Œdème maculaire diabétique : y a-t-il des biomarqueurs de l’inflammation ?

L’œdème maculaire diabétique (OMD) est l’une des causes les plus fréquentes de baisse d’acuité visuelle (AV) chez le patient diabétique. Sa prévalence est de 7%. L’objectif de cet article est de présenter les altérations inflammatoires en rapport avec la rétinopathie diabétique (RD) et de synthétiser la littérature permettant d’évaluer les biomarqueurs d’imagerie qui pourraient orienter en première intention vers un traitement par corticoïdes (CT) plutôt que par anti-VEGF et que l’on qualifierait alors de biomarqueurs de l’inflammation.

Le traitement dans le cas d’un œdème maculaire cliniquement significatif (OMCS) responsable d’une baisse d’AV est fondé sur des injections intravitréennes (IVT). Deux types d’agents sont injectés en fonction du terrain du patient, parallèlement aux mesures d’équilibre glycémique et tensionnel : les anti-VEGF et les corticoïdes (CT). Parmi les œdèmes que nous traitons, certains sont résistants aux anti-VEGF et répondent aux CT et inversement.
De nombreux biomarqueurs de réponse aux traitements ont été analysés dans la littérature : anomalies de l’interface vitréo-rétinienne, désorganisation des couches internes de la rétine (DRIL), points hyperréflectifs, décollement séreux rétinien (DSR), aspect des logettes intrarétiniennes, épaisseur choroïdienne. Parmi ceux-ci, 2 principaux biomarqueurs de l’inflammation sont suggérés dans la littérature : la présence de points hyperréflectifs en OCT et celle d’un DSR.

Physiopathologie et mode d’action des traitements de l’OMD

Inflammation rétinienne
Au cours du diabète, l’hyperglycémie induit une dégradation des éléments constitutifs des jonctions serrées entre les cellules endothéliales des vaisseaux rétiniens (occludines, claudines, JAM-A, zonula occludens-1 et V-cadhérines) par la production de cytokines telles que VEGF, TGFß et interleukine-6. Sous l’influence des VEGF, les leucocytes adhèrent aux parois vasculaires par l’intermédiaire de la molécule d’adhésion intercellulaire (ICAM-1). La migration des leucocytes à travers les parois capillaires favorise également la fragilisation des jonctions serrées.
Tous ces phénomènes aboutissent à la rupture de la barrière hématorétinienne (BHR) interne. L’accumulation de fluide rétinien provient d’un déséquilibre entre les entrées de fluides dans les couches de la rétine par rupture de la BHR interne et les capacités de réabsorption des fluides par la rétine assurée par les cellules gliales de Müller (CGM) et l’épithélium pigmentaire. Les CGM sont quant à elles responsables de l’homéostasie rétinienne et participent à la régulation aqueuse et potassique extracellulaire de la rétine par élimination du surplus hydrique vers les vaisseaux sanguins et le vitré. Ces cellules sont ballonisées dans le cas d’un OM, ce qui pourrait en partie expliquer l’aspect kystique du fluide intrarétinien.
D’autre part, au cours de l’OMD, les cellules microgliales, qui sont des cellules sentinelles de la rétine, deviennent réactives et produisent des cytokines qui participent à la mort cellulaire neuronale et vasculaire, et donc à la progression de la RD.
Tous ces facteurs inflammatoires produits et libérés au cours de la RD et de l’OMD en font donc une maladie à forte composante inflammatoire. Effet des traitements sur l’inflammation Les CT régulent les taux de facteurs inflammatoires (IL-1, IL-6, VEGF, etc.) et permettent ainsi de restaurer des jonctions serrées entre les cellules endothéliales et de rétablir l’étanchéité des vaisseaux rétiniens, mais ils ont une action modérée anti-VEGF. Ils diminuent également la leucostase par leur effet inhibiteur des protéines d’adhésion et favorisent la protection des CGM. Les CT inhibent l’activation des cellules microgliales et des CGM [1], atténuent la perte de CGM et inhibent l’hyperexpression des protéines de l’inflammation qui entretiennent le processus pathologique. Les CT semblent également prévenir chez l’animal le développement des lésions vasculaires rétiniennes et inhibent la rupture de la BHR [1].

Points hyperréflectifs

Rationnel de l’utilisation des points hyperréflectifs comme biomarqueur d’inflammation
Il a été suggéré que les points hyperréflectifs (PHR) visibles en OCT (figure 1) pourraient correspondre à des cellules microgliales activées et donc représenter un biomarqueur de l’inflammation. Ce biomarqueur est controversé et ce n’est pas uniquement la présence de PHR, mais également leur nombre et leur localisation (rétine externe/interne), qui semble être en cause, même si les études sont parfois contradictoires.
Les PHR présentant des caractéristiques précises – dimension inférieure à 30 µm, réflectivité similaire à celle des fibres optiques, absence de cône d’ombre postérieur et localisation à la fois dans les couches internes et externes – sont suggérés comme représentant des agrégats de cellules microgliales activées et pourraient donc être considérés comme un biomarqueur d’imagerie de la réponse inflammatoire de la rétine.

Études comparatives anti-VEGF vs corticoïdes
Une augmentation du nombre de PHR dès les stades précoces de RD et d’OMD a été observée. Un nombre plus important de PHR est présent dans l’OMD associé à un DSR, comparativement à l’OMD seul. Les PHR diminuent après le traitement par anti-VEGF et par CT, même si la diminution est plus importante sous CT.

Valeur pronostique des PHR
La valeur pronostique des PHR est très variable. Pour certains auteurs, il n’existe pas de différence d’évolution fonctionnelle et anatomique entre les OMD avec ou sans PHR [2]. Selon d’autres, un nombre élevé de PHR est un marqueur de bonne réponse au traitement anti-VEGF [3]. Pour d’autres encore, le nombre important et la localisation des PHR sur toute l’épaisseur de la rétine sont plutôt associés à un faible gain visuel sous traitement par dexaméthasone [4]. Enfin, d’autres équipes retrouvent également une meilleure réponse au traitement par implant de dexaméthasone que par anti-VEGF en cas de PHR.
Même s’il s’agit d’un marqueur paraissant intéressant, les études sont discordantes et ne permettent pas, pour l’instant, son utilisation. L’amélioration anatomique en présence de PHR semble être meilleure dans la plupart des études sous dexaméthasone, sans que l’AV ne diffère en fonction des traitements.

Limites de cet outil
Les raisons expliquant les discordances de pronostic de ces PHR pourraient être les suivantes : le comptage des PHR est difficile car plusieurs structures apparaissent comme étant hyperréflectives sur un OCT (microanévrysmes, débris d’exsudats, cellules microgliales activées) ; de plus, ces PHR sont évalués sur des coupes de différentes tailles selon les études cliniques, ce qui explique la variabilité des résultats chiffrés de comptage. Par ailleurs, si la coupe OCT de comptage est décalée de quelques microns, le nombre de PHR sera variable compte tenu de la petite taille de ces structures.

Décollement séreux rétinien

Rationnel de l’utilisation du DSR comme biomarqueur d’inflammation
Il a été montré que la présence d’un DSR (figure 1) était associée à une élévation de la concentration intravitréenne d’IL6 au cours de l’OMD [5]. Par la suite, d’autres études cliniques rétrospectives se sont intéressées à la comparaison des 2 classes thérapeutiques chez les patients atteints d’un DSR afin de vérifier si l’un ou l’autre des traitements était plus efficace et qualifier ainsi ce biomarqueur d’inflammatoire.

Études comparatives anti-VEGF vs corticoïdes
Demircan et al. observent une amélioration anatomique supérieure dans le groupe traité par dexaméthasone vs par ranibizumab [6]. A contrario, Ozsaygili et al. retrouvent de meilleurs résultats fonctionnels sous aflibercept que sous dexaméthasone [7].
Globalement, la plupart des études comparatives montrent que le DSR régresse souvent davantage sous dexaméthasone que sous anti-VEGF, c’est pour cette raison que ce biomarqueur est qualifié d’inflammatoire.

