La galaxie des implants SAFIR 2023

Depuis l’apparition des premiers implants multifocaux au début des années 1990, de nombreuses catégories d’implants multifocaux ont vu le jour au fil des années, avec tout d’abord le renouveau des implants diffractifs au début des années 2000, puis les trifocaux à partir des années 2010, rapidement suivis d’une nouvelle catégorie intermédiaire avec les implants à profondeur de champ, ou EDOF. Le chirurgien de la cataracte peut avoir du mal à s’y retrouver dans ces divers implants premium destinés à compenser tout ou partie de la presbytie, et nous nous proposons d’éclaircir cette « nébuleuse » de façon à pouvoir sérier au mieux les indications.

Classification
Une première classification peut se faire selon la puissance effective en vision rapprochée apportée par ces implants (figure 1). Ainsi, toutes les additions sont possibles, entre les monofocaux « plus » qui apportent 0,50 D, jusqu’aux multifocaux qui apportent une addition de près de l’ordre de 4,00 D en vision rapprochée pour les plus puissants. Une autre façon de classer ces implants est plus qualitative et consiste à les regrouper selon le principe optique de partage de la lumière incidente : les implants diffractifs, les réfractifs, les aberratifs et l’implant sténopéïque (figure 2).

Implants monofocaux « plus »
Les implants monofocaux « plus » (figure 3) correspondent à la catégorie la plus récente d’implants premium. Ils n’apportent qu’une faible vision rapprochée, essentiellement une discrète profondeur de champ de l’ordre de 0,50 D, et répondent tous actuellement à des principes aberratifs. On distingue l’implant Eyhance (Johnson & Johnson), porteur d’une zone centrale à surface antérieure sphérique continue d’ordre élevé ; l’implant Impress, qui présente également une asphéricité modifiée à sa partie centrale sur les 2 mm centraux ; l’implant Isopur (BVI), dont la puissance focale moyenne et centrale est plus élevée en plein centre et un peu plus faible en périphérie. Enfin est apparu également l’implant EMV (Rayner), qui comporte une aberration sphérique positive centrale avec réduction concomitante des aberrations sphériques paracentrales. Une courbe personnelle de défocalisation de 3 d’entre eux montre des performances relativement comparables, avec une acuité restante de l’ordre de 8/10e et un défocus de -1,00 D (figure 4).

Figure 3. Implants monofocaux Plus.
Figure 4. Courbes de défocalisation de 3 IOL monofocaux Plus.

Implants Edof
On peut les séparer en implants de faible addition et implants de plus forte addition.
EDOF de faible addition (figure 5)
La majorité d’entre eux possède un principe aberratif (Vivity, [Alcon], LuxSmart [Bausch & Lomb] ou Synthesis Plus [Cutting Edge], Elon [Médicontur], et Zoe [OphtaFrance, Cutting Edge]). Il existe également des EDOF diffractifs de faible addition, tel le Symfony dans sa version Plus actuellement (Johnson & Johnson), mais également l’implant AT Lara (Zeiss), qui présente une double addition de +0,95 et +1,90 D. On peut également isoler l’implant MPlus Comfort MF15 (Téléon – Topcon) d’addition + 1,50 D, qui est réfractif. On peut encore ajouter dans cette catégorie l’implant sténopéïque qui comporte un masque annulaire en PVDF de 3,23 mm de diamètre, mais qui est actuellement plus dévolu aux yeux porteurs d’aberrations cornéennes marquées ou d’une irrégularité cornéenne cicatricielle.
EDOF d’addition intermédiaire (figure 6)
L’addition portée par l’implant est de l’ordre de 3,00 D, ce qui apporte une addition plan lunettes d’environ 2,00 D. Dans cette catégorie, il existe 2 implants aberratifs, tel le MiniWell (SIFI), qui apporte donc environ 2,00 D par la juxtaposition de 2 zones d’aberrations supérieures en zone centrale et paracentrale, et le Lucidis (Swiss Advance Vision), porteur d’un axicon central. Dans cette catégorie entrent également l’implant diffractif Bunny Active (Hanita), qui apporte environ 1,75 D, et l’implant réfractif MF20 (Téléon – Topcon) qui apporte 1,50 D effective pour 2 dioptries portées par l’implant.

Implants multifocaux
À côté des implants bifocaux classiques qui ont été développés au début des années 2000, tels le Restor (Alcon), le Tecnis multifocal (Johnson & Johnson) et l’AT Lisa bifocal (Zeiss) moins posés, les implants trifocaux qui sont désormais surtout utilisés ont l’avantage d’apporter une meilleure vision intermédiaire que les précédents, qui ont souvent nécessité une lunette complémentaire pour la vision intermédiaire, notamment chez les patients utilisateurs d’informatique.

Ces implants trifocaux sont naturellement tous diffractifs et porteurs de 2 foyers : il en existe au moins une dizaine, actuellement disponibles sur le marché (figure 7), chacun ayant une particularité optique pouvant faire affiner les indications selon le patient.

