Rapport SFO 2020. La neuro-ophtalmologie à l’honneur !
Ce congrès de la Société française d’ophtalmologie (SFO) a été marqué par des communications passionnantes concernant la neuro-ophtalmologie. En effet, le millésime 2020 du rapport de la SFO y est consacré, dans la lignée des précédents rapports dont celui de 2004 coordonné par le Pr Safran. Sa version papier et le format PDF seront disponibles en mai 2021. Le rapport a été présenté par le Dr Catherine Vignal-Clermont et le Dr Cédric Lamirel.
Qu’est-ce que la neuro-ophtalmologie ?
La neuro-ophtalmologie s’intéresse aux pathologies neurologiques avec une atteinte visuelle parfois révélatrice. Elle place l’ophtalmologiste en première ligne dans le diagnostic d’une affection causale qu’il connaît parfois mal. Il s’agit d’une discipline frontière commune à plusieurs spécialités (radiologie, neurologie, neurochirurgie…).
Si cette discipline effraie parfois, les orateurs de cette session ont eu à cœur de rendre les présentations claires et très didactiques. Il s’agissait d’une belle invitation à parcourir les pages du rapport.
Le rapport proposé débutera par 39 fiches pratiques incluant les différents éléments d’examens permettant d’aboutir au diagnostic. Il est enrichi par une application interactive qui peut dès maintenant être téléchargée sur Smartphone et qui a été présentée par le Dr Lamirel lors de cette session.
Les points incontournables
Au cours de cette présentation du rapport, le Dr Françoise Héran a souligné les points essentiels à connaître en neuroradiologie : « Ce que vous devez savoir en neuroradiologie ! »
En effet, l’imagerie, souvent indispensable en neuro-ophtalmologie, doit parfois être réalisée en urgence et repose essentiellement sur l’IRM. Or, la rentabilité diagnostique dépend à la fois de l’ophtalmologiste et du radiologue.
La demande d’examen doit être rédigée de façon claire et conditionne la qualité diagnostique de l’examen : les séquences réalisées sont adaptées selon la suspicion diagnostique.
Si les résultats de l’examen ne concordent pas avec la clinique, il ne faut pas hésiter à faire relire les images, voire refaire des séquences.
Les points à vérifier sont :
- la présence de coupes fines sur les voies optiques dans le cas d’une baisse d’acuité visuelle (AV) ;
- la présence de coupes fines sur les sinus caverneux et sur les orbites dans le cas d’une diplopie ;
- des séquences avec suppression de graisse (FATSAT ou Dixon) en T1 injecté orbite et base du crâne si recherche d’inflammation orbitaire.
L’injection de gadolinium n’est pas obligatoire et son utilité doit être décidée par le radiologue.
La baisse d’AV inexpliquée est une urgence relative d’imagerie car il peut s’agir d’une compression : il faut donc réaliser d’emblée une IRM centrée sur les voies visuelles antérieures qui permettra de diagnostiquer une éventuelle lésion compressive.
Pièges de l’œdème papillaire
Le Pr Valérie Touitou a ensuite décrit les pièges dans la prise en charge d’un œdème papillaire. Il faut ainsi éliminer les causes de faux œdèmes papillaires, comme les drusen ou les Peripapillary hyperreflective ovoid mass-like structures (PHOMS). La majorité des faux œdèmes papillaires est en rapport avec des drusen qui sont présents chez 0,3 à 2,4% des patients.
La recherche de drusen papillaires est habituelle s’il existe un doute sur un œdème papillaire ou une suspicion de pseudo-œdème papillaire, mais elle doit aussi être envisagée dans le cas d’une neuropathie optique ischémique antérieure aiguë non artéritique (NOIAN), notamment chez les sujets jeunes : Fraser et al. ont ainsi montré dans une série publiée récemment que plus de 50% des patients jeunes (18-50 ans) pris en charge pour une NOIAN avaient des drusen papillaires (figure 1) [1]. Les PHOMS sont parfois confondus avec des drusen et peuvent aussi être associés à des œdèmes papillaires anciens ou vieillis.
Il est parfois difficile de reconnaître l’œdème papillaire quand les nerfs optiques sont atrophiques ou quand l’œdème est asymétrique.
Le diagnostic étiologique d’un œdème papillaire reste parfois un challenge. La démarche doit être systématique : il faut rechercher une cause infectieuse, inflammatoire ou ischémique… et ne pas méconnaître les urgences vitales ou thérapeutiques (hypertension artérielle maligne, tumeur intracrânienne, thrombose veineuse cérébrale, névrite optique œdémateuse, neuropathie optique infiltrative ou encore NOIA artéritique).
