La cyclocoagulation conventionnelle et micropulsée en pratique

Le glaucome est une neuropathie optique progressive dont le traitement repose sur la réduction de la pression intraoculaire (PIO). Lorsque le contrôle de la PIO échappe au traitement médical, il faut recourir à d’autres technologies, telle la photocoagulation (TSCP) transsclérale. Nous proposons dans cet article, au regard des résultats les plus récents de la littérature, notre attitude pratique concernant l’utilisation de la TSCP en modes continu et discontinu.

Lorsque la PIO ne peut pas être contrôlée par un traitement médical, les techniques de chirurgie filtrante facilitent l’évacuation de l’humeur aqueuse et celles d’affaiblissement ciliaire en réduisent la production. Ces dernières sont traditionnellement réservées aux glaucomes évolués réfractaires à la chirurgie ou pour lesquels la chirurgie est estimée trop risquée. La TSCP au laser diode en mode continu (ou thermique), dite conventionnelle, a prouvé son efficacité à baisser la PIO, mais au prix de complications pouvant compromettre le pronostic visuel (inflammation, hypotonie). Afin de diminuer la fréquence de ces événements indésirables, une forme de laser diode moins destructrice a été développée : le laser diode en mode discontinu. En respectant des intervalles temporels sans traitement, cette nouvelle technique chirurgicale permet d’éviter l’échauffement tissulaire et ainsi la nécrose de coagulation des procès ciliaires responsable des complications du laser diode en mode continu.

Principes de fonctionnement

Grâce à sa longueur d’onde qui émet dans le proche infrarouge (810 nm), l’énergie délivrée par la TSCP est bien absorbée par les cellules pigmentées ciliaires et peu par la sclère, ce qui confère au laser un bon rendement. En mode continu, l’énergie délivrée à la pars plicata entraîne en un mois une nécrose de coagulation du stroma des procès ciliaires, puis à terme une atrophie des procès. L’ouverture de la voie uvéo-sclérale, sous l’effet de la rétraction des structures tissulaires voisines, est un autre mode d’action potentiel. En mode discontinu (dit micropulsé ou infraliminaire) l’énergie du laser est délivrée de façon cyclique à la partie postérieure de la couronne ciliaire, en pars plana, en alternant des périodes de traitement et des phases de repos destinées à éviter l’échauffement des structures collatérales pour réduire les réactions inflammatoires. Cette nouvelle technologie n’est pas cyclodestructrice, donc moins exposée au risque d’hypotonie à terme. Son mode d’action est imparfaitement connu, il pourrait aussi faciliter l’élimination de l’humeur aqueuse par voie uvéo-sclérale et par voie trabéculaire, en ouvrant le canal de Schlemm secondairement à la contraction des fibres longitudinales du muscle ciliaire.

Indications

La TSCP est aujourd’hui essentiellement réservée à la prise en charge du glaucome réfractaire dont la PIO n’est plus contrôlée par le traitement médical et/ou chirurgical maximal toléré. C’est une alternative aux implants de drainage de l’humeur aqueuse, la TSCP étant préférée en cas de mauvais pronostic chirurgical attendu (tissus cicatriciels) ou quand la chirurgie est estimée trop risquée (glaucome très évolué, œil vitrectomisé, aphakie, comorbidités importantes : patient très âgé, obèse, sous anticoagulants).
Le choix entre la TSCP en mode continu ou discontinu dépend du niveau de PIO préopératoire, de l’importance des traitements médicaux et du risque de complications inflammatoires en fonction du terrain (acuité visuelle résiduelle, antécédents d’inflammation oculaire, mélanodermes, pigmentation tissulaire, type de glaucome).
Le mode thermique est préféré si la PIO est très élevée, et le mode discontinu si la PIO est moindre et si l’on souhaite limiter le risque de complications inflammatoires.
Pour les 2 modalités toutefois, plus on délivre d’énergie plus le laser sera efficace, au prix d’effets indésirables potentiellement plus fréquents. On pourra ainsi obtenir des effets comparables entre ces 2 techniques en fonction des paramètres utilisés.

Modalités pratiques

La TSCP, quel que soit le mode de délivrance, se réalise au bloc opératoire sous anesthésie péribulbaire. Il faut toujours repérer la couronne ciliaire par transillumination (figure 1), exercer une pression douce sur la sclère avec la sonde du laser et humidifier la surface oculaire pour favoriser la transmission d’énergie tandis que les méridiens 3h-9h doivent être épargnés pour ne pas léser les artères ciliaires longues et les nerfs ciliaires (risque de mydriase). 

TSCP conventionnelle
L’énergie du laser est transmise au corps ciliaire par l’intermédiaire d’une sonde à usage unique, G-probe (Iris Medical Instruments, Mountain View, Californie/États-Unis) ou Ciliprobe (Katalyst Surgical, Chesterfield, Missouri/États-Unis), munie à son extrémité d’un patin qui épouse la convexité du limbe pour assurer une bonne stabilité pendant le traitement.
L’énergie par impact doit se situer entre 3 et 5 J, la puissance variant de 1,2 à 2,5 W et les temps de 1,5 à 4 secondes (puissance en joules = temps en secondes x puissance en watts).
Il n’existe pas de protocole standardisé. Les paramètres et le nombre d’impacts doivent être adaptés à la PIO préopératoire et au risque de complications, la baisse de la PIO variant entre 35 et 50% à 1 an pour une énergie totale (ET) délivrée entre 60 et 90 J (soit 15 à 22 impacts).
En pratique, il convient de débuter la procédure par l’application d’un impact à 2 W d’une durée de 2 secondes. La puissance est ensuite adaptée par pas de 250 mW en fonction de l’audition de « pops » témoins d’une photo-disruption tissulaire, source de complications. La puissance choisie est celle qui se situe juste en dessous de la perception d’un pop. En l’absence de pop à des puissances de 2,5 W, le temps est augmenté et la puissance abaissée. Les impacts sont répartis sur 270° du corps ciliaire, en laissant toujours un quart de corps ciliaire indemne. 

