L’iridotomie au laser en pratique
L’iridotomie périphérique au laser (IPL), procédure non invasive réalisée à globe fermé, est utile dans de nombreuses applications thérapeutiques et prophylactiques. Ses indications se sont affinées au fur et à mesure de l’évolution de nos connaissances, étayées par des études scientifiques bien menées. Cet article se propose de faire un point sur ce sujet, quand et comment faire une iridotomie périphérique.
Avec l’IPL, le laser est utilisé pour créer un trou de pleine épaisseur de diamètre suffisant en périphérie irienne, permettant à l’humeur aqueuse de circuler librement de la chambre postérieure à la chambre antérieure, levant ainsi tout gradient de pression pouvant exister à ce niveau et limiter efficacement le bloc pupillaire.
Rappel physiopathologique
Bloc pupillaire
Il s’agit de la cause la plus fréquente de fermeture primitive de l’AIC (75% des cas). Le flux d’humeur aqueuse de la chambre postérieure à travers la pupille vers la chambre antérieure rencontre une certaine résistance en raison du contact lâche entre la surface postérieure de l’iris central et la surface antérieure du cristallin. Cela crée un gradient de pression entre les 2 chambres, entraînant l’inclinaison de l’iris périphérique vers l’avant. Une telle courbure vers l’avant peut placer l’iris périphérique contre le réseau trabéculaire dans les yeux anatomiquement prédisposés.
Dans certains cas, peu nombreux, ce mécanisme se perpétue avec obstruction du flux trabéculaire et augmentation de la pression intraoculaire (PIO) jusqu’à 50-60 mmHg. Si l’obstruction trabéculaire totale intervient rapidement (en quelques heures), les symptômes et signes de la fermeture aiguë de l’angle sont présents.
Encombrement angulaire
Cette étiologie de fermeture angulaire regroupe différents cadres nosologiques, avec des modifications anatomiques des corps ciliaires et/ou de la racine irienne. On y retrouve l’iris plateau – où les procès ciliaires basculés vers l’avant repoussent l’iris vers le trabéculum –, mais aussi les iris épais, les insertions antérieures de l’iris…
Mécanismes cristalliniens de fermeture angulaire
Une cataracte intumescente, un volume cristallinien important en regard de la longueur axiale, un cristallin subluxé, une sphérophakie sont autant de situations pouvant amener le cristallin à interférer avec une fermeture angulaire (figure 1).
Processus rétrocristalliniens
Dans ces cas, il existe une pression derrière le cristallin, poussant ce dernier vers l’avant, avec par exemple un glaucome malin, gaz ou huile de silicone dans la cavité vitréenne, effusion uvéale…
Glaucome primitif par fermeture de l’angle (GPFA)
Il s’agit d’un problème majeur de santé publique à l’échelle mondiale, avec un potentiel cécitant plus important que le glaucome primitif à angle ouvert. Des efforts ont été déployés pour classifier les différentes étapes évolutives de ce type de glaucome qui trouve son primum movens dans une anomalie anatomique, avec un obstacle mécanique à l’écoulement de l’humeur aqueuse. Foster a illustré le continuum entre la fermeture angulaire et la survenue d’un GPFA (figure 2) [1].
Suspicion de fermeture primitive de l’angle
Contact irido-trabéculaire sur 2 quadrants ou plus, PIO normale, pas de synéchies antérieures périphériques (SAP), pas de neuropathie optique glaucomateuse prouvée.
Fermeture primitive de l’angle
Contact irido-trabéculaire induisant des SAP et/ou une élévation de la PIO. Pas de neuropathie optique glaucomateuse prouvée.
Glaucome primitif par fermeture de l’angle
Le contact irido-trabéculaire induisant une neuropathie glaucomateuse, des SAP et une élévation de la PIO peuvent être retrouvées à l’examen.
Indications d’iridotomie périphérique
L’IP est classiquement recommandée devant des signes évocateurs de crises subaiguës de fermeture angulaire, a fortiori s’ils sont associés à des signes fonctionnels :
- atrophie sectorielle de l’iris ;
- semi-mydriase ;
- glaukomflecken ;
- SAP débutantes.
