Lasik : le leader

Le Lasik (laser in situ keratomileusis) est de loin la procédure de chirurgie réfractive la plus répandue dans le monde. Précis et efficace, il permet une récupération rapide et présente très peu de complications postopératoires, répondant ainsi parfaitement aux attentes des patients. Les alternatives disponibles ne suffisent pas à freiner sa popularité qui sera encore dynamisée par les perspectives d’amélioration attendues.

Situation

Le Lasik combine la réalisation d’un volet lamellaire superficiel à la photoablation tissulaire par laser Excimer sous le volet. On estime à plus de 40 millions (dont 25% aux États-Unis) le nombre de patients opérés dans le monde depuis son lancement il y a presque 25 ans (dépôt du brevet Peyman en 1989, approuvé par la Food and Drug Administration en 1998). Son statut est devenu international depuis plus de 10 ans. Actuellement, plus de 700 000 procédures sont réalisées chaque année aux États-Unis. C’est environ la moitié de ce qui prévalait avant la crise financière de 2008 mais la courbe est à nouveau ascendante après son plus bas niveau enregistré en 2015. Le marché du Lasik est estimé à plus de 4 milliards de dollars en 2027, avec un taux de croissance annualisé d’au moins 5%. Six plateformes concentrent l’essentiel de l’offre commerciale. Le tarif d’un femto-Lasik se situe à environ 2 200 dollars par œil aux États-Unis, il varie en fonction du pouvoir d’achat dans les différents pays. La pandémie Covid semble avoir un impact plutôt positif sur le marché du Lasik, sans que les raisons de ce constat soient très claires. 

Sécurité et efficacité

Lorsque les règles de prescription, d’exécution et de surveillance sont bien respectées, la sécurité et l’efficacité du Lasik sont excellentes. Introduit au début des années 2000, le laser femtoseconde a progressivement supplanté le microkératome mécanique pour la réalisation du volet. Ce que souhaite le patient demandeur de chirurgie réfractive est avant tout une procédure de récupération rapide, efficace, abordable et faisant l’objet d’un faible taux de complications, le plus souvent validée par un bouche-à-oreille favorable. C’est évidemment le cas du Lasik, dont la récupération se compte en quelques heures, le taux de complication reste très inférieur à 1% et celui de satisfaction dans les études dépasse régulièrement les 95%. De nombreuses méta-analyses font état de sa précision et de sa sécurité. Pour illustrer les progrès du Lasik, on peut citer l’optimisation de la découpe du volet au laser femtoseconde, avec son profil angulé limitant grandement le risque d’invasion épithéliale qui était préalablement redouté (figure 1).

Populations éligibles

Les patients potentiellement éligibles à une chirurgie réfractive laser sont actuellement représentés par les milléniaux, ou génération Y (nés avec Internet), centrés sur la tranche d’âge 25-35 ans. Bien que moins fortunés que les générations précédentes, ils ont souvent moins de charges familiales et le retour sur investissement d’un Lasik reste pour eux favorable. En moyenne, calculé sur 10 années, l’investissement d’un Lasik est 2 fois plus important que pour des lunettes, mais 2 fois moins que pour des lentilles. Ainsi, sa rentabilité sera mieux amortie pour les milléniaux que pour les autres puisque la presbytie est encore loin et que le bénéfice du Lasik peut durer près de deux décennies. La génération X des 35-55 ans et celle des baby-boomers (55-70 ans) sont également de plus en plus intéressées par la prise en charge de la presbytie, ce qui soutient la croissance du Lasik puisque PKR et Smile ne l’adressent pas encore. Ces 2 dernières générations, en fonction de leur propre expérience, seront à même de pousser leurs enfants ou petits-enfants, la génération Z (née après 2000), qui arriveront progressivement sur le marché de la chirurgie réfractive des 20 prochaines années avec une plus forte incidence de myopie dans le contexte d’une offre technologique très fortement aboutie. Enfin, le marché du Prelex pourrait être compétitif mais cette technique reste réservée aux plus de 55 ans. Le Prelex semble toujours plus invasif aux yeux des patients qui viennent essentiellement consulter pour un geste laser dont la popularité n’a jamais cessé de croître au cours des 3 dernières décennies. Les implants phakes ont une part de marché croissante pour les fortes amétropies mais leur caractère intraoculaire et additif réduit spontanément l’enthousiasme des chirurgiens et des patients. 

