Principes théoriques et mise en évidence d’un effet bifocal central dans le Lasik myopique
Après un rappel mathématique simple sur le facteur Q et quelques définitions, il est proposé une mise au point pratique sur les aberrations optiques, et notamment celles concernées dans le presbyLasik, à savoir les aberrations sphériques. La théorie du presbyLasik, qu’il soit hypermétropique ou myopique, est alors expliquée. Dans le Lasik myopique, il est avancé que l’efficacité est due à la manipulation des aberrations sphériques mais également à l’existence d’une bifocalité centrale générée par le principe de compensation du défocus induit. Des applications pratiques sont données en conclusion pour la programmation courante.
Rappel mathématique
Les profils asphériques sont des profils dont la courbure diffère selon les points.
Les ellipses, les cercles et les courbes asphériques appartiennent à la famille des coniques. Les courbes asphériques se qualifient par la valeur et le signe de l’asphéricité.
Q est une constante conique qui qualifie la variation du rayon de courbure (R) de l’axe vers les bords ; c’est le facteur d’asphéricité [1].
Pour la cornée, l’excentricité mesurée sur 2 diamètres et mise au carré donne la valeur de Q. Le rayon de courbure central correspond au Km.
Selon la valeur du facteur Q, on définit :
-1 < Q < 0 = ellipse prolate ;
Q = 0 = cercle ;
Q > 0 = ellipse oblate.
Si Q est négatif, le rayon de courbure augmente ; s’il est positif, le rayon de courbure diminue.
Les faisceaux lumineux venant de la périphérie créent des aberrations sphériques (AS).
L’asphéricité cornéenne physiologique est de Q = -0,25, ce qui permet de diminuer les AS (AS+) en vision nocturne.
L’asphéricité théorique permettant de supprimer toutes les AS correspond à Q = -0,55.
Il existe de grandes variations entre les individus.
Les AS se formant en avant de la macula sont dites positives (en notation OSA) ; ces AS+ sont favorables à la profondeur de champ (cornée oblate des kératotomies radiaires) et à la vision de près.
Les profils actuels de traitement de la myopie tendent à diminuer les AS+ gênantes en vision nocturne (profils de Munnerlyn).
Les AS se formant en arrière de la macula sont négatives ; la génération d’AS- est à la base du presbyLasik.
Rappel sur les aberrations optiques [2]
Les aberrations sont mesurées par un aberromètre. Celui-ci génère un front d’ondes qui est décomposé pour l’analyse clinique en une somme de surfaces élémentaires correspondant aux polynomes de Zernike (par le calcul de Fourier) ; les polynômes sont des fonctions qui permettent de modéliser un front d’ondes.
Cette reconstruction zonale est pratique et se rapproche de l’image topographique.
On distingue :
- AO 1er ordre = position tête ;
- AO 2e ordre = sphère et cylindre ;
- HOA 3e ordre = coma ;
- 4e ordre = aberrations sphériques (noté en signe inverse par rapport à OSA dans le polynôme).
Le coma est dû à un défaut d’alignement des dioptres (défaut de centrage). Il génère un flou et une perte de contraste (taux inférieur à 0,3 µ à 6 mm de DP).
Les AS ou Z (4,0) sont générées par une zone optique insuffisante ou par un défaut de surface à hauteur de la zone périphérique. Les AS+ ou les AS- génèrent des halos et une perte de contraste mais également une profondeur de champ ; c’est cela qui est exploité dans le presbyLasik.
Modulation du facteur Q
Augmenter le facteur Q revient à diminuer le taux d’aberrations sphériques positives et à générer des aberrations sphériques négatives. Cela crée un défocus hypermétropique et une modification du coefficient de sphéricité CO4 qu’il faudra rétablir.
La modulation du facteur Q doit se faire en fonction des données préopératoires et donc être adaptée à chaque patient.
Le logiciel custom Q du Wavelight 500 est le seul permettant d’adapter le facteur d’asphéricité de la cornée.
La programmation dépend de la kératométrie initiale et du facteur d’asphéricité préopératoire.
