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Orthokératologie : extension possible d’indications à travers deux cas cliniques

Il est désormais bien établi que l’orthokératologie permet le retour à une vision « naturelle » œil nu avec le respect de la physiologie lacrymale, y compris à l’âge de la presbytie. Les deux cas présentés ici ont pour but d’ouvrir les esprits sur un potentiel d’indications encore largement inexploité, avec toujours pour seule contrainte le port transitoire nocturne régulier.

Cas n°1 

Il s’agit d’une femme de 69 ans atteinte d’une myopie moyenne stable, d’un astigmatisme modéré et d’une presbytie. Soit respectivement, OD : -1,75 (-2,25 à 50°) et OG : -3,50 (-1,5 à 105°). Alors qu’elle portait régulièrement des lentilles souples avant de devenir presbyte, elle n’y a eu recours qu’occasionnellement après. La topographie de l’œil droit révèle une amétropie cornéenne presque exclusivement incluse dans l’ouverture pupillaire, au demeurant très petite, de 2,4 à 2,6 mm, soit inférieure à 2 en pupille d’entrée réelle (figures 1 et 2). Celle de l’œil gauche authentifie un petit kératocône qui n’a de fruste que le nom, avec un apex à 50 dioptries (zone rouge, figure 2). La pachymétrie est à tout juste 400 µ et confirme ainsi le diagnostic évoqué.

L’équipement a été réalisé par le service technique du laboratoire Precilens, dont la lentille DRLH torique permet la correction d’un astigmatisme central. Le résultat topographique après l’équipement confirme la bonne superposition de la zone optique cornéenne traitée avec la pupille d’entrée. L’anneau induit de demi-tore myopique cornéen est bien centré, mais relativement irrégulier, ce qui est fréquent dans ces cas (figure 2).

On remarque aussi une relative insuffisance corrective astigmate en cornée nasale à l’œil gauche. Le résultat fonctionnel est assez étonnant, à 10/10 P2 en vision binoculaire, sans addition proximale. Il est à comparer avec les précédents obtenus par des équipements plus conventionnels, à savoir 9/10 P2 sur l’œil droit et 7/10 P2 sur l’œil gauche, soit 10/10 P2 en lunettes progressives, et un peu moins, soit 8/10, en lentilles unifocales toriques du fait de leur instabilité relative, car l’astigmatisme est irrégulier à l’œil gauche et peu étendu en périphérie des deux yeux. Le P2, P1,5 est obtenu par une addition supplémentaire de 2,50.

Le retour à un tel résultat n’a, semble-t-il, été possible que grâce à l’exceptionnelle taille de sa pupille (2,4 à 2,6 mm) ­apparemment sans pseudocycloplégie, elle-même reliable à une probable amétropie de puissance et donc non axile. C’est souvent le cas des kératocônes, dont la myopisation est moins dépendante de la croissance axiale du globe que des modifications cornéennes. Les excentricités excessives ou surtout trop centrées, voire encore non intégrables dans l’anneau produit par la méthode, en limitent aussi l’efficacité.

Pour conclure sur ce type de cas, à mon sens, seuls les kérato­cônes de forme fruste ou stable, dont la réfraction lunette efficace est portable avec un résultat d’acuité supérieur ou égal à 6/10, sont adaptables en orthokératologie.

Cas n°2

Ce cas est celui d’une jeune femme de 23 ans désireuse de passer le concours d’entrée de la police nationale, mais présentant une myopie de -2,50 à -2,75. Ce concours exigeant en prérequis d’aptitude une acuité visuelle sans correction de 4/10, elle a donc décidé de se faire opérer par Lasik en mars 2017. Le résultat, satisfaisant dans un premier temps, s’est rapidement dégradé au cours de l’été pour ne permettre qu’une ­faible acuité spontanée de 3/10, avec des spasmes myopisants en septembre. Cette instabilité était liée à une insuffisance de correction astigmate. La réfraction relevait principalement un astigmatisme direct conforme à la règle de -0,75, majoré d’une myopie de 0,25 à 0,75 suivant les spasmes. Une correction ­stable était obtenue avec -0,50 (-0,75 à 0°) ODG. Le principe de la correction additionnelle efficace par orthokératologie repose sur la possibilité de recréer un anneau de demi-tore myopisant plus petit que celui établi par la chirurgie, s’il existe. Cela n’est possible que si ce dernier, adossé au précédent, témoigne bien de la réalisation d’un aplatissement supplémentaire en son centre. Pour cette patiente, l’équipement a été réalisé en Menicon Z Night non torique.

Pour obtenir ce résultat, il faut un reliquat d’excentricité minimale – ici 0,51 steep pour 0,20 flat, œil droit, et 0,07 steep pour 0,41 flat, œil gauche (figures 3 et 4) – et repartir avec un calcul basé quasiment sur la myopie initiale sans chirurgie, soit -2,50 ODG pour ce cas. Le résultat soustractif topographique confirme un gain central de 1,82 dioptrie à l’œil droit et un peu moins de 2 dioptries à l’œil gauche, avec un retour à une acuité œil nu de 12/10 P1,5. On note aussi sur ce cas, en particulier sur la topographie finale de l’œil gauche, le retour à un myosis de fixation plus étroit passant de 4,66 à 3,45 mm, soit un gain de 1,21 mm (figures 5 et 6) témoignant du retour à une meilleure profondeur de champ de sa vision naturelle retrouvée, œil nu.

Rappelons ici tout de même que le degré d’excentricité conditionne pour l’instant l’importance de la correction traitable. Après la chirurgie, corriger jusqu’à deux dioptries suppose un calcul effectué sur environ quatre, ce qui limite d’autant la méthode comme adjuvant possible à la chirurgie.

Attention : il convient de ne se lancer dans ce type d’équipement qu’après une assez longue expérience de la routine d’équipement dans les standards habituels de nos différents laboratoires partenaires (Menicon, LCS, Precilens…). Enfin, toujours demander l’avis de leurs excellents services techniques, car leurs logiciels usuels refusent presque toujours ces adaptations.

Conclusion

Le choix de ces deux cas, certes un peu extrêmes avec une excentricité un peu excessive pour le premier et plutôt assez faible pour le second, démontre, s’il le fallait encore, que les limites sont encore assez loin d’être atteintes en orthokératologie.

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