Alternatives

Dans la dernière décennie, le Smile et la PKR, par ailleurs détaillés dans ce dossier, ont régulièrement tenté de gagner du terrain sur les indications du Lasik. D’un point de vue économique et pratique, la tentation est forte de se passer soit du laser Excimer (Smile), soit du laser femtoseconde (PKR). Cependant, force est de constater que la complexité du couplage des 2 technologies ne représente pas un réel frein à l’essor du Lasik. Si le Smile peut paraître plus économique et moins invasif, il ne permet toujours pas de se passer du laser Excimer pour toutes les situations. Et la PKR, bien qu’à présent transépithéliale, ne met pas à l’abri d’une suractivation fibroblastique non prédictible pour certains patients. Les cas d’ectasie post-Lasik sont devenus exceptionnels et ont démontré leur existence post-PKR et post-Smile également. La qualité du screening préopératoire, l’éducation à l’encontre des frottements oculaires et la qualité du suivi postopératoire suffisent à s’assurer d’une disparition quasi totale de l’ectasie cornéenne iatrogène. Les subtilités sur l’amélioration de la sécurité, argumentées par les alternatives (respect de la surface oculaire, de la biomécanique par exemple), ne sont, pour l’instant, pas assez représentatifs d’un tournant technologique pour freiner la grande popularité du Lasik. À titre d’illustration, la figure 2 montre la grande stabilité de la cartographie postérieure après femto-Lasik démyopisant. Le Tableau I résume les points forts et les points faibles du Lasik en 2021.

Perspectives d’amélioration

Elles reposent sur la levée des freins à la prescription de la chirurgie réfractive cornéenne. Une meilleure approche de la surface oculaire et sa préparation en préopératoire entrent de plus en plus dans les habitudes des chirurgiens. Le bilan opératoire devra être à même de mieux écarter les faux positifs et les faux négatifs des patients suspects de kératocône, ce qui élargira vraisemblablement le spectre d’éligibilité pour la chirurgie car les faux positifs sont probablement les plus nombreux. L’augmentation de la prévalence de l’œil sec est ici un des plus grands pourvoyeurs d’incertitudes. La démocratisation de l’analyse du mapping épithélial OCT est attendue sur ce point. La précision des procédures transépithéliales sera ainsi probablement améliorée si le couplage laser avec les cartes épithéliales est possible. Un meilleur centrage des lasers avec le jeu pupillaire individuel des patients permettra également d’optimiser les procédures pour les hypermétropies et pour la compensation de la presbytie. L’amélioration de la qualité des calculs d’implants sur une cornée remaniée par le laser sera nécessaire pour garantir à nos patients la possibilité d’un réel continuum d’efficacité réfractive au-delà de la chirurgie laser que devra assurer, en son temps, la chirurgie implantatoire. L’essor actuel du ray-tracing oculaire devrait jouer un rôle important à l’avenir. Enfin, il est probable que les plateformes femto-Lasik actuelles élargissent leurs options thérapeutiques avec la possibilité de procédures lenticulaires, ce qui est technologiquement tout à fait accessible et logique dans la perspective de nouvelles procédures lenticulaires additives. La miniaturisation des plateformes laser pour une plus grande compacité et une plus grande mobilité est également prévisible.

Conclusion

Le Lasik est devenu en 20 ans une des procédures chirurgicales ophtalmologiques les plus abouties. Bien que les sirènes de l’innovation prédisent son déclin au profit du Smile ou de la PKR, il reste pour l’instant le choix le plus populaire et le plus versatile.

Pour en savoir plus
Kamiya K, Igarashi A, Hayashi K et al. A multicentre retrospective survey of refractive surgery in 78,248 eyes. J Refract Surg. 2017;33(9): 598-602.
Zhang Y, Shen Q, Jia Y et al. Clinical outcomes of Smile and SF-Lasik used to treat myopia: a meta analysis. J refract Surg. 2016;32(4):256-65.
Ting DS, Srinivasan S, Danjoux J-P. Epithelial ingroth following laser in situ keratomileusis (Lasik): prevalence, risk factors, management and visual outcomes. BMJ Open Ophthalmol. 2018;3(1):e000133.
Kamburoglu G, Ertan A. Epithelial ingrowth after femtosecond laser-assisted in situ keratomileusis. Cornea. 2008;(10):1122-5.
Davison JA, Johnson SC. Intraoperative complications of Lasik flaps using IntraLase femtosecond laser in 3009 cases. J Refract Surg. 2010;26(11)851-7.

Auteurs

  • David Touboul

    Ophtalmologiste

    Centre national de référence pour le kératocône, CHU de Bordeaux, hôpital Pellegrin, Bordeaux

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