PresbyLasik hypermétropique [3]
L’excentricité (mesurée par les topographes) au carré donne la valeur du facteur Q. L’augmentation du facteur Q négatif prolate génère des AS- (OSA). Cela crée un défocus hypermétropique qu’il faut compenser.
Si on augmente le facteur Q, il faut myopiser pour corriger ce défocus (défocus hypermétropique) ; il faut tenir compte de la kératométrie et des valeurs de départ. Cela permet de myopiser le dioptre oculaire sans perturber la vision de loin ; celle-ci est générée par les AS- qui se forment en arrière du plan focal myopique ; de ce fait, il ne faut pas trop augmenter le facteur Q sur l’œil dominant car la vision de loin est en partie due à des AS.
On peut caler la valeur de la myopisation théorique sur la régénération (calcul avec le logiciel) du coefficient global de sphéricité (C04). On peut également se servir de table ou de la profondeur d’ablation maximale.
En somme, pour schématiser : monovision (myopisation) + AS- = presbyLasik (figure 1).
La vision de près est en plus favorisée par un effet central de bombement dû à la prolacité importante induite (figure 2).
PresbyLasik myopique
Il est moins connu car il paraît facile, en cas de myopie, de sous-corriger l’œil non directeur et cela reste une technique sûre. Cependant, il faut le connaître car il présente des avantages.
Les principes sont les mêmes : création d’AS- et défocus hypermétropique. Compensation du défocus théorique en se calant sur la restauration du coefficient global d’asphéricité et surtout sur la profondeur d’ablation centrale, contrairement au Lasik hypermétropique.
Le plus caractéristique est la création d’une bifocalité avec bouton central dû à la correction du défocus hypermétropique (comme si, pour traiter -1,00 D, on traitait -3,00 +2,00 d’où un effet prolate central).
En somme, dans le cas d’un presbyLasik myopique, l’effet sur la vision de près est due à l’augmentation de la profondeur de champ due aux AS- et à la création d’une bifocalité centrale due à la correction du défocus.
Exemple : étude sur les cartes réfractives de l’effet bifocal central (figure 3) ; correspondance avec le profil d’ablation du traitement mis en évidence par simulation (figure 4).
Les avantages du presbyLasik myopique sont la conservation d’une vision binoculaire de loin sans effet de bascule et un bon résultat sur la vision de près. Le presbyLasik bilatéral, où on peut moduler selon l’œil dominant, est possible. Il donne de bons résultats pour toutes les myopies, même les fortes. Les résultats d’opérateurs travaillant sur la même plateforme sont en cours d’étude dans notre centre.
Applications pratiques
PresbyLasik hypermétropie
Œil dominant :
- si hypermétropie forte : le traitement de l’hypermétropie suffit car le Q augmente déjà (si on rajoute une cible, cela myopise) ;
- si hypermétropie faible : on peut proposer un Q augmenté de -0,40 ou pas de modification.
Œil dominé :
- Q augmenté de -0,50 au minimum.
PresbyLasik myopie
- Augmentation bilatérale de -0,5 ou œil dominé seul : Q augmenté de -0,5.
- Programmer le traitement sphérique en fonction de l’âge (correction éventuellement moins forte).
NB : dans le cas d’une amblyopie relative, l’œil amblyope n’équivaut pas à l’œil dominé, donc éviter le presbyLasik bilatéral.
Points forts
• On connaissait, pour le presbyLasik hypermétropique, une zone centrale d’hyperprolacité.
• Le point nouveau est la mise en évidence d’une zone de bifocalité centrale dans le cas d’un Lasik myopique qui contribue à l’effet sur la vision de près.
Références bibliographiques
[1] Gatinel D, Haout MT, Hoang-Xuan T. [A review of mathematical descriptors of corneal asphericity]. J Fr Ophtalmo. 2002;25(1):81-90.
[2] Gavrilov JC. Aberrations optiques. Les Cahiers d’Ophtalmologie. 2015;187:9-16.
[3] Hermann M, Basly H, Clavier O.2000 premiers cas avec la Refractive Suite. Réalités ophtalmologiques. 2013;199(2).