Pathologies de l’épithélium pigmentaire d’origine génétique

Les dystrophies rétiniennes sont un groupe de maladies génétiquement, moléculairement et cliniquement très hétérogènes. Un même gène peut être responsable de différents tableaux cliniques et, inversement, un même tableau clinique peut être dû à différents gènes. Plus de 100 gènes situés au niveau des photorécepteurs et de l’épithélium pigmentaire rétinien (EPR) ont été identifiés comme étant impliqués, avec différents modes de transmission et une variété de pénétrance et d’expressivité. Dans cet article, nous nous concentrons principalement sur les principales dystrophies dont le gène muté causal se trouve au niveau des cellules de l’EPR ou lorsque l’atteinte consécutive affecte l’EPR.

L’épithélium pigmentaire rétinien (EPR) est une couche monocellulaire composée de cellules hexagonales et cuboïdes reliées par des jonctions serrées s’étendant du nerf optique jusqu’à l’épithélium pigmentaire (EP) des corps ciliaires et de l’iris. La partie apicale de ces cellules entoure les segments externes des photorécepteurs, tandis que la partie basale adhère à une membrane plasmique.

L’EPR joue un rôle fondamental dans le fonctionnement de la rétine et le cycle visuel [1], notamment dans :
- l’absorption de la lumière ;
- la phagocytose des segments externes des cônes et des bâtonnets ;
- le métabolisme des acides gras insaturés au niveau rétinien ;
- la formation de la barrière hématorétinienne externe ;
- le maintien de l’espace sous-rétinien (activité pompe et adhérence à la rétine) ;
- la régénération et le recyclage des pigments visuels.

Une bonne compréhension de la structure et des fonctions de l’EPR et du cycle des pigments rétiniens est indispensable pour l’analyse sémiologique des pathologies de l’épithélium d’origine génétique (figure 1).

Rétinites pigmentaires et amaurose congénitale de Leber

Il s’agit de la dystrophie rétinienne la plus fréquente. La triade clinique classique comprend une pâleur papillaire, des vaisseaux sanguins grêles et des spicules rétiniens diffus. Cliniquement, les patients se plaignent d’une héméralopie, d’une restriction du champ visuel et d’une baisse progressive de l’acuité visuelle. Le gène LRAT est l’un des responsables de cette maladie. Il code pour la lécithine rétinol acyltransférase, une enzyme située au niveau de l’EP qui initie les réactions où les all-cis retinal sont dérivés du all-trans retinol (vitamine A) [2].

Un autre gène impliqué est le RPE65, qui est la cible de la seule thérapie génique actuellement approuvée. Il code pour une protéine spécifique responsable de la conversion du all-trans-retinyl ester au 11-cis-retinol au niveau de l’EP (figure 2) [3].

Dystrophies rétiniennes à flecks

La maladie de Stargardt est la dystrophie maculaire la plus fréquente. Le tableau clinique classique comprend des taches au pôle postérieur et en moyenne périphérie, une atrophie maculaire évolutive et une épargne péripapillaire. Le gène principalement impliqué est celui de la protéine ABCA4, avec une transmission autosomique récessive. L’ABCA4 code pour une protéine spécifique responsable de la conversion du all-trans-retinyl ester au 11-cis-retinol au niveau de l’EP.

Dystrophie de Pattern

La dystrophie de Pattern est une maladie à transmission autosomique dominante. Le gène causal est le PRPH2/RDS, responsable de la formation des disques des segments externes. Le tableau clinique peut être très hétérogène, avec des taches réticulées ou en forme d’ailes de papillon au pôle postérieur et en périphérie moyenne.
Les lésions se manifestent généralement à un âge plus avancé que la maladie de Stargardt, et l’atrophie maculaire est souvent moins prononcée (figure 3).

Fundus albipunctatus

Le fundus albipunctatus fait partie des dystrophies rétiniennes caractérisées par une héméralopie essentielle et un fond d’œil anormal. La transmission est généralement autosomique récessive, causée par une mutation du gène RDH5 qui est responsable de l’activité de la 11-cis-retinol déshydrogénase. L’atteinte de cet enzyme empêche la conversion du 11 cis-retinol au 11 cis-retinal au niveau de l’EP. Cliniquement, cela se manifeste par des taches ponctuées qui épargnent la macula et s’étendent jusqu’à l’extrême périphérie, avec un nerf optique et des vaisseaux rétiniens intacts.

