Les échos de la SFO/SFG 2022 Glaucome

Traitement médical du glaucome : nouveautés
Plusieurs nouvelles classes thérapeutiques sont en cours de développement clinique. Il est à noter que plusieurs d’entre elles agissent en remodelant le trabéculum et en le rendant plus perméable à l’humeur aqueuse, et proposent de ce fait un mécanisme d’action nouveau. Deux de ces classes ont été évaluées dans des essais cliniques de phase III (donneurs d’oxyde nitrique [NO] et inhibiteurs des rho-kinases), et sont commercialisées aux États-Unis et/ou au Japon. La classe des donneurs de NO semble particulièrement intéressante, ayant montré dans les études une aptitude à réduire la pression intraoculaire (PIO) supérieure à celle du latanoprost (analogues de prostaglandine), avec une tolérance comparable. Les inhibiteurs des rho-kinases permettent une baisse pressionnelle comparable à celle des bêtabloquants en monothérapie, ainsi qu’un effet additif en combinaison avec un analogue de prostaglandines. Un écueil potentiel de cette nouvelle classe est la fréquence de l’hyperhémie conjonctivale induite (50-60% des patients traités) et des microhémorragies conjonctivales (environ 10% des patients). Son utilisation se limitera probablement à des patients sélectionnés et qui tolèrent correctement cette nouvelle classe thérapeutique. Le développement de nouveaux agents mieux tolérés de cette classe est également annoncé par certains laboratoires pharmaceutiques.
De nouvelles voies d’administration ?
La voie topique, actuellement utilisée pour tous les traitements médicaux du glaucome, n’est pas sans inconvénients : elle est dépendante de l’observance du patient et de son aptitude à instiller les gouttes, et entraîne fréquemment sur la surface oculaire des effets secondaires qui, au long cours, peuvent altérer la qualité de vie. Plusieurs laboratoires ou équipes de recherche développent des implants intraoculaires permettant une délivrance prolongée de médicaments hypotonisants. Des essais cliniques ont été réalisés avec un implant intracamérulaire de bimatoprost. Une baisse pressionnelle rapide, proportionnelle à la dose et généralement durable était mise en évidence. À 6 mois, presque deux tiers des yeux injectés n’avaient pas nécessité de nouvelle injection pour contrôler la PIO et l’évolution du glaucome. Une faible portion des yeux traités présentait, 2 ans après l’injection, une diminution significative de la densité cellulaire endothéliale. Cet effet secondaire, potentiellement lié à des déplacements de l’implant avec des contacts répétés avec l’endothélium cornéen (possiblement en période nocturne), a amené à une restriction d’usage aux États-Unis, avec une seule injection possible pour un patient donné. De nouvelles évaluations sont en cours pour mieux préciser les conditions d’utilisation (choix des patients, suivi, nombre d’injections possibles) qui permettraient d’optimiser son utilisation.
De façon similaire, un implant composé d’un réservoir de travoprost et destiné à être implanté dans le trabéculum est en cours d’évaluation dans des études de phase III et devrait être disponible en France dans les années à venir. La tolérance semble être meilleure que celle d’une prostaglandine utilisée par voie topique, et sans réduction de la densité cellulaire endothéliale (implant fixé et immobile). Deux versions existent, avec des volumes du réservoir différents permettant possiblement un effet pendant plus de 12 mois après une seule injection (figure).
Traitements lasers du glaucome : quelles nouveautés ?
Trabéculoplastie sélective
Une grande étude clinique récente (étude LIGHT) a étendu les indications de la trabéculoplastie sélective en montrant, lors du traitement de première intention des patients atteints d’une hypertonie oculaire ou d’un GPAO, une efficacité comparable à celle du traitement médical, et lors d’un retraitement un effet significatif et durable dans le temps (contrôle pressionnel plus durable qu’après le premier traitement). De ce fait, lors de l’initiation d’un traitement chez un patient présentant un glaucome à angle ouvert, le choix entre un traitement médical et une trabéculoplastie laser peut être discuté systématiquement.
