Lecture invité international SAFIR 2023

Le Pr Jesper Hjortdal, invité international SFO-SAFIR 2023 et éminent spécialiste des pathologies cornéennes, est venu du Danemark pour donner une passionnante lecture sur la gestion de la dystrophie de Fuchs au moment de la cataracte.
Le Pr Hjortdal a commencé par rappeler la définition de la dystrophie de Fuchs, décrite initialement en 1910 comme une dystrophie héréditaire progressive bilatérale induisant une cornea guttata et, ultérieurement, une kératopathie bulleuse (figure 1).
Négliger le diagnostic au moment de la chirurgie de la cataracte peut aboutir à une mauvaise visibilité peropératoire, une décompensation endothéliale postopératoire et une insatisfaction des patients.
L’incidence exacte de la dystrophie de Fuchs n’est pas bien connue mais semble assez importante. Selon les études, la présence de gouttes sur l’endothélium concerne entre 5 et 10% des patients de plus de 55 ans. La prévalence de la dysfonction endothéliale associée, définissant la dystrophie de Fuchs, serait de l’ordre de 0,7%. Le sexe féminin, le surpoids et le tabac sont des facteurs de risque reconnus.
Plusieurs classifications de sévérité existent, qui reposent sur le comptage des cellules endothéliales par microscopie spéculaire, mais ce comptage perd de sa reproductibilité et de sa pertinence pour les stades les plus avancés. La pachymétrie cornéenne est un examen crucial pour définir la fonction endothéliale, en particulier l’analyse du gradient d’épaississement du centre à la périphérie, qui diminue rapidement dans le cas d’une décompensation œdémateuse.
Au moment de la chirurgie de la cataracte, il y a des indices cliniques en faveur d’une chirurgie combinée avec une greffe endothéliale. L’épaississement de la cornée de plus de 640 microns (faible sensibilité) est un seuil statistiquement reconnu. L’augmentation de la densité des gouttes, le brouillard matinal sont des marqueurs bien connus, mais parfois insuffisants pour prédire le risque d’œdème postopératoire non résolutif. La diffusion optique (pic de réflectivité) dans la cornée est mesurable en microscopie confocale et en topographie Scheimpflug, ce qui semble aussi être un bon indicateur, mais elle reste peu accessible en routine.
Les avantages et les inconvénients des 2 options chirurgicales ont été évoqués (figure 2). Plus récemment, les recommandations se sont simplifiées, considérant 3 états distincts : œdème clinique, œdème topographique, sans œdème détectable. Seule la troisième situation permet de réaliser la cataracte seule, sans craindre de précipiter une greffe endothéliale. Dans tous les cas, le patient doit être bien informé en préopératoire et certains implants, en particulier premiums, doivent parfois être évités. Le calcul des implants est considérablement plus difficile à évaluer devant une cornée dystrophique. En particulier, une hypermétropisation postgreffe est classiquement retrouvée. C’est essentiellement la face postérieure qui est modifiée, elle devient plus courbe après déturgescence et est donc plus divergeante, d’une puissance moyenne de 0,5 à 0,70 D pour les DMEK, et de 1 à 1,50 D pour les DSAEK. Si la cataracte seule est réalisée, il est souhaitable d’attendre 3 mois avant de toucher le second œil pour ne pas prendre le risque de décompenser 2 yeux en même temps. Un œdème seulement transitoire est souvent observé dans les cas favorables. Enfin, les études récentes démontrent une tendance à une plus forte perte de cellules des greffons de DMEK lors des chirurgies combinées vs séquentielles, ce qui peut raccourcir la durée moyenne de ces greffes, qui dépasse déjà rarement la décennie.
En conclusion, le Pr Jesper Hjortdal a mentionné qu’il restait à organiser des études de plus grande ampleur, randomisées et prospectives, afin d’identifier plus spécifiquement les paramètres prédictifs capables d’orienter le choix du moment chirurgical et de la séquence opératoire la plus sûre pour les patients atteints d’une dystrophie de Fuchs.