L’ICG dans les uvéites postérieures
Les angiographies avec produit de contraste sont des techniques d’imagerie essentielles dans le diagnostic et le suivi des uvéites postérieures. Elles sont complémentaires à l’examen clinique. Les angiographies permettent de confirmer des éléments détectés par l’examen du fond d’œil ou par d’autres techniques d’imagerie rétinienne (OCT, OCT-A…), de mieux apprécier l’intensité d’une inflammation du segment postérieur et ainsi de faciliter le suivi lors du traitement. Parmi ces angiographies, il existe depuis une quinzaine d’années une technique utilisant le vert d’indocyanine (ICG), un colorant fluorescent dans la longueur d’ondes de l’infrarouge. Il permet d’imager la choroïde jusque-là peu accessible à l’imagerie.
Introduction
L’angiographie au vert d’indocyanine (ICG) apporte des informations complémentaires non visibles par l’examen clinique, par l’angiographie à la fluorescéine (FA) ou par l’OCT. Souvent l’ICG a une valeur diagnostique, contrairement à la FA. Pour ces raisons, et dans la plupart des cas où un bilan angiographique est nécessaire et où une atteinte choroïdienne ne peut être exclue, FA et ICG doivent être réalisés.
L’ICG tire ses avantages de la fluorescence infrarouge (790-805 nm) de la molécule ICG et de ses propriétés macromoléculaires, qui lui permettent d’accéder aux structures vasculaires choroïdiennes à travers l’épithélium pigmentaire rétinien. Elle s’échappe de la choriocapillaire qui est largement fenêtrée et imprègne le stroma choroïdien. La molécule d’ICG est presque totalement liée aux protéines, surtout aux larges protéines. De ce fait, moins de colorant s’échappe des fenestrations de la vascularisation choroïdienne, permettant de visualiser les vaisseaux choroïdiens et d’éventuelles atteintes choroïdiennes.
Une imprégnation de la choroïde apparaît progressivement tout au long de la séquence angiographique, créant une fluorescence de fond aux temps intermédiaires et tardifs. Les propriétés physiques de l’ICG permettent de visualiser ce colorant à travers la mélanine et le pigment xanthophylle.
L’angiographie ICG comprend 3 phases :
- une phase précoce (jusqu’à 2-3 minutes), permettant de visualiser les larges vaisseaux rétiniens et choroïdiens et l’exudation de colorant à travers la choriocapillaire dans le stroma choroïdien ;
- une phase intermédiaire (jusqu’à 10 minutes), objectivant une fluorescence maximale du stroma choroïdien ;
- une phase tardive (jusqu’à 28-32 minutes), montrant un « wash-out » du colorant avec de larges vaisseaux choroïdiens qui apparaissent sombres par rapport à la fluorescence stromale de fond.
L’activité de l’ICG dans le proche infrarouge permet de visualiser une éventuelle fluorescence à travers le liquide sérosanguin, à travers une hémorragie, du pigment ou une exsudation lipidique.
Choriorétinopathie de birdshot
La rétine et la choroïde sont les cibles premières de l’inflammation. Il existe une fuite capillaire importante qui produit une hyperfluorescence diffuse et intense de toute la rétine. L’ICG permet le diagnostic précoce de la choriorétinopathie de birdshot (figure 1).
Rappel : la choriorétinopathie de birdshot présente les caractéristiques suivantes :
- une inflammation de segment antérieur de bas grade ;
- une inflammation modérée du vitré ;
- 3 (ou plus) lésions hypopigmentées péripapillaires au niveau de la choroïde inférieure ou nasale au nerf optique en présence d’une positivité HLA-A29 ;
- un œdème maculaire cystoïde en l’absence de lésion néoplasique ou infectieuse compatible avec ce tableau
Épithéliopathie en plaques
L’épithéliopathie en plaques (ou Acute Posterior Multifocal Placoid Pigment Epitheliopathy) est une choroïdopathie qui se manifeste par des taches blanches à l’examen du fond d’œil.
La FA retrouve une non-perfusion (hypofluorescence lors des temps précoces) et un pooling important de fluorescéine intra- et sous-rétinien.