Valeur pronostique du DSR
L’amélioration anatomique en présence d’un DSR semble être meilleure dans la plupart des études sous dexaméthasone, sans que l’AV ne diffère en fonction des traitements.

Limites de cet outil
La limite de la plupart des études comparatives entre les traitements CT et anti-VEGF est leur caractère le plus souvent rétrospectif. Il est également difficile de définir un temps d’évaluation optimal de comparaison de l’effet de ces 2 types de traitement en raison des pics d’efficacité survenant à des intervalles différents, et des schémas de traitement variables.

Autre biomarqueur : le DRIL

La notion de DRIL a été introduite récemment. Elle est définie comme l’extension horizontale en micromètres de la zone au sein de laquelle les limites entre le complexe plexiforme interne-cellules ganglionnaires, nucléaire interne et plexiforme externe ne peuvent pas être identifiées (figure 2). La présence d’un DRIL est évaluée de façon indépendante de celle de l’œdème. Les DRIL ont également été suggérés comme étant de potentiels biomarqueurs de l’inflammation car ces derniers sont améliorés par un traitement par dexaméthasone. La présence d’un DRIL initial, quel que soit le traitement, semble associée à un moins bon résultat fonctionnel. Malheureusement, aucune étude à ce jour ne compare les corticoïdes aux anti-VEGF chez les patients atteints d’un OMD avec DRIL. Par ailleurs, cet outil est difficile à caractériser, particulièrement en présence d’un œdème, et sa quantification reste pour l’instant du domaine de la recherche clinique et non de la pratique courante.

Conclusion

L’objectif de ces biomarqueurs suggérés d’inflammation est de proposer à chaque patient le traitement qui paraît le plus adapté à son OMD, et donc de pratiquer une médecine personnalisée. Actuellement, seuls les PHR et la présence d’un DSR sont assez largement étudiés et pourraient constituer des biomarqueurs de l’inflammation. À l’heure actuelle, aucun de ces marqueurs n’est suffisamment robuste pour entraîner une adaptation du traitement initial de l’OMD en fonction de leur présence. C’est probablement l’intelligence artificielle appliquée à notre imagerie multimodale qui permettra de définir de nouveaux biomarqueurs jusqu’à présent non suspectés.

Références bibliographiques
[1] Shen W, Lee SR, Araujo J et al. Effect of glucocorticoids on neuronal and vascular pathology in a transgenic model of selective Müller cell ablation. Glia. 2014;62(7):1110-24.
[2] Fonollosa A, Zarranz-Ventura J, Valverde A et al. Predictive capacity of baseline hyperreflective dots on the intravitreal dexamethasone implant (Ozurdex®) outcomes in diabetic macular edema: a multicenter study. Graefes Arch Clin Exp Ophthalmol. 2019;257(11): 2381-90.
[3] Schreur V, Altay L, van Asten F et al. Hyperreflective foci on optical coherence tomography associate with treatment outcome for anti-VEGF in patients with diabetic macular edema. PloS One. 2018;13(10):e0206482.
[4] Zur D, Iglicki M, Busch C et al. OCT biomarkers as functional outcome predictors in diabetic macular edema treated with dexamethasone implant. Ophthalmology. 2018;125(2):267-75.
[5] Sonoda S, Sakamoto T, Yamashita T et al. Retinal morphologic changes and concentrations of cytokines in eyes with diabetic macular edema. Retina. 2014;34(4):741-8.
[6] Demircan A, Ozkaya A, Alkin Z et al. Comparison of the effect of ranibizumab and dexamethasone implant on serous retinal detachment in diabetic macular edema. J Fr Ophtalmol. 2018;41(8):733-8.
[7] Ozsaygili C, Duru N. Comparison of intravitreal dexamethasone implant and aflibercept in patients with treatment-naive diabetic macular edema with serous retinal detachment. Retina. 2019;doi: 10.1097/IAE.

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