Lecture SFO-SAFIR 2022 du Pr Gerd Auffarth

Lecture SFO-SAFIR 2022 du Pr Gerd Auffarth David Touboul CHU de Bordeaux Gerd Auffrath est professeur d’ophtalmologie à l’université d’Heidelberg, en Allemagne. Il est en pointe sur les technologies utilisées pour les implants intraoculaires mais aussi dans d’autres domaines d’excellence chirurgicale. Il dirige en particulier un laboratoire d’expertise indépendant de la qualité optique des implants.
La SAFIR et la SFO l’ont invité, lors du congrès annuel 2022, à présenter une lecture exceptionnelle portant sur le présent et l’avenir des implants pour la chirurgie de la cataracte. Nous le remercions encore vivement d’avoir accepté.
Panorama des implants intraoculaires disponibles pour la chirurgie de la cataracte
Le Pr Gerd Auffarth a commencé par répertorier les différents principes optiques disponibles sur le marché. Il faut distinguer (figure) :
- les implants monofocaux asphériques, éventuellement toriques ;
- les implants diffractifs fonctionnant avec gravure d’un motif de diffraction, bi- ou trifocaux par nature ;
- les implants réfractifs concentriques ou zonaux, fonctionnant grâce à la variation de courbure des surfaces réfractives ;
- les implant hybrides associant les 2 précédents concepts ;
- les implants EDOF, ayant pour principe d’allonger la profondeur de champ sans trop augmenter la largeur de la tache focale. Le mécanisme peut être l’hyperasphéricité, l’effet sténopéisant ou le « Wavefront Shaping ».
Neuroadaptation
C’est un concept assez récent, qui permet d’espérer un certain niveau de tolérance pour l’adaptation du cerveau aux design d’implants pseudo-accommodatifs disponibles. La neuroadaptation implique des processus complexes mal connus qui commencent à être explorés grâce à l’IRM fonctionnelle. L’équipe portugaise de Rosa et al. a démontré qu’il fallait environ 1 à 6 mois pour atténuer cérébralement le signal relié aux troubles photiques après l’implantation de multifocaux diffractifs.
Innovations récentes
Certaines innovations ont été soulignées, tel l’implant FineVision Triumf (Physiol), hybride entre EDOF et multifocal qui ambitionne de perfectionner la vision intermédiaire. L’implant Synergy (J&J), diffractif trifocal, dispose d’une originalité en diminuant les troubles photiques par adjonction d’un filtre aux ultraviolets (technologie ChromAlign).
Des implants monofocaux dits « Plus » sont censés apporter un supplément de profondeur de champ et une meilleure tolérance à l’erreur réfractive résiduelle : le Tecnis Eyhance (J&J), l’Isopure (Physiol), le RayOne (Rayner), le LuxSmart (B&L), l’xact (Santen) ont été cités pour exemples.
Les nouveaux EDOF, comme le Vivity (Alcon) qui permet une distorsion du front d’onde centrale améliorant la vision intermédiaire et pouvant amplifier la qualité de la monovision, ont été discutés. L’implant Mini Well, ou Well Fusion (SIFI), illustre bien le développement des implants EDOF hyperasphériques.
Les concepts d’implantation asymétrique pour sommation binoculaire, ou implants trifocaux binoculaires, ont été détaillés. Le couple binoculaire peut associer 2 EDOF en monovision, 1 EDOF et 1 bifocal diffractif, 2 bifocaux différents fonctionnant en mode « Blended Vision ». L’Artis Symbiose (Cristalens) est d’emblée dévoué à cette trifocalité binoculaire avec un implant MID sur l’œil dominant et un implant PLUS sur l’œil dominé. Il bénéficie aussi de la gestion d’inversion de phase, maintenant une phase positive pour moins de troubles photique et plus de contraste.
La multifocalité réversible est intéressante pour les patients à risque d’intolérance, à court ou à long terme. Ces implants « réversibles » sont implantables dans le sulcus en simultané ou en séquentiel de l’implant monofocal implanté dans le sac. L’erreur réfractive résiduelle et la multifocalité peuvent ainsi être gérées en 2 temps si nécessaire. L’explantation est relativement facile. Le trifocal Sulcoflex (Rayner) est cité en exemple.
Perspectives pour l’avenir
Les biomatériaux disponibles sont bien connus : les acryliques hydrophiles qui souffrent parfois d’opacifications par accumulation de cristaux phosphocalciques, les acryliques hydrophobes qui ont souffert de micro-vacuolisations ou « Glistening », les implants en silicone qui peuvent être pro-inflammatoires et incompatibles avec les tamponnements utilisés dans la chirurgie du décollement de rétine, les implants en PMMA qui présentent parfois des opacifications de type « Snowflake », bien connues. Un nouveau matériau pour les implants, de type polyisobutylène photoréticulé (PIB), pourrait, dans un proche avenir, apporter une avancée en termes de transparence, durabilité, élasticité et chromatisme.
Les implants ajustables sont toujours une piste en développement. Ceux par polymérisation postopératoire aux UV (LAL) existent mais ne parviennent pas à atteindre le niveau nécessaire de praticité. Le concept LicriEye (Merck) est similaire mais utilise la photoactivation à 2 photons. Le concept de « In Situ Refractive Lens Laser Reshaping », qui ambitionne d’imprimer au laser femtoseconde la gravure d’un profil de diffraction en postopératoire, reste en panne de prédictibilité et servirait plutôt à la production d’implants diffractifs. Des solutions magnétiques ou à cristaux liquides sont en cours d’élaboration également.
Les implants accommodatifs font encore couler les brevets à flot. Le « Lens Reffiling », les implants flexibles, les objets optoélectroniques sont autant de concepts futuristes se heurtant essentiellement à la miniaturisation et à la problématique de la fibrose capsulaire.
Conclusion
Le champ d’innovation pour les implants intraoculaires n’a jamais été plus florissant. De nouveaux biomatériaux pourraient diffuser prochainement, la mutation des monofocaux en mode « Plus » devrait se généraliser, la lutte contre les effets photiques continue et les stratégies binoculaires se diversifient en parallèle d’une meilleure connaissance de la neuroadaptation sensorielle. Les implants ajustables et accommodatifs restent dans le domaine conceptuel pour l’instant.