Lasers micropulsés et chirurgies micro-invasives
L’émergence de nouvelles chirurgies du glaucome refonde les algorithmes de prise en charge de cette maladie. L’an dernier, près de 2 300 procédures de MIGS ab interno ont été enregistrées par l’Assurance maladie, soit à peu près autant que de sclérectomies profondes non perforantes (2 500 actes). Quelle place occupent-elles dans notre stratégie thérapeutique ?
Les chirurgies faiblement invasives du glaucome, dites MIGS (Minimally Invasive Glaucoma Surgery), sont des alternatives thérapeutiques chirurgicales visant à simplifier et à raccourcir un geste opératoire dont la courbe d’apprentissage est longue, et à en limiter les risques. Leur classification se scinde en 4 grands groupes :
- les chirurgies de pontage trabéculaire (dites aussi chirurgies canaliculaires), dont la réalisation peut s’effectuer ab interno (c’est-à-dire par voie intracamérulaire après incision cornéenne), sous contrôle gonioscopique direct. Leur but est de réduire la résistance trabéculaire à l’évacuation de l’humeur aqueuse par un mécanisme de pontage. Il existe également des procédures ab externo, c’est-à-dire réalisées après ouverture conjonctivale et abord externe, qui visent à étirer mécaniquement le canal de Schlemm et donc à dilater le maillage trabéculaire : ce sont les canaloplasties et viscocanaloplasties ;
- les chirurgies filtrantes conjonctivales, qui tendent à reproduire la trabéculectomie en en réduisant le temps opératoire, les variations inter-opérateur et le taux de complications. Ces procédures peuvent être réalisées ab interno avec le Xen® (Allergan) ou ab externo avec le Preserflow® (Santen), qui sont tous 2 des tubes de très faible diamètre mettant en communication la chambre antérieure et l’espace sous-conjonctivo-ténonien ;
- les chirurgies suprachoroïdiennes : réalisées exclusivement par voie ab interno, elles utilisent des dispositifs implantables qui relient l’espace supraciliaire et suprachoroïdien avec la chambre antérieure au moyen d’un drain. L’Istent supra® (Glaukos) et le Miniject® (iStar Medical) sont en cours de développement. Encore balbutiante, cette voie chirurgicale suscite un grand espoir car elle renonce à la voie conjonctivale, source des échecs et des complications de la chirurgie classique. Cependant, le pouvoir fibrogène de l’espace suprachoroïdien est mal connu et sera peut-être une cause d’échec de cette nouvelle approche thérapeutique ;
- les cyclo-affaiblissements : ils visent à détruire partiellement l’épithélium ciliaire afin de réduire la production d’humeur aqueuse. L’effet sur la pression intraoculaire (PIO) serait également lié à une augmentation de l’évacuation uvéosclérale de l’humeur aqueuse par élargissement des espaces extracellulaires entre la sclère et le corps ciliaire. Le laser diode classique, c’est-à-dire continu, présente de nombreuses complications : uvéites, perte de vision, cataracte, hypotonie, phtyse, etc. Trois techniques de cyclo-affaiblissements ont vu secondairement le jour dans le but de réduire le taux de ces complications : la cyclo-coagulation ciliaire par ultrasons (UC3), également appelée High-Intensity Focused Ultrasound (HIFU) (EyeOP1®, EyeTechCare), le laser diode micropulsé (Cyclo G6® d’Iridex, et Subcyclo® de Quantel), dont le principe est d’émettre un laser diode de 810 nm de longueur d’onde de façon discontinue. Cette période de relaxation entre les cycles de laser permet de limiter l’échauffement tissulaire collatéral, en partie source des effets indésirables. Enfin, l’endocyclo-photocoagulation (ECP) (Endo Optiks® Laser Endoscopy, BVI) est un procédé de cyclo-affaiblissement réalisé à l’aide d’un laser diode de 810 nm, sous contrôle direct grâce à une sonde laser de 20 gauges introduite en chambre antérieure et à un endoscope Xenon. Par opposition aux techniques transclérales classiques, ce procédé permettrait d’optimiser les résultats pressionnels postopératoires en offrant un meilleur ciblage tissulaire.
