L’épithéliopathie en plaques : une choroïdopathie
Un homme âgé de 23 ans, aux antécédents de migraine avec aura, se présente aux urgences pour une baisse d’acuité visuelle associée à des scotomes paracentraux prédominant à gauche.
Présentation
L’interrogatoire retrouve un syndrome grippal ayant précédé la symptomatologie ophtalmologique. L’acuité visuelle est chiffrée à 10/10 P2 à droite et à 5/10 P3 à gauche. Le segment antérieur est normal des 2 côtés, sans signe d’inflammation. Il n’existe pas de hyalite antérieure. L’examen du fond d’œil objective de multiples plaques de couleur jaunâtre polycycliques à droite comme à gauche (figure 1A).
L’examen en autofluorescence en lumière bleue met en évidence des lésions hypoautofluorescentes entourées d’un halo hyperautofluorescent (figure 1B).
L’EDI SD-OCT montre une altération de la ligne ellipsoïde et de la zone d’interdigitation sous la forme de granulations accompagnées de disruptions et d’hyperréflectivités remontant dans les couches externes de la rétine en regard des lésions retrouvées au fond d’œil. Il existe aussi des zones hyporéflectives dans la rétine externe ressemblant à des espaces d’œdème rétinien. La choroïde apparaît épaissie (figure 1C).
L’angiographie à la fluorescéine retrouve des taches hypofluorescentes aux temps précoces (figure 2A) devenant isofluorescentes sur les temps tardifs (figure 2B). Ces taches restent en revanche hypofluorescentes à tous les temps de l’angiographie au vert d’indocyanine (ICG) (figures 2C et D).
L’OCT-A permet de visualiser des zones de diminution du flux vasculaire au niveau de la couche (slab) choriocapillaire. Ces zones en hypodensité de flux semblent correspondre aux zones hypofluorescentes à l’ICG (figures 2E et F).
Un bilan biologique ainsi qu’un scanner thoracique sont réalisés. Ces examens se révèlent négatifs. Le diagnostic d’épithéliopathie en plaques (EPP) est retenu et un traitement par corticothérapie orale en décroissance est entrepris.
Évolution
Le patient est revu en consultation à 1, 2 puis 3 semaines de l’épisode initial. L’acuité visuelle se stabilise à 08/10 P2 à droite et à 3/10 P5 à gauche, après une baisse d’acuité visuelle bilatérale très importante suite à la consultation de diagnostic. Les rétinophotographies du fond d’œil objectivent une diminution modérée des taches jaunâtres à droite comme à gauche (figure 3).
Les zones de diminution du flux choriocapillaire visibles à l’OCT-A régressent au cours du suivi (figures 4A, B et C). L’évolution est favorable sous traitement oral puis le patient a été perdu de vu 1 mois après le début du traitement.
Discussion
L’EEP, appelée par les Anglo-Saxons « Acute Posterior Multifocal Placoid Pigment Epitheliopathy (APMPPE) » a initialement été décrite par John Donald Gass comme une atteinte première de l’épithélium pigmentaire. L’angiographie à l’ICG, avec la mise en évidence de lésions hypofluorescentes tout au long de la séquence, suggérait déjà une possible implication ischémique de la choriocapillaire dans la physiopathologie de la maladie. L’avènement de l’imagerie multimodale a contribué à mieux comprendre ces mécanismes. L’OCT-SD dans son mode EDI a montré qu’une pachychoroïde était associée aux lésions traditionnellement décrites dans la maladie. Une zone d’ombre dans la couche la plus interne de la choroïde, associée à une perte de visualisation des petits vaisseaux choroïdiens, a été décrite en regard des lésions de disruption de la ligne ellipsoïde et de la zone d’interdigitation [1].
Plus récemment, l’OCT-A a permis de mettre en évidence des zones de diminution de flux de la choriocapillaire, zones dont la taille diminue au cours du suivi d’un patient traité par corticothérapie orale.
Ces descriptions d’imagerie suggèrent fortement que l’épithélite observée dans l’EPP serait secondaire à une ischémie de la choriocapillaire [2]. La réalisation de clichés d’OCT-A répétés au cours du suivi d’une EPP pourrait permettre d’apprécier l’évolution de ces zones de diminution du flux choriocapillaire sans avoir recours à une angiographie à l’ICG.
Références bibliographiques
[1] Mrejen S, Sarraf D, Chexal S et al. Choroidal involvement in acute posterior multifocal placoid pigment epitheliopathy. Ophthalmic Surg Lasers Imaging Retina. 2016;47(1): 20-6.
[2] Heiferman MJ, Rahmani S, Jampol LM et al. Acute posterior multifocal placoid pigment epitheliopathy on optical coherence tomography angiography. Retina. 2017;37(11):2084-94.