L’ICG montre une hypofluorescence à distribution géographique des temps précoces à tardifs (figure 2). L’atteinte visible est plus large en ICG que cliniquement. L’hypothèse serait une atteinte transitoire de la choriocapillaire, entraînant une altération de l’épithélium pigmentaire rétinien secondaire.
Choroïdite multifocale et choroïdite ponctuée interne
L’angiographie à la fluorescéine montre des lésions actives hypofluorescentes aux temps précoces et hyperfluorescentes aux temps tardifs. Lorsque la maladie s’accompagne de cicatrices choriorétiniennes témoins de poussées précédentes, la FA montre un effet fenêtre. L’ICG retrouve des taches choroïdiennes hypofluorescentes (figure 3).
Syndrome des taches blanches évanescentes
Le syndrome des taches blanches évanescentes (ou MEWDS) est une atteinte primitive de l’épithélium pigmentaire rétinien réversible et non destructive. En ICG, les taches sont hypofluorescentes aux temps tardifs (figure 4).
Choroïdite serpigineuse
La FA montre de manière caractéristique une hypofluorescence autour de la lésion active, et une hyperfluorescence autour des lésions cicatricielles. En FA, les lésions actives sont hypofluorescentes aux temps précoces et hyperfluorescentes aux temps tardifs.
L’ICG montre des lésions plus étendues qu’en FA. Ces lésions restent hypofluorescentes des temps précoces aux temps tardifs (figure 5).
Maladie de Vogt-Koyanagi-Harada
L’ICG retrouve lors de la phase active de la maladie de Vogt-Koyanagi-Harada (VKH) une hyperfluorescence stromale choroïdienne précoce, accompagnée d’une fuite du produit de contraste des vaisseaux choroïdiens aux temps intermédiaires et des taches hypofluorescentes. Ces signes disparaissent après un traitement anti-inflammatoire systémique à forte dose.
Sarcoïdose oculaire
L’ICG permet de détecter certaines formes de sarcoïdose oculaire accompagnées de lésions choroïdiennes aux phases précoces et intermédiaires, souvent invisibles à l’examen du fond d’œil ou en FA (figure 6). Ces lésions sont isofluorescentes ou restent hypofluorescentes à la phase tardive.
Conclusion
La nature de la circulation choroïdienne et ses anomalies éventuelles sont mieux imagées par l’ICG. Cette imagerie est complémentaire de l’autofluorescence qui permet d’évaluer l’épithélium pigmentaire rétinien et de la FA qui visualise les structures superficielles vasculaires en identifiant leur perfusion, prolifération…
L’ICG permet une évaluation et donc une meilleure prise en charge de certaines formes d’uvéites postérieures avec atteinte multifocale de la rétine et de la choroïde appelées « syndrome des taches blanches » : syndrome des taches blanches évanescentes, épithéliopathie en plaques, VKH, choriorétinopathie de birdshot, choroïdite multifocale…
Pour en savoir plus
Herbort CP, Mantovani A, Bouchenaki N. Indocyanine green angiography in Vogt-Koyanagi-Harada disease: angiographic signs and utility in patient follow-up. Int Ophthalmol. 2007;27(2-3):173-82.
Mrejen S, Sarraf D, Chexal S et al. Choroidal involvement in acute posterior multifocal placoid pigment epitheliopathy. Ophthalmic Surg Lasers Imaging Retina. 2016;47(1):20-6.
Gaudric A, Mrejen S. Why the dots are black only in the late phase of the indocyanine green angiography in multiple evanescent white dot syndrome. Retin Cases Brief Rep. 2017;11 Suppl 1:S81-S85.
Wolfensberger TJ, Herbort CP. Indocyanine green angiographic features in ocular sarcoidosis. Ophthalmology. 1999;106(2):285-9.
Yannuzzi LA. Indocyanine green angiography: a perspective on use in the clinical setting. Am J Ophthalmol. 2011;151(5):745-51.
Herbort CP. Fluorescein and indocyanine green angiography for uveitis. Middle East Afr J Ophthalmol. 2009;16(4):168-87.