Laser diode en mode discontinu
Il existe actuellement 2 machines commercialisées : le laser Iridex Cyclo G6 (sonde MicroPulse P3, Mountain View, Californie/États-Unis) et le SubCyclo Vitra 810 (Quantel Medical Instruments, Cournon-d’Auvergne, France).

La sonde du laser est positionnée perpendiculairement à la sclère en regard de la partie postérieure de la couronne ciliaire (3 mm du limbe) et va la balayer par des mouvements continus de va-et-vient (figure 2). 

Le réglage des paramètres du laser est une étape primordiale de la chirurgie et doit être adapté au patient car l’efficacité et les complications sont dose-dépendantes. L’ET dépend de plusieurs facteurs :
- le duty cycle, ou rapport cyclique – qui correspond au rapport entre la durée des phases actives de traitement sur le temps entre 2 impulsions – varie entre 31,3 (le plus fréquent) et 25% ;
- la puissance du laser : de 2 à 2,5 W ;
- la durée totale du traitement : paramètre le plus variable dans la littérature, elle se situe entre 100 et 320 secondes, soit 50 à 160 secondes par hémisphère traité ;
- la fluence (énergie délivrée par unité de surface), liée à la vitesse de balayage qui, en passant de 10 à 20 secondes, double l’ET délivrée.
L’ET minimale délivrée pour être efficace est de 62,6 J (soit DC 31,3%, 100 secondes, P : 2 W) avec une baisse de la PIO attendue de 27% à 12 mois et des taux de retraitement de 35 à 48%. Une ET 3 fois supérieure permet d’espérer une baisse de la PIO de 47% à 12 mois, et un taux de retraitement de 5 à 10% seulement, mais les réactions inflammatoires sont plus fréquentes.
L’efficacité du laser discontinu peut donc se rapprocher de celle du laser diode continu en cas d’énergie délivrée importante, mais l’incidence des complications elle aussi augmente. Il convient d’utiliser une ET moindre chez les sujets à risque de complications (mélanodermes, glaucome uvéitique).

Suivi et complications

L’ordonnance postopératoire doit contenir le traitement hypotonisant habituel et un anti-inflammatoire topique stéroïdien et non stéroïdien 3 fois par jour pendant 1 mois. Elle sera adaptée à la fin de la première semaine en fonction du niveau de la PIO et de l’inflammation intraoculaire éventuelle.
La baisse de la PIO est obtenue plus ou moins rapidement mais elle survient généralement à 1 mois. Les résultats du laser diode sont influencés par de nombreux facteurs : repérage du corps ciliaire, pression sur la sclère pendant le traitement, ET, type de glaucome. Si un second traitement est nécessaire, il convient de rediscuter le rapport bénéfice/risque de l’intervention, d’attendre 1 à 3 mois après la première procédure et d’adapter les paramètres en fonction de l’effet pressionnel et des paramètres de la première intervention.
Les complications les plus fréquentes de la TSCP sont les pics de PIO (fréquents et transitoires), l’inflammation intraoculaire et la baisse d’acuité visuelle, celle-ci pouvant être liée au développement d’une cataracte, aux complications inflammatoires comme un œdème maculaire ou une uvéite chronique, plus fréquentes quand les structures oculaires sont plus pigmentées (mélanodermes). D’autres complications plus rares ont été rapportées : mydriase, ophtalmie sympathique, hémorragie intravitréenne, sclérite nécrosante. L’hypotonie et la phtyse, rares mais graves, sont plus à craindre dans le cas d’une procédure répétée et d’un glaucome néovasculaire. La fréquence de tous ces effets indésirables est moindre avec l’utilisation d’un laser en mode discontinu, mais elle augmente avec l’ET par séance et avec le nombre de séances.

Conclusion

La TSCP a constitué une avancée majeure dans la prise en charge du glaucome mais ses complications potentiellement graves la font réserver aux glaucomes hypertones réfractaires évolués. Le laser diode en mode discontinu laisse espérer un abaissement tensionnel efficace avec un taux moindre de complications, mais pour en élargir les indications aux formes moins graves de glaucome, ses mécanismes d’action, son protocole optimal et ses résultats à long terme restent encore à préciser.

Pour en savoir plus
Souissi S, Le Mer Y, Metge F et al. An update on continuous-wave cyclophotocoagulation (CW-CPC) and micropulse transscleral laser treatment (MP-TLT) for adult and paediatric refractory glaucoma. Acta Ophthalmol. 2021;99(5):e621-53.
Dastiridou AI, Katsanos A, Denis P et al. Cyclodestructive procedures in glaucoma: A review of current and emerging options. Adv Ther. 2018;35(12):2103-27.
Ma A, Yu SW, Wong JK. Micropulse laser for the treatment of glaucoma: A literature review. Surv Ophthalmol. 2019;64(4):486-97. Liebenthal R, Schuman JS. Transscleral cyclophotocoagulation in the treatment of glaucoma: patient selection and perspectives. Expert Rev Ophthalmol. 2021;16(5):357-75.

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