Nouveau signe OCT : le BALAD

Les BALAD (Bacillary Layer Detachment), ou décollements de la couche bacillaire, sont des formes particulières d’accumulation de liquide exsudatif. Le liquide ne se collecte pas dans l’espace sous-rétinien comme dans les décollements séreux rétiniens (DSR) et n’a pas la distribution liquidienne observée dans l’œdème intrarétinien. Dans les BALAD, il s’accumule dans un espace intrarétinien formé par un clivage au sein des photorécepteurs (PR). Ce clivage se produit dans la partie des PR située entre le corps cellulaire et l’épithélium pigmentaire et appelée couche bacillaire.

Rappel anatomique

En 1941, le neuroanatomiste Stephen Polyak a identifié la couche bacillaire comme étant la région d’association des segments interne et externe des PR [1]. Pour rappel, le segment interne, situé près de la membrane limitante externe (MLE), est divisé en 2 zones : la zone myoïde (ZM), riche en ribosomes et en réticulum endoplasmique, et la zone ellipsoïde (ZE), qui présente une forte réflectivité en raison des abondantes mitochondries qu’elle contient. Le segment externe est constitué de disques empilés et est situé à côté de l’épithélium pigmentaire rétinien (EPR).
Les progrès de résolution de l’OCT ont permis d’identifier de nouvelles lésions rétiniennes, dont le BALAD, décrit comme la séparation de la couche bacillaire des autres couches rétiniennes. Cette séparation est due à une scission, à l’intérieur des PR, immédiatement postérieure à l’MLE, probablement au niveau de la myoïde. Même s’il y a encore des débats sur l’endroit où se situe le clivage intrarétinien : certains pensent qu’il a lieu au niveau de la myoïde, d’autres considèrent qu’il se fait au niveau de l’ellipsoïde.
Ce type de décollement est donc une accumulation de liquide dans un espace créé par une rupture au sein même des PR et non à l’interface PR/épitélium pigmentaire comme dans le DSR.
Le BALAD a été décrit pour la première fois en 2018 dans un cas de toxoplasmose [1,2] et a été depuis ­rapporté dans de nombreuses étiologies : tuberculose, maladie de Vogt-Koyanagi-Harada (VKH), épithéliopathie en plaques, sclérite postérieure, traumatisme, prééclampsie, pachychoroïde péripapillaire, DMLA, et nous avons récemment rapporté cette association dans 4 cas de Coxsackie virus [3].

Qu’observe-t-on en présence d’un décollement bacillaire ?

Il existe une sémiologie OCT spécifique. En OCT, le BALAD apparaît comme un espace kystique intrarétinien en forme de dôme, situé au niveau de la rétine externe. Il est secondaire à une scission de la ZM avec une bande granulaire hyperréflective comme frontière antérieure (le plafond du décollement bacillaire), et une ligne d’épaisseur et de réflectivité variables, qui est la continuation de la ZE, comme frontière postérieure (le plancher du décollement bacillaire). Sous la limite interne ou « plancher » du BALAD, une deuxième bande hyperréfléchissante continue avec la zone d’interdigitation (ZI) peut être présente.

Le BALAD est fréquemment associé à du liquide sous-rétinien et, dans de rares cas, à du liquide intrarétinien. Il peut être accompagné de particules intralésionnelles hyperréflectives, et la réflectivité de l’espace intra-BALAD est plus élevée que celle du DSR, probablement en ­raison de la fibrine, des débris de l’EP ou du matériel inflamma­toire qu’il contient. Dans certains cas, des septae verticaux sont visibles dans la cavité du BALAD. On suppose, sur la base de preuves histologiques, que ces septae peuvent refléter des mitochondries ayant potentiellement migré [1]. La grande majorité des patients présente également une augmentation de l’épaisseur de la choroïde sous-jacente.

Figure 1. Imagerie multimodale dans un cas de BALAD associé à une UAIM (maculopathie idiopathique aiguë unilatérale) ayant pour étiologie une maladie mains, pieds et bouche (infection par Coxsackie virus). Au fond d’œil, on remarque une lésion maculaire ayant l’aspect d’un DSR. En OCT, un décollement de la couche des photorécepteurs en forme de dôme au niveau fovéal a été observé, avec un espace kystique rétinien externe associé à du liquide sous-rétinien avec fibrine. À l’angiographie à la fluorescéine, on constate une hyperfluorescence bien limitée centrale avec une hyperfluorescence à limites floues au sein du DSR en périphérie.

À côté de la sémiologie OCT, il existe une sémiologie en imagerie multimodale spécifique. Au fond d’œil, on constate habituellement une lésion maculaire centrale ­jaunâtre dont l’apparence suggère un décollement sous-rétinien. Sur les clichés en autofluorescence, le BALAD apparaît hypo-autofluorescent en raison du masquage de l’autofluorescence de l’EP causé par l’exsudation au sein du BALAD et des dysfonctionnements de l’EP. La réflectance dans le proche infrarouge souligne le BALAD sous l’aspect d’une zone hyporéflective entourée d’un anneau hyperréflectif. En angiographie à la fluorescéine, on peut observer, sur les clichés tardifs, une accumulation intense de colorant dans la partie centrale de la lésion correspondant au décollement bacillaire, entourée de colorant plus périphérique correspondant au DSR.
Les décollements bacillaires évoluent de manière transitoire, puisqu’ils peuvent disparaître dès le cinquième jour après le début de la maladie, et dans la grande majorité des cas avant le quatorzième jour.

Pourquoi ce décollement bacillaire ?

