Implantation secondaire : techniques et implants ?

Si le taux de complications de la chirurgie de la cataracte est devenu très faible, certaines situations nécessitent ce que l’on nomme une « implantation secondaire », soit la mise en place d’un implant autre qu’un implant de sac ou de sulcus. Ces implantations secondaires concernent les complications précoces ou tardives de la chirurgie de la cataracte, ou bien certaines pathologies associées à une fragilité zonulaire pour lesquelles il n’existe plus de support capsulaire.

Les indications à une implantation secondaire sont : - la rupture capsulaire avec support capsulaire antérieur insuffisant ;
- la désinsertion zonulaire ;
- le colobome irien ;
- la luxation spontanée ou traumatique du cristallin ;
- la luxation d’un implant de sac ou de sulcus à distance de la chirurgie ;
- la correction de l’aphakie. Différentes techniques sont possibles, qui doivent être adaptées à chaque situation.

Implant à fixation irienne

En l’absence de plan capsulaire, une possibilité consiste à fixer un implant dit « artisan » en avant ou en arrière de l’iris, après la réalisation d’une vitrectomie antérieure au minimum (figure 1).
L’implantation rétropupillaire est à privilégier, car elle protège mieux l’endothélium et diminue plus le risque d’œdème maculaire cystoïde que l’implantation en chambre antérieure, pour des résultats réfractifs similaires [1].

Technique chirurgicale
La technique consiste en une incision cornéenne directe ou inverse, ou bien une incision scléro-cornéenne, de 5,5 mm permettant d’insérer l’implant après avoir resserré la pupille. L’implant, face concave vers la chambre antérieure, est ensuite passé en 1 bloc ou en 2 temps dans le plan rétropupillaire avec une pince spécifique (pince de Bayle), et les haptiques sont clippés à l’iris par 2 contre-pressions au micro-manipulateur en moyenne périphérie et diamétralement opposés. L’incision est ensuite refermée. À noter que l’enclavement de l’iris dans l’haptique n’est pas facilement réversible et que le centrage doit être précis.
Cette technique a l’avantage d’être rapide et reproductible, sans manipulation conjonctivale ou volet scléral. Sa courbe d’apprentissage est rapide. Néanmoins, les manipulations dans la chambre antérieure par une incision de grande taille exposent à un risque d’hypotonie peropératoire et de hernie irienne. Aussi n’est-elle pas adaptée pour des iris traumatiques, sauf après une plastie irienne, ou des iris atrophiques.

Complications
Les complications sont dominées par l’astigmatisme postopératoire (notamment lors d’incisions cornéennes), l’œdème maculaire postopératoire (10%), le déclippage précoce (3-10%) ou tardif et l’hypertonie (50%) [2].

Implant à fixation sclérale

La fixation sclérale des implants 3-pièces a pendant longtemps reposé sur le principe soit de la suture sclérale des haptiques, soit de la tunnélisation sclérales des haptiques.

Suture d’implant à la sclère
Si la suture à la sclère n’est pas à proprement parler une implantation secondaire, elle peut être envisagée lors d’une désinsertion zonulaire tardive avec luxation partielle d’un implant de sac monobloc ou 3-pièces. Il est alors possible de réaliser une fixation sclérale de l’implant en amarrant par 2 points de Prolène 10.0 les 2 haptiques, notamment si elles sont entourées d’une fibrose capsulaire. Cette technique nécessite la réalisation de 2 volets scléraux couvrant une zone de suture à 2 mm du limbe. Les aiguilles droites du Prolène sont insérées par une incision cornéenne et ressorties à la sclère par des aiguilles 27 G. La principale difficulté est le serrage des points, qui ne doit pas induire de décentrement de l’implant. Cette technique a minima permet de préserver l’endothélium cornéen d’une explantation et n’exclut pas la réalisation ultérieure d’une autre technique. Elle est surtout efficace en présence de monoblocs avec sac très fibrosés ou d’implants en PMMA rigide dont l’extraction nécessite des incisions cornéennes importantes.