Dispositifs disponibles en France
Istent Inject® (Glaukos)
Ce microstent de pontage trabéculaire de 360 µm de longueur et de 230 µm de largeur est en titane non ferreux, compatible à l’IRM et revêtu d’héparine. Son diamètre interne mesure 80 µm et son extrémité distale est percée de 4 orifices de 50 µm (figure 1). Une version plus moderne, l’Istent Inject W®, présente une collerette de diamètre supérieur (360 µm). Ces dispositifs sont présentés dans un injecteur de 23 gauges qui contient 2 stents.
Ces implants sans bulle de filtration ont fait l’objet d’études contrôlées randomisées. À ce jour, ils sont les seuls à pouvoir prétendre au terme de MIGS selon les cinquièmes recommandations de la Société européenne du glaucome.
L’étude de Samuelson a comparé la chirurgie de la cataracte seule à une procédure combinée phaco + Istent Inject®. Il apparaît qu’à 2 ans, 61,9 vs 75,8% des patients présentaient un abaissement pressionnel supérieur ou égal à 20% (pression intraoculaire [PIO] sans traitement, P = 0,005), et que l’abaissement pressionnel était supérieur dans le groupe chirurgie combinée avec 7,0 ± 4,0 mmHg vs 5,4 ± 3,7 mmHg de gain pressionnel (PIO sans traitement, P < 0,001). Dans cette même étude, aucun effet indésirable grave n’était constaté [1].
Xen® (Allergan)
Une injection sous-conjonctivale peropératoire de MMC permet de réduire le risque de fibrose conjonctivale postopératoire. À ce jour, aucune étude contrôlée et randomisée n’a été publiée concernant l’efficacité de ce dispositif. Dans une revue de littérature récente ayant inclus 958 yeux de 777 patients, on notait une réduction pressionnelle à 1 an de 25 à 56% (moyenne : 42%), soit des chiffres avoisinant ceux d’une chirurgie filtrante classique [2]. Dans cette même étude, les effets indésirables étaient rares et souvent bénins : hypotonie transitoire précoce (3%), soulèvement choroïdien (1,5%), hyphéma (1,9%), Seidel de la bulle de filtration (1,1%), athalamie (1,1%). Les complications sévères étaient rares, avec 0,4% de glaucome malin. En revanche, le taux de needlings était élevé, de l’ordre de 32%, et près de 6% des patients nécessitaient une seconde chirurgie. Il n’a pas été démontré de différence d’efficacité significative entre les 2 diamètres (Xen 45® et Xen 63®) [3]. Enfin, à l’instar de la trabéculectomie, le pronostic des procédures combinées à une chirurgie de la cataracte serait moindre que celui d’une procédure stand alone [4].
Preserflow® (Santen)
Ce tube de 8,5 mm de longueur et 70 microns de diamètre interne est fait de SIBS, un élastomère thermoplastique de synthèse largement utilisé dans le domaine médical et notamment pour les stents coronaires, et connu pour son excellent profil de biocompatibilité (figure 3). Il s’apparente au Xen® mais son insertion se fait après ouverture conjonctivale (ab externo).
L’utilisation de MMC se fait par tamponnement dans le but de favoriser l’apparition d’une bulle postérieure avec des concentrations plus fortes, de l’ordre de 0,4 à 0,5 mg/mL (vs 0,2 pour la trabéculectomie). De même que pour le Xen®, nous ne disposons d’aucune étude randomisée quant à l’utilisation de ce dispositif. Une revue de littérature récente fait état d’un abaissement pressionnel également proche de celui des procédures conventionnelles : 23,8 ± 5,3 mmHg (PIO préopératoire), atteignant 10,7 ± 2,8 mmHg à 1 an, 11,9 ± 3,7 mmHg à 2 ans, et 10,7 ± 3,5 mmHg à 3 ans, avec une réduction significative du nombre de traitements hypotonisants (2,4 ± 0,9 initialement vs 0,3 ± 0,8, 0,4 ± 1,0 et 0,7 ± 1,1 respectivement à 1, 2 et 3 ans) [5].
Dans cette même étude, les complications les plus communes étaient bénignes, avec 13% d’hypotonies précoces et d’athalamies résolutives à 3 semaines, 9% d’hyphémas et de soulèvements choroïdiens. À 3 ans, il n’était constaté aucun cas d’érosion conjonctivale, d’extrusion de matériel, d’infection ni de décompensation cornéenne.
EyeOP1® (EyeTechCare)
Cette technique ne sera pas détaillée dans ce chapitre.