Le mécanisme exact de la formation des BALAD n’est pas encore connu, mais plusieurs théories existent. L’un des processus physiopathologiques du développement des BALAD, similaire au décollement de rétine ­exsudatif, pourrait être la rupture de la barrière hémato-rétinienne externe, ce qui a été confirmé sur les séquences tardives de l’angiographie à la fluorescéine, démontrant une accumu­lation de colorant à l’intérieur du BALAD. En outre, ­l’incidence plus élevée de DSR et la rareté du liquide intrarétinien dans les cas de BALAD sont en faveur de ­l’hypothèse que le problème clé se situe au niveau de la barrière hémato-rétinienne externe.
Une autre hypothèse est que le BALAD est causé par une ischémie choroïdienne qui réduit le flux sanguin vers la couche des photorécepteurs. Certains auteurs ont émis l’hypothèse qu’une ischémie choroïdienne sous-jacente participerait à un stress rétinien et produirait un clivage au sein des PR au niveau de la couche bacillaire ­fragilisée par l’ischémie.

Quelle que soit l’hypothèse retenue, une implication de la choroïde est probable. La majorité des patients atteints d’un BALAD présentait une augmentation de l’épaisseur de la choroïde. Cette augmentation a été associée à des troubles ischémiques, inflammatoires, infiltratifs et néovasculaires de la choroïde, y compris dans la VKH, l’ophtalmie sympathique, l’épithéliopathie en plaques et les tumeurs malignes de la choroïde. Des études récentes en OCT-A ont révélé des anomalies du flux choroïdien et choriocapillaire associées à ces maladies. La régression du BALAD dans les cas où l’inflammation a cessé et où l’épaisseur choroïdienne est revenue à la normale à la suite d’un traitement par stéroïdes pulsés ou par plasmaphérèse étaye également cette théorie.
Outre l’inflammation sous-jacente, on pense que l’augmentation soudaine de la pression hydrostatique induite par l’accumulation rapide de liquide dans la rétine externe peut contribuer au développement du BALAD en déclenchant la rupture de la couche des PR.

On suppose que l’exsudation choroïdienne hyperaiguë est trop fulminante dans ces cas pour être retenue dans l’espace sous-rétinien et qu’elle pénètre donc dans la couche des PR, dépasse la force de traction et crée un plan de coupe au niveau du myoïde et/ou de l’interface myoïde-ellipsoïde.
Par ailleurs, il a été constaté que le taux de présence de fibrine sous-rétinienne dans le groupe avec un BALAD était significativement plus élevé que dans le groupe sans BALAD.
Dans les maladies inflammatoires, la fibrine sous-rétinienne augmente l’adhérence entre l’EP et la ZI. Cette adhérence combinée à la force hydrostatique de l’exsudation crée une séparation au sein du PR au niveau de la structure la plus fragile, à savoir la zone située sous le corps cellulaire (dans la région de ­l’éllipsoïde et de la myoïde) [1].
Nous avions été les premiers à évoquer, dans la cadre de la DMLA, le rôle de la fibrine dans la constitution de DSR particuliers, les DSR en arche de pont (Bridge Arch Shaped Serous Retinal Detachment) [4]. Ces DSR sont très majoritairement associés à des néovaisseaux choroïdiens de type 2 ayant évolué vers la fibrose. Celle-ci entraîne une adhérence entre le complexe néovaisseau-épithélium pigmentaire et PR sus-jacents, aboutissant à la constitution de décollements rétiniens très similaires à ce qui est observé dans le BALAD, à tel point que Mambretti et al. ont considéré que DSR en arche de pont et BALAD étaient des noms différents décrivant la même entité [5].
La principale différence entre le BALAD et le DSR en arche de pont est que le BALAD est une accumulation de fluide dans une zone de clivage intra-rétinienne et non pas sous-rétinienne comme dans le DSR. Le premier est observé au stade aigu de la DMLA exsudative, alors que le second se développe au stade cicatriciel de la DMLA avec constitution d’une fibrose. Les yeux atteints d’un BALAD présentent une amélioration de l’acuité visuelle après le traitement, tandis que ceux atteints d’un DSR en arche de pont affichent une détérioration de l’acuité visuelle finale [6].

Références bibliographiques
[1] Engin CD, Saatci AO. The revival of an old term with optical coherence tomography: Bacillary layer detachment. Eur Eye Res. 2022; 2(4):180-8.
[2] Mehta N, Chong J, Tsui E et al. Presumed foveal bacillary layer detachment in a patient with toxoplasmosis chorioretinitis and pachy­choroid disease. Retin Cases Brief Rep. 2021;15(4):391-8.
[3] Anjou M, Fajnkuchen F, Nabholz N et al. Multimodal imaging of unilateral acute maculopathy associated with hand, foot, and mouth disease: A case series. Case Rep Ophthalmol. 2022;13(2):617-25.
[4] Fajnkuchen F, Cohen SY, Thay N et al. Bridge arch-shaped serous retinal detachment in age-related macular degeneration. Retina. 2016;36(3):476-82.
[5] Mambretti M, Casalino G. Correspondence. Retina. 2022;42(1):e1.
[6] Venkatesh R, Mangla R, Mishra P et al. Bridge arch-shaped sub­retinal fluid in neovascular age-related macular degeneration: evolution and outcomes. Retina. 2022;42(6):1012-9.

Auteurs

  • Franck Fajnkuchen

    Ophtalmologiste

    Centre d’Imagerie et de Laser, Paris ; Hôpital Avicenne, Bobigny

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