Tunnélisation sclérale d’implant 3-pièces, technique de Yamane (Figure 2 et 3)
De nombreuses techniques de tunnélisation sclérales ont été proposées, qui reposent sur l’extériorisation des haptiques et leur enfouissement ou leur suture dans des tunnels intrascléraux. Les inconvénients de ces techniques sont doubles : d’une part, la force exercée sur les haptiques pour l’extériorisation ou pour l’enfouissement expose au risque de rupture de l’haptique, soit au décentrement/tilt de l’implant ; d’autre part, le risque d’exposition de l’haptique et d’érosion conjonctivale secondaire n’est pas négligeable. Enfin, le temps opératoire de préparation sclérale et conjonctivale est important.
En 2017, le Dr Yamane a proposé une technique de fixation intrasclérale transconjonctivale sans suture, respectant tant que possible la forme des haptiques, préservant la sclère et la conjonctive et réduisant l’hypotonie postopératoire [3].

Technique chirurgicale
La technique de Yamane consiste à réaliser 2 sclérotomies angulées de 20° horizontaux et 5° postérieurs à l’aiguille 27 G, à 2 ou 2,5 mm du limbe, dans lesquelles les haptiques sont délicatement insérées l’une après l’autre avant d’être extériorisées de manière simultanée (figure 2). Enfin, l’extrémité des haptiques est chauffée avec un cautère afin de créer un plug de 0,3 mm qui va assurer sa stabilité dans le tunnel scléral. Les haptiques sont ensuite repoussées dans le tunnel scléral au maximum, et la conjonctive simplement repositionnée. Une iridotomie peut être réalisée afin de prévenir un éventuel bloc pupillaire.

Cette technique séduit par sa simplicité et sa rapidité, mais sa courbe d’apprentissage est plus longue que celle de l’implant clippé à l’iris et nécessite quelques précautions et astuces. La manipulation des haptiques doit être la plus douce possible, car la moindre déformation de celles-ci aura comme conséquence un tilt ou un décentrement de l’implant, qui peut être minime ou important.

Résultats postopératoires
Les résultats réfractifs rapportent une réfraction stable dans le temps, sans astigmatisme induit. La cible est celle de l’implant de sac pour une fixation sclérale à 2 mm du limbe. Les résultats optiques sont supérieurs à ceux de la fixation sclérale [4].

Complications
Les principales complications sont la dislocation précoce (10%), le bloc pupillaire inverse (2%) et une exposition de l’haptique (1%), exposant à un risque d’endophtalmie [5].

La bonne indication
C’est celle de la luxation d’un implant 3-pièces dans la cavité vitréenne, d’autant plus en l’absence d’un sac cristallinien fibrosé, ou en direct après une rupture capsulaire sans support capsulaire antérieur suffisant. Ces implants plus rigides sont en effet plus ardus à extraire ou à découper en chambre antérieure et peuvent aisément être ramenés dans l’aire pupillaire par la préhension délicate de leurs haptiques. Il est possible d’injecter directement un IOL 3-pièces dans un œil aphake. Cette technique nécessite une dilatation correcte.
L’avantage de cette technique est de préserver l’endothélium, la sclère et la conjonctive en évitant l’explantation et ne compromet pas la réalisation d’une autre technique en cas d’échec.

Implant Carlevale

L’implant dit de Carlevale FIL-SSF est un implant souple hydrophile conçu spécifiquement pour une fixation sclérale sans suture, positionné au niveau du sulcus cilaire (figure 4). La fixation à la sclère se fait grâce à 2 ancres en forme de T, diamétralement opposées. Son optique est large, de 6,5 mm, et sa longueur totale est de 13,2 mm. Il s’injecte via une incision de 2,2 mm. L’implant possède une angulation de 10° afin d’éviter le bloc pupillaire postérieur.
Les puissances dioptriques disponibles vont de -5 à +35 D et l’implant est aussi disponible en version torique, avantage non négligeable par rapport aux implants artisans et 3-pièces.