Cyclo G6® (Iridex) et Subcyclo® (Quantel)
Le principe de ces lasers fractionnés est de réduire le taux de complications grâce à un moindre échauffement tissulaire au cours de la procédure : sur une période de 1,6 ms, 0,5 ms seulement sont allouées au laser, soit une période de relaxation de 70% du temps de traitement. Les paramètres sont automatiques : 2000 mW, 160 secondes de traitement. Les résultats de ce traitement semblent similaires à ceux du laser diode conventionnel en termes d’abaissement pressionnel (45% à 18 mois) avec une réduction significative du taux d’effets indésirables [6]. On rapporte en revanche 37% de retraitements à 1 an [7].
Quelle technique pour quel patient ?
Actuellement, les indications de MIGS sont limitées en France en raison de l’absence de cadre légal pour la plupart de ces gestes. En effet, seules les procédures de cyclo-affaiblissements et les MIGS ab interno en procédure combinée exclusivement sont associées à une codification CCAM (BENA002 et BFGA368).
Retenons que ces MIGS canaliculaires (ab interno) s’intéressent à des glaucomes à angle ouvert débutants à modérés, non ou faiblement évolutifs. Elles peuvent permettre d’alléger un traitement local trop important et/ou mal toléré. Elles ne doivent pas retarder une éventuelle chirurgie filtrante pour les progresseurs rapides.
À l’inverse, les MIGS conjonctivales (Xen®, Preserflow®), dont l’efficacité est supérieure, s’adressent à des glaucomes à angle ouvert débutants à modérés qui progressent significativement. La chirurgie classique devra être privilégiée lorsque le risque de handicap visuel est élevé (glaucomes avancés, progresseurs rapides).
Les procédures de cyclo-affaiblissements restent encore à ce jour l’apanage des glaucomes réfractaires.
Que retenir ?
• Les MIGS permettraient de réduire le temps opératoire et le taux de complications de la chirurgie du glaucome.
• Les MIGS de pontage trabéculaire telles que l’Istent® sont indiquées dans le cas d’un GPAO débutant à modéré faiblement évolutif, afin de réduire un traitement local ou de ralentir un faible taux de progression.
• Les MIGS conjonctivales (Xen®, Preserflow®) sont indiquées dans le cas d’un GPAO débutant à modéré échappant au traitement médical et physique.
• Les cyclo-affaiblissements sont indiqués pour les glaucomes réfractaires ou lorsque l’acuité visuelle est effondrée.
• Lorsque le risque d’apparition d’un handicap est fort, la chirurgie conventionnelle reste la technique indiquée.
Références bibliographiques
[1] Samuelson TW, Sarkisian Jr SR, Lubeck DM et al. Prospective, randomized, controlled pivotal trial of an ab interno implanted trabecular micro-bypass in primary open-angle glaucoma and cataract: Two-year results. Ophthalmology. 2019;126(6):811-21.
[2] Buffault J, Baudouin C, Labbé A. XEN ® gel stent for management of chronic open angle glaucoma: A review of the literature. J Fr Ophtalmol. 2019;42(4):391-403.
[3] Fernández-García A, Zhou Y, García-Alonso M et al. Comparing medium-term clinical outcomes following XEN® 45 and XEN® 63 Device Implantation. J Ophthalmol. 2020;2020:4796548.
[4] Sheng YL, Betzler BK, Yip LW et al. Standalone XEN45 gel stent implantation versus combined XEN45-phacoemulsification in the treatment of open angle glaucoma-a systematic review and meta-analysis. Graefes Arch Clin Exp Ophthalmol. 2021;259(11):3209-19.
[5] Sadruddin O, Pinchuk L, Angeles R, Palmberg P. Ab externo implantation of the microshunt, a poly(styrene-block-isobutylene-block-styrene) surgical device for the treatment of primary open-angle glaucoma: a review. Eye Vis (Lond). 2019;6:36.
[6] Aquino MC, Barton K, Tan AM et al. Micropulse versus continuous wave transscleral diode cyclophotocoagulation in refractory glaucoma: a randomized exploratory study. Clin Exp Ophthalmol. 2015;43(1):40-6.
[7] Maestri F, Legrand M, Da Cunha E et al. Micropulsed diode laser transscleral cyclophotocoagulation: An effective technique whose role remains to be defined. J Fr Ophtalmol. 2021;44(3):350-7.
[8] Pinchuk L, Riss I, Batlle JF et al. The use of poly(styrene-block-isobutylene-block-styrene) as a microshunt to treat glaucoma. Regen Biomater. 2016;3:137-42.