Imagerie multimodale dans les uvéites postérieures
Une part considérable du diagnostic et du suivi des uvéites postérieures revient à l’imagerie multimodale qui viendra soit documenter l’examen clinique, telle la rétinophotographie, soit le compléter en apportant des renseignements complémentaires grâce à la tomographie en cohérence optique, l’autofluorescence, l’angiographie à la fluorescéine, l’angiographie au vert d’indocyanine et l’OCT-angiographie.
Rétinophotographie
Elle permet de documenter le trouble vitréen, l’atteinte rétinienne, choroïdienne, vasculaire et/ou papillaire. Les rétinophotos en couleurs peuvent être réalisées à l’aide d’un rétinographe non mydriatique (RNM) standard ou un rétinographe ultra grand champ (Clarus [Zeiss] ou Daytona, California, Silverstone [Optos]). Ces rétinographies nous aideront à préciser l’importance d’un trouble vitréen diffus ou à mettre en évidence la présence de voiles vitréens, l’existence d’une vascularite (artérielle ou veineuse), d’une rétinite (uni- ou multifocale), d’une choroïdite (uni- ou multifocale) et/ou d’une papillite.
Tomographie en cohérence optique
La tomographie en cohérence optique (OCT) est devenue un outil incontournable dans le diagnostic et le suivi des atteintes et des complications maculaires de l’uvéite postérieure.
Vitré
L’OCT nous aide à préciser la présence ou non d’un Tyndall cellulaire du vitré prérétinien.
Œdème maculaire
On peut distinguer 5 aspects OCT :
- épaississement péricentral ;
- épaississement maculaire diffus ;
- œdème maculaire (OM) diffus ;
- œdème maculaire cystoïde (OMC) ;
- décollement séreux rétinien (DSR).
Anomalies de l’interface vitréorétinienne
- Membranes épirétiniennes ;
- syndrome de traction vitréomaculaire.
Les scans de grande longueur (23 mm) nous aident à mieux appréhender les relations entre le vitré et la rétine.
Autres manifestations choriorétiniennes
- Effraction de la membrane limitante interne et envahissement vitréen, dans le cadre par exemple d’une rétinite candidosique.
- Zones d’hyperréflectivité de la rétine : les taches blanches dans la phase aiguë de l’épithéliopathie en plaques (AMPPE) et du syndrome des taches blanches multiples évanescentes (MEWDS) ainsi que la rétinite toxoplasmique se manifestent en OCT comme des zones hyperréflectives des couches internes ou externes de la rétine, ou en lien avec des défauts de perfusion du plexus capillaire profond dans les Paracentral Acute Middle Maculopathie (PAMM) et plus profond dans l’Acute Macular Neuroretinopathy (AMN).
- Zones d’interruption de la jonction articles internes et articles externes (IS/OS) des photorécepteurs : elles sont présentes de façon transitoire dans le MEWDS et dans d’autres capillaropathies inflammatoires, et de façon plus définitive dans des syndromes paranéoplasiques (par exemple dans les rétinopathies associées au cancer).
- Amincissