Nouvelles connaissances sur les interactions entre surface oculaire et les lentilles de contact
Résoudre un problème d’inconfort avec les lentilles mensuelles n’est pas simple malgré un interrogatoire minutieux et un examen clinique précis qui peuvent nous orienter vers un problème de : renouvellement, dépôts, entretien, adaptation. Si tous ces éléments se révèlent corrects il faudra penser à la lentille elle-même. L’inconfort en fin de journée reste la principale cause d’abandon du port des lentilles.
Une lentille se caractérise par sa géométrie, son matériau et sa surface. Chacune de ses caractéristiques a une influence sur le confort des lentilles à des degrés divers. Les propriétés de surface [Roba et al., 2011 ; Ross et al., 2005 ; Tucker et al., 2012] ont montré une relation directe entre le coefficient de frottement et le confort après 2h de port, en fin de journée et global. Une lentille interagit par l’intermédiaire de sa surface avec la surface cornéenne et conjonctivale par sa face postérieure et avec la conjonctive palpébrale par sa face antérieure.
La biotribologie (science de la friction et de la lubrification appliquée aux systèmes biologiques) des lentilles de contact a montré que de nombreux facteurs peuvent affecter les mesures de friction des lentilles de contact : la force appliquée, la surface de contact, la vitesse de déplacement sur la surface, le temps de contact, le substrat et la composition du fluide lubrifiant.
Le coefficient de frottement ou de friction (COF) est la valeur quantitative reflétant la lubrification (qualité) de la surface de la lentille. La mesure du coefficient de frottement in vitro dépend de nombreux éléments (cf. ci-dessus). La comparaison du COF entre les différentes lentilles est difficile car il n’y a pas de convention de mesure. Chaque laboratoire utilise des méthodes différentes.
La propagation des forces de friction génère une contrainte de cisaillement t = P (Pression de contact) x µ (COF) qui peut induire une perte de cellules épithéliales quantifiables.
Le biotribomètre est un appareil permettant de modéliser in vitro le contact direct entre 2 surfaces dans notre cas entre une couche de cellules épithéliales cornéennes et une lentille de contact.
Cet appareil a été utilisé pour comparer 5 matériaux de lentilles de contact journalières : 1 hydrogel (Etafilcon A), 2 silicone hydrogels aux propriétés de mouillabilité intrinsèque au matériau (Stenfilcon A, Somofilcon A), 2 silicone hydrogels à gradient d’eau. Ces travaux ont montré que les lentilles sans surface d’eau provoquent des dommages cellulaires supérieurs aux lentilles avec une surface d’eau (figures). Les études de mécano-biologie in vitro des couches cellulaires endothéliales et épithéliales indiquent que les cellules sont sensibles aux contraintes de cisaillement et leur sensibilité dépend : de l’orientation, de la durée, de l’ampleur de cette contrainte. Des contraintes de cisaillement accrues (t = 60 Pa) induisent des augmentations significatives des gènes pro-inflammatoires (IL-1b, IL-6, MMP9) et pro-apoptotiques (DDIT3, FAS) liés à la douleur.
Une faible contrainte de cisaillement s’accompagne généralement d’une réponse immunitaire au repos et peut réduire les taux d’inconfort signalés [Chau et al.2020]. Un matériau hydraté en surface limite les forces de cisaillement.
Que retenir
• Les forces de cisaillement : force de friction x pression exercée
• Les forces de cisaillement peuvent entraîner une augmentation de la libération de facteurs inflammatoires
• L’inconfort généré peut entraîner l’abandon du port de lentilles
Bibliographie
Roba M et al. Friction measurements on contact lenses in their operating environment. Tribology Letters. 2011;44(3):387-97.
Ross G et al. Silicone hydrogels: trends in products and properties. Poster presented at: BCLA 29th Clinical Conference & Exhibition; June 3-5, 2005; Brighton, UK. Available at: http://www.siliconehydrogels.org/posters/dec_05.asp. Accessed Aug 31, 2013.
Tucker RC et al. Qualitative and quantitative lubricity of experimental contact lenses. Invest Ophthal Vis Sci. 2012;53(14):6093.
Chau AL et al. Aqueous surface gels as low friction interfaces to mitigate implant-associated inflammation. J Mater Chem B. 2020;8(31):6782-91.
Hart SM et al. Surface Gel Layers Reduce Shear Stress and Damage of Corneal Epithelial Cells. Tribology Letters. 2020;68(4):1-9.
Schémas à des fins d’illustrations, issus des schémas de l’étude Chau AL et al. Aqueous surface gels as low friction interfaces to mitigate implant-associated inflammation. J Mater Chem B. 2020;8(31):6782-91.