Les cellules bipolaires sont également affectées, ce qui explique l’héméralopie et les anomalies de l’électrorétinogramme (ERG), qui s’améliorent après une adaptation prolongée à l’obscurité (figure 4) [4].

Rétinite pigmentaire albescente

Il s’agit d’une forme particulière de rétinite pigmentaire à transmission autosomique récessive. Le gène RLBP1 est impliqué et code pour la protéine cellular retinaldehyde-binding protein (CRALBP), présente en grande quantité dans l’EPR et les cellules de Müller [4]. L’atteinte de ce gène entraîne une accumulation d’esters retinyl all-trans, ce qui se manifeste cliniquement par la triade classique de la rétinite pigmentaire, une héméralopie et une atteinte de l’acuité visuelle et de l’ERG, ainsi que des dépôts blanchâtres diffus dans l’EPR [5].

Dystrophie pseudo-inflammatoire maculaire de Sorsby

Il s’agit d’une dystrophie maculaire à transmission autosomique dominante, impliquant le gène TIMP3. La mutation altère le renouvellement de la matrice extracellulaire, ce qui entraîne un épaississement caractéristique de la membrane de Bruch, avec une accumulation diffuse de matériel sous l’EP. Cliniquement, les premiers signes sont des drusen diffus qui peuvent souvent évoluer vers la formation de néovaisseaux choroïdiens, et une atrophie, ce qui présente une similitude avec la DMLA.

La présence d’une héméralopie est une particularité clinique de cette dystrophie maculaire (expliquée par l’épaississement anormal de la membrane de Bruch) et elle peut être réversible avec une supplémentation en vitamine A (figure 5) [6].

Autres

Benign familial fleck retina : elle appartient à la famille du flecked retina syndrome (avec la RP albescente et le fundus albipunctatus). Il s’agit d’une pathologie bénigne de transmission autosomique récessive, due à la mutation du gène de la PLA2G5 (phospholipase). Les dépôts sont flécoides, diffus, hyper-autofluorescents et épargnent la macula. Le pronostic est en revanche excellent, sans atteinte sur l’acuité visuelle ni le champ visuel ou l’ERG.
Drusen dominants et du sujet jeune, autres pathologies à drusen (syndrome d’Alport, etc.).
Maladies colobomateuses : dystrophie de Caroline du Nord, etc.

Conclusion

L’épithélium pigmentaire rétinien est une structure essentielle du système rétinien qui peut être affectée par diverses dystrophies rétiniennes d’origine génétique. Une compréhension approfondie de la structure, des fonctions et de la physiopathologie de l’épithélium pigmentaire est cruciale pour le diagnostic, le suivi et le développement de traitements pour ces maladies rares mais souvent incurables.

Références bibliographiques
[1] Yang S, Zhou J, Li D. Functions and diseases of the retinal pigment epithelium. Front Pharmacol. 2021;12:727870.
[2] Thompson DA, Li Y, McHenry CL et al. Mutations in the gene encoding lecithin retinol acyltransferase are associated with early-onset severe retinal dystrophy. Nat Genet. 2001;28(2):123-4.
[3] Morimura H, Fishman GA, Grover SA et al. Mutations in the RPE65 gene in patients with autosomal recessive retinitis pigmentosa or Leber congenital amaurosis. Proc Natl Acad Sci USA. 1998;95(6): 3088-93.
[4] Besch D, Jägle J, Scholl HP et al. Inherited multifocal RPE-diseases: mechanisms for local dysfunction in global retinoid cycle gene defects. Vision Res. 2003;43(28):3095-108.
[5] Sparrow JR, Parmann R, Tsang SH et al. Shared features in retinal disorders with involvement of retinal pigment epithelium. Invest Ophthalmol Vis Sci. 2021;62(7):15.
[6] Christensen DR, Brown FE, Cree AJ et al. Sorsby fundus dystrophy - A review of pathology and disease mechanisms. Exp Eye Res. 2017; 165:35-46.

Auteurs

  • Mohamad Issa

    Ophtalmologiste

    Hôpital Lariboisière ; Hôpital Fondation Ophtalmologique A. de Rothschild.

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