Technique chirurgicale
L’implantation d’un Carlevale implique une désinsertion conjonctivale partielle, la réalisation de 2 volets scléraux à charnière limbique de 4 x 4 mm ou de 2 poches sclérales diamétralement opposées pour l’extériorisation des ancres.
Une vitrectomie la plus complète possible est nécessaire et les trocarts peuvent être positionnés classiquement à 3,5 mm du limbe ou bien au sein des poches à 2 mm du limbe, en lieu et place de l’ancrage scléral. Selon l’indication, il sera nécessaire à ce stade de réaliser la phacophagie ou l’explantation de l’implant luxé.
L’implant doit être délicatement chargé sous microscope dans son injecteur avec un lit de viscoélastique, en s’assurant du bon sens et en prenant soin de ne pas léser les différentes haptiques/ancres. Il est préférable d’engager la première ancre dans la cartouche afin d’en faciliter la préhension. Cette première ancre est saisie dans l’aire pupillaire avec une pince crocodile 27 ou 25 G via la sclérotomie à 2 mm par la barre horizontale du T ou à la jonction, et est extériorisée de manière concomitante à l’injection de l’implant, sans générer de traction. Un fois l’implant déplié dans la chambre antérieure, la deuxième ancre est présentée à la pince en regard de la sclérotomie à l’aide d’un crochet ou d’une seconde pince au travers d’une incision cornéenne. La deuxième ancre est ensuite extériorisée en accompagnant le passage de l’implant dans le plan rétropupillaire.
Une fois le sens de l’implant vérifié, les volets peuvent être repositionnés et suturés pour éviter le risque d’hypotonie, et la conjonctive repositionnée.

Résultats postopératoires
En postopératoire, il existe une amélioration de l’acuité visuelle et un résultat réfractif fiable (erreur moyenne inférieure à 0,50 D). L’erreur réfractive postopératoire moyenne est de 0,50 D. L’astigmatisme induit est identique à celui d’une chirurgie de la cataracte, et significativement moindre que les techniques de fixation irienne ou sclérale [6,7].

Complications  
Les principales complications sont l’hypotonie précoce dans 30 à 74% des cas. Les cas d’œdèmes maculaires cystoïdes sont rares (5%) et de décompensation cornéenne moins importante que dans les implants clippés à l’iris. L’implant est néanmoins fragile (10% de ruptures d’haptiques), la chirurgie plus longue et son hydrophilie l’expose aux opacifications.

La bonne indication
Support irien insuffisant, incision étroite, mydriase posttraumatique, procédure combinée (cornéenne ou vitréo-rétienne, car bonne étanchéité du segment antérieur).

Conclusion

Les techniques d’implantation secondaire sont actuellement variées et permettent de s’adapter aux contraintes de chaque patient : préservation conjonctivale, comptage endothélial, état irien, type d’implant luxé dans le segment postérieur ou nécessité d’une chirurgie combinée. Une courbe d’apprentissage pour chaque technique est nécessaire afin d’en anticiper les subtilités. La commercialisation récente d’un implant à large gamme dioptrique et en version torique permet d’optimiser, voire de prédire, les résultats réfractifs des patients nécessitant une implantation secondaire.

Références bibliographiques
[1] Touriño Peralba R, Lamas-Francis D, Sarandeses-Diez T et al. Iris-claw intraocular lens for aphakia: Can location influence the final outcomes? J Cataract Refract Surg. 2018;44(7):818-26.
[2] Bernal-Morales C, Hernández-Martínez A, Navarro-Angulo MJ et al. Retropupillary iris-claw intraocular lens and pars plana vitrectomy in aphakia management: A national multicenter audit. Retina. 2021;41(10):2048-58.
[3] Yamane S, Sato S, Maruyama-Inoue M, Kadonosono K. Flanged intrascleral intraocular lens fixation with double-needle technique. Ophthalmology. 2017;124(8):1136-42.
[4] Lee R, Govindaraju V, Farley ND et al. Refractive outcomes after sutureless intrascleral fixation of intraocular lens with pars plana vitrectomy. Retina. 2021;41(4):822-6.
[5] Patel KG, Yazdani A, Abbey AM. Twenty-five and twenty-seven-gauge sutureless intrascleral fixation of intraocular lenses: Clinical outcomes and comparative effectiveness of haptic flanging in a large single-surgeon series of 488 eyes. Retina. 2021;41(12):2485-90.
[6] Seknazi D, Colantuono D, Tahiri R et al. Secondary sutureless posterior chamber lens implantation with two specifically designed IOLs: Iris claw lens versus sutureless trans-scleral plugs fixated lens. J Clin Med. 2021;10(10):2216.
[7] D’Agostino I, Parrulli S, De Angelis S et al. Sutureless scleral fixation: comparison between 3-piece IOL and new single-piece foldable IOL. Graefes Arch Clin Exp Ophthalmol. 2021;259(5):1365-73.

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