Laser diode micropulsé
Cette version modernisée des techniques de coagulation du corps ciliaire utilisant une source laser diode permet – du fait d’un mode de délivrance intermittent de l’énergie laser – un effet sur la PIO comparable, voire légèrement inférieur à celui des techniques anciennes mais avec une bien meilleure tolérance, et notamment un risque d’hypotonie majeure ou de phtyse du globe sensiblement nul. De ce fait, ce procédé peut être proposé en amont des techniques chirurgicales ou en alternative à celles-ci, chez des patients pour lesquels une chirurgie filtrante n’est pas souhaitable (risque de perte du point de fixation, altération de la surface oculaire, complications d’une chirurgie filtrante sur l’autre œil, situations complexes telles qu’une myopie forte, etc.).
Et les ultrasons ?
Une étude rapportant l’utilisation d’un dispositif modifié et offrant la possibilité de moduler la dose en fonction de la PIO et du type de glaucome a été présentée. Une baisse pressionnelle voisine de 35% avec des taux de succès de 75% à 1 an a été rapportée. Cette méthode peut être proposée en alternative à une cycloplastie au laser diode micropulsé.
Traitements chirurgicaux du glaucome : quelles nouveautés ?
Trois dispositifs de chirurgie micro-invasive du glaucome (MIGS) sont disponibles à ce jour sur le marché français. Leurs caractéristiques et indications ont été abordées lors du congrès de la SFO 2022.
Xen
Le drain Xen (laboratoires Allergan) est posé par voie ab interno et draine l’humeur aqueuse sous la conjonctive. Le geste chirurgical est aisé. Le taux de fibrose de la bulle est en revanche significatif, estimé de 25 à 35% dans l’année suivant l’implantation. La pose de ce drain doit donc être préférée lorsque la conjonctive est de bonne qualité, fine et non fibrosée ou hyperémiée. Le suivi postopératoire doit être régulier et attentif. Une corticothérapie prolongée (plusieurs mois) doit être envisagée de façon à limiter la prolifération des fibroblastes sous la conjonctive et le risque de fibrose de la bulle.
iStent
Le drain iStent (laboratoires Glaukos) est disponible depuis peu en France sous une forme modernisée, appelée iStent Inject et composée de 2 micro-implants métalliques implantés par voie interne dans le trabéculum, de façon à drainer l’humeur aqueuse de la chambre antérieure vers le canal de Schlemm. Ce drain bénéficie d’une cotation dédiée (acte CCAM) et est remboursé lorsqu’il est utilisé en combinaison avec une chirurgie de la cataracte. Il est souvent mis en œuvre dans le cas d’un glaucome débutant ou modéré chez un patient présentant une cataracte d’indication opératoire et permet un allégement ou un arrêt des collyres antiglaucomateux, avec souvent une amélioration consécutive de l’état de la surface oculaire et, en corolaire, une amélioration de la qualité de vie des patients.
MicroShunt Preserflo (laboratoires Santen)
Le drain Preserflo est posé par voie externe et draine l’humeur aqueuse de la chambre antérieure jusqu’aux espaces sous-conjonctivaux. Les résultats publiés montrent une efficacité importante et un taux de fibrose de la bulle de filtration moindre qu’avec les autres techniques micro-invasives (10 à 15% des yeux implantés à 1-2 ans). Il peut donc probablement être proposé en alternative aux chirurgies filtrantes conventionnelles sclérectomie et trabéculectomie. Il est utilisable en procédure isolée ou en combinaison avec une chirurgie de la cataracte. Les drains suprachoroïdiens en cours de développement ont été présentés, ils ont pour avantage de permettre une évacuation de l’humeur aqueuse en dehors de l’œil indépendamment de l’état de la conjonctive et du nombre de chirurgies filtrantes préalablement réalisées. Ils ne sont pas encore disponibles à ce jour en pratique courante en France.