Diplopie
Le Dr Pierre Lebranchu a aussi exposé quelques « trucs et astuces cliniques devant une diplopie ».
La diplopie concerne 2% des consultations d’urgence en ophtalmologie et parmi ces consultations, 16 à 36% engagent le pronostic vital.
La diplopie peut être secondaire à une anomalie des muscles, des nerfs, de la jonction neuromusculaire ou supranucléaire. Les causes diffèrent en fonction de l’âge.
Il convient de :
- caractériser la diplopie : monoculaire ou binoculaire ? modalités de survenue ? et sens de la diplopie ? On peut ainsi demander au patient si la diplopie prédomine de loin ou de près, dans quel champ du regard, et s’il existe un facteur déclenchant ;
- caractériser la déviation : position de la tête, mesure de la déviation, recherche de limitation de la motilité ;
- rechercher des signes associés : paupières, pupilles, sensibilité cornéenne (atteinte du V1), baisse d’AV, déficit pupillaire afférent relatif, œdème papillaire, signe d’inflammation orbitaire, signes de localisation neurologique.
Quelles urgences doivent être évoquées devant une diplopie ?
Une paralysie du III brutale évoque jusqu’à preuve du contraire une cause anévrysmale et impose donc une neuro-imagerie en urgence.
La deuxième urgence est l’apoplexie hypophysaire : elle peut associer des paralysies oculomotrices (III, VI, V1, CBH), des céphalées intenses et parfois des troubles de conscience.
La troisième urgence devant une diplopie est l’encéphalopathie de Gayet Wernicke, dont la mortalité est de 17%. Il s’agit d’une atteinte oculo-motrice très variable pouvant associer un nystagmus, une paralysie uni- ou bilatérale (VI > III), et une paralysie supranucléaire. L’IRM est très spécifique et le traitement urgent. Il faut donc évoquer cette étiologie de façon systématique chez un patient alcoolique, dénutri, anorexique ou opéré d’une chirurgie bariatrique.
Prise en charge d’un nystagmus
Enfin, le Pr Caroline Tilikete a proposé une trousse de secours dans la prise en charge d’un nystagmus. Il faut ainsi être attentif à l’aspect du mouvement anormal ; le nystagmus peut être en dents de scie (à ressort) ou plus souple (pendulaire), mais il peut aussi s’agir d’intrusions saccadiques ne comportant pas de phase lente.
Il faut écouter la plainte du patient, et notamment les sensations d’oscillopsie : celles-ci sont absentes dans les nystagmus infantiles, très présentes dans les nystagmus acquis, surtout en position primaire du regard, et noyées dans la plainte vertigineuse dans les nystagmus associés à un syndrome vestibulaire périphérique.
La connaissance des 3 mécanismes de stabilisation du regard permet également d’orienter le diagnostic :
- le système vestibulaire stabilise le regard lors de nos déplacements (son atteinte entraîne un nystagmus vestibulaire central ou périphérique) ;
- le système qui maintient le regard excentré (atteinte responsable d’un nystagmus du regard excentré) ;
- le système qui maintient le regard en fixation (atteinte : nystagmus pendulaires et oscillations saccadiques).
Application interactive
Cette présentation du rapport interactive est facilement accessible sur le site SFO-online, qui permet de visualiser l’imagerie et les différentes vidéos proposées lors de cette session.
L’application interactive est aussi très facilement téléchargeable. Le Dr Lamirel en a présenté les atouts. Lors de la première utilisation, la connexion est possible grâce au même identifiant et au même mot de passe que ceux utilisés sur le site de la SFO.
L’écran d’accueil contient 4 icônes : orientations diagnostiques, données de l’examen, pathologies et glossaire (figure 2). Ces icônes donnent accès à des fiches qui sont même plus nombreuses que dans le rapport. L’application est très agréable à utiliser, complète, et la partie « Orientations diagnostiques » permet de guider la démarche diagnostique, avec des liens très utiles vers la réalisation pratique des examens, que ce soit, par exemple, l’examen des pupilles ou d’une diplopie.
Référence bibliographique
[1] Fraser JA, Rueløkke LL, Malmqvist L, Hamann S. Prevalence of optic disc drusen in young patients with nonarteritic anterior ischemic optic neuropathy: A 10-year retrospective study. J Neuroophthalmol 2020. doi: 10.1097/WNO.0000 000000000974.