Ainsi, l’implant Finevision (BVI), le premier apparu sur le marché, est apodisé, ce qui favorise la vision éloignée nocturne et réduit l’intensité des halos. L’implant PanOptix (Alcon) a 2 additions différentielles de 2,17 D pour l’intermédiaire, et de 3,25 pour la vision de près, ce qui en fait un implant de choix pour la vision intermédiaire informatique pour tablettes. L’implant Gemetric et Gemetric Plus (Hoya) propose donc 2 versions complémentaires du même implant, avec une vision rapprochée plus ou moins puissante selon le modèle, l’implant le plus puissant de près étant dévolu à l’œil non dominant. Un peu à part dans les implants trifocaux se situent les implants trifocaux-like ou les implants bifocaux optimisés, avec notamment le Liberty (Médicontur), porteur d’un EPS avec élongation pour un foyer afin d’apporter une vision intermédiaire. Le Synergy (Johnson & Johnson) regroupe la juxtaposition optique de l’EDOF Symfony pour la vision intermédiaire et la vision rapprochée du Tecnis multifocal d’addition +4,00 D. Enfin, le Symbiose (Cristalens) est bifocal, mais avec une addition asymétrique dans sa forme Mid et plus, et donc complémentaire sur l’œil non dominant et dominant.
De nouvelles diffractions sont également apparues, pas encore disponibles en France, avec l’implant Alsafit trifocal en optique de Fourier (Alsanza) et l’implant trifocal en diffraction sinusoïdal (Acrinova - Trinova) : ces 2 implants sont en cours d’évaluation, notamment en Allemagne, et pourraient présenter l’intérêt de réduire les effets photiques.

Multifocaux refractifs
L’ancien implant multifocal AMO Array à zones annulaires (Allergan) a laissé place à l’implant réfractif sectoriel Mplus et Mplus X (Téléon – Topcon), qui comporte une zone sectorielle de rayons de courbures différents focalisés sur la face antérieure sur 160° environ.
L’implant Precizon (Ophtec), dont l’optique est à foyer transitionnel continu avec la juxtaposition de segments annulaires réfractifs de rayons de courbures différents, entre dans cette catégorie.

Indications générales
Les implants monofocaux Plus ont été envisagés pour tous les patients sans sélection mais il existe quelques insatisfactions et les contre-indications pour le moment restent encore à déterminer. Une bonne indication semble être les yeux opérés préalablement de Lasik ou de PKR, si tant est que ces yeux ne soient pas porteurs d’aberrations cornéennes trop marquées.

Un intérêt de l’usage de ces implants est la pratique d’une « monovision avancée », avec l’implant pour l’œil dominant réglé en emmétropie et une myopisation classique d’environ -1,25 à -1,50 D pour l’œil non dominant, la courbe de défocalisation avec de tels implants étant supérieure à celle des monofocaux simples (figure 8).

Les implants EDOF sont destinés à des yeux a priori normaux, sans pathologie oculaire avérée, et plus dévolus aux patients craignant les effets photiques. Pour diminuer la dépendance en vision de près, il est parfois proposé la pratique d’une mini-monovision, avec l’œil dominant en emmétropie et l’œil non dominant à -0,75 D, ces implants étant moins clivants pour la vision binoculaire que les monofocaux simples. La pratique d’une mini-monovision apporte également une bien plus grande qualité en vision de près.
Les implants multifocaux, le plus souvent trifocaux, sont réservés aux patients sans aucune pathologie oculaire ou générale, et qui expriment une volonté affirmée d’indépendance aux lunettes. Il faut absolument viser l’emmétropie et corriger au besoin un astigmatisme cornéen antéropostérieur, même minime, dès 0,60 à 0,70 D.
​​​​​​​Enfin, il est possible de panacher (mix & match) les implants : indépendamment des implants complémentaires d’un même laboratoire, une combinaison fréquente est la pose d’un EDOF aberratif dans l’œil dominant et d’un trifocal dans le non dominant.

Conclusion
Le choix des implants proposés par nos partenaires de l’industrie est désormais très large : les monofocaux Plus, dont les indications sont d’autant plus larges qu’ils partagent très peu la lumière, apportent néanmoins une profondeur de champ utile dans la vie courante ; les EDOF sont en augmentation d’utilisation et on peut espérer environ 20% d’implants de ce type dans les années à venir ; quant aux multifocaux, qui correspondent toujours seulement à environ 6% des implants posés malgré la sophistication des optiques à disposition, il faut savoir que les contre-indications sont essentiellement la présence d’une pathologie oculaire ou générale associée, mais il est plausible que, avec la motivation et l’intérêt grandissant des chirurgiens et la demande pressante des patients, ce pourcentage double dans les années à venir.

Auteurs

  • Pascal Rozot

    Ophtalmologiste

    Clinique Juge, Clinique Monticelli, Marseille

Les derniers articles sur ce thème

L'accès à la totalité de la page est protégé.

Je m'abonne

Identifiez-vous