L’IP est proposée s’il y a fermeture angulaire par apposition irienne [2] et mise en balance avec une surveillance dans les cas suivants :
- dans le cadre des angles « fermables », c’est-à-dire AIC étroits à risque. Un angle fermable est un angle dont on ne voit pas le trabéculum pigmenté sur plus de 180° en gonioscopie (figure 4) ;
- en fonction du mécanisme de fermeture prépondérant et du stade évolutif [3-5]. L’IP est essentiellement efficace pour lever le bloc pupillaire, elle sera notamment proposée en l’absence, vérifiée en gonoscopie, de SAP étendues ;
- l’IP est également proposée en première intention devant une fermeture angulaire avec iris plateau : elle sera efficace sur la réouverture angulaire dans 90% des cas, permettant de distinguer la configuration d’iris plateau du syndrome d’iris plateau où une prise en charge complémentaire peut être nécessaire ;
- à discuter au cas par cas en fonction du patient et des possibilités de surveillance. L’IP sera d’autant plus indiquée dans le cas d’une difficulté prévisible de suivi, de dilatations répétées nécessaires, de prise médicamenteuse interférant avec le jeu pupillaire…
L’IP peut être proposée dans le cadre d’une dispersion pigmentaire ou d’un glaucome pigmentaire débutant avec inversion de la courbure irienne : on espère, ce faisant, rétablir là encore le gradient de pression de part et d’autre de l’iris et limiter ainsi le frottement de l’iris sur la cristalloïde antérieure et la dispersion pigmentaire induite [6].
Réalisation pratique d’une IP
La préparation peut se faire en instillant de la Pilocarpine® 2% et de l’Apraclonidine® 1% juste avant la réalisation du traitement laser.
L’anesthésie topique est administrée.
On utilise un verre spécifique à sa convenance : Abraham ++, Wise…
Le choix de la localisation est une affaire de pratique : sous la paupière supérieure ou l’aire d’ouverture palpébrale, crypte si possible, périphérique. La logique étant d’éviter la zone d’intersection entre le ménisque de larmes et les paupières, pour limiter les effets photiques dont peuvent se plaindre certains patients (figure 4).
Voici des exemples de réglages :
- Argon 50 µ : 0,1 sec ; 200 à 400 mW ;
- Yag : 2 à 10 mJ.
Un prétraitement au laser Argon pour diminuer le risque de saignement en coagulant les vaisseaux iriens est optionnel – taille du spot : 400 µm, durée : 0,2 sec, énergie approximative : 200-300 mW.
La taille de l’IP doit être suffisante, soit 300 µ environ. Une perforation bien transfixiante est obtenue lorsque de l’humeur aqueuse mélangée à du pigment passe dans la chambre antérieure à travers l’orifice.
En postlaser, on propose classiquement un traitement anti-inflammatoire associé à un traitement hypotonisant oculaire à poursuivre pendant quelques jours.
Les complications sont rares :
- hyphéma, marquage cornéen ou cristallinien ;
- HTO, inflammation ;
- réactivation d’herpès ;
- photopsies, troubles visuels dans 6 à 12% des cas (halos, images fantômes, vision floue, croissant, éblouissement)…
La surveillance post-IP demeure essentielle, on considère comme étant à risque les patients ayant présenté un AIC étroit. La surveillance classique fait intervenir la mesure de la PIO, l’analyse structurale et fonctionnelle du nerf optique, mais également l’évolution gonioscopique qui peut se modifier dans le temps.
Conclusion
L’iridotomie périphérique est un outil simple à mettre en place, peu invasif et efficace pour lever un bloc pupillaire. Elle peut donc être envisagée à chaque fois qu’un mécanisme de bloc pupillaire primitif est retenu avant de passer à d’autres actes thérapeutiques plus invasifs.
L’iridotomie périphérique en bref
• Traitement laser visant à perforer la racine de l’iris.
• Permet de rétablir le gradient de pression établi de part et d’autre de l’iris.
• Humeur aqueuse passe de la chambre postérieure vers la chambre antérieure.
• Prévient l’apposition irienne contre le trabéculum. • Limite les conséquences du bloc pupillaire si réalisée précocement.
• Inutile, voire dangereuse en cas de SAP étendues.
• Indications : analyse gonioscopique AIC+++.
• UBM et OCT : outils complémentaires pour évaluer les mécanismes de fermeture angulaire.
Références bibliographiques
[1] Foster PJ, Buhrmann R, Quigley HA, Johnson GJ. The definition and classification of glaucoma in prevalence surveys. Br J Ophthalmol. 2002;86(2):238-42.
[2] Friedman DS, He M. Anterior chamber angle assessment techniques. Surv Ophthalmol. 2008;53(3):250-73.
[3] European Glaucoma Society Terminology and Guidelines for Glaucoma, 5th Edition. British J Ophthalmol. 2021;105(Suppl 1):1-169.
[4] He M, Jiang Y, Huang S et al. Laser peripheral iridotomy for the prevention of angle closure: a single-centre, randomised controlled trial. Lancet. 2019;393(10181):1609-18.
[5] Azuara-Blanco A, Burr J, Ramsay C et al. Effectiveness of early lens extraction for the treatment of primary angle-closure glaucoma (EAGLE): a randomised controlled trial. Lancet. 2016;388(10052):1389-97.
[6] Buffault J, Leray B, Bouillot A et al. Intérêt de l’iridotomie périphérique au laser dans le glaucome pigmentaire et le syndrome de dispersion pigmentaire : une revue de la littérature. J Fr Ophtalmol. 2017;40(10):889-97.