épithélium pigmentaire (HCEP)

Cette lésion bénigne d’hyperpigmentation est due à la différenciation aberrante des cellules de l’EP. Elle peut être isolée ou multifocale (dans cette dernière forme, il faut rechercher une polypose adénomateuse familiale, ou syndrome de Gardner). L’HCEP se présente comme une tache pigmentée plane, aux limites très nettes, éventuellement entourée d’un fin liseré pigmenté, et on observe parfois des lacunes dépigmentées au sein de la lésion. On la découvre généralement de manière fortuite car elle est asymptomatique.
L’aspect OCT retrouve une disparition de la rétine externe en regard de la lésion. La lésion est hypo-autofluorescente par perte de la lipofuscine dans l’EP atteint.
L’aspect en angiographie à la fluorescéine (qui n’est pas nécessaire au diagnostic) est celui d’une lésion hypo-fluorescente tout au long de la séquence (figure 3).
La transformation en adénome ou adénocarcinome de l’EP est rarissime, mais possible.

Hamartome combiné de l’épithélium pigmentaire et de la rétine

Il s’agit d’une tumeur bénigne rare, unilatérale, affectant principalement les sujets jeunes. Leur localisation est souvent postérieure et parfois parapapillaire. L’hamar tome se présente sous la forme d’une lésion peu épaisse à pigmentation noirâtre mal délimitée, associée à une zone sus-jacente d’épaississement rétinien et de modification des trajets vasculaires. L’angiographie à la fluorescéine met en évidence des vaisseaux raréfiés souvent très tortueux et télangiectasiques à sa surface, avec diffusion aux temps tardifs.
Ces tumeurs peuvent se compliquer de membranes épirétiniennes, d’hémorragies, voire de décollements de rétine exsudatifs.

Léiomyomes

Ce sont des tumeurs bénignes, très rares, touchant des sujets jeunes. Le diagnostic différentiel avec le mélanome uvéal est très difficile et malheureusement souvent fait à l’analyse histologique. Elles sont composées de cellules neuromusculaires, dont la localisation préférentielle est l’uvée antérieure. À l’échographie B, on retrouve une iso- ou une hypoéchogénicité, avec toutefois une choroïde préservée en regard (figure 4).

Hématomes

Les hématomes sous-rétiniens (figure 5) sont fréquents chez les personnes âgées, en particulier en cas de traitement par anticoagulants oraux. On peut les retrouver au pôle postérieur (DMLA, néovaisseaux du myope fort notamment) ou en périphérie (choriorétinopathie hémorragique exsudative périphérique) (figure 6). La présence de drusen et l’examen de l’œil controlatéral facilitent le diagnostic. Les hématomes sous-rétiniens peuvent faire suspecter à tort une tumeur pigmentée, d’autant que certains mélanomes choroïdiens peuvent être associés à des hémorragies. Le rôle de l’imagerie est primordial.
L’angiographie est habituellement peu conclusive avec une hypofluorescence par effet masque du sang, elle peut parfois dévoiler des néovaisseaux.
L’angiographie grand champ est d’une grande utilité pour la détection de néovaisseaux périphériques. L’échographie en mode B est variable mais habituellement hétérogène. L’IRM avec injection de gadolinium et l’échodoppler oculaire sont souvent une aide diagnostique précieuse. L’IRM montrera une lésion en hypersignal T1 sans prise de contraste centrolésionelle après l’injection de gadolinium. L’échodoppler ne retrouve pas de contingent tissulaire vascularisé intralésionnel. L’attitude recommandée en cas de doute persistant est une surveillance rapprochée. Dans le cas d’un hématome, on peut s’attendre, au contrôle échographique à 1 mois, à une évolution favorable avec régression du volume lésionnel.

Tumeurs vasoprolifératives

Les tumeurs vasoprolifératives (Reactive Retinal Astrocytic Tumor) sont des lésions vasculaires et gliales périphériques responsables d’exsudats secs et de décollements de rétine exsudatifs pouvant mimer une tumeur choroï dienne pigmentée.
À l’angiographie, on retrouve une lésion périphérique avec des télangiectasies qui prennent le contraste rapidement et une diffusion dans le décollement séreux rétinien (figure 7).
L’échographie B montre une lésion hétérogène suprachoroïdienne, et parfois le décollement séreux rétinien associé.

Pour en savoir plus
Desjardins L, Gerber S, Berges O et al. Diagnostic des hématomes sous-rétiniens spontanés isolés ou associés à une DMLA. Étude retro spective de 95 cas. JFO. 2009;32(9):621-8.
Caujolle P, Gastaud P. Lésions pigmentées suspectes. JFO. 2010;33:131-5. Zografos L. Tumeurs intraoculaires. Rapport SFO. 2002.

Auteurs

  • Jérémie Villaret

    Ophtalmologiste

    Centre hospitalier national d'ophtalmologie des Quinze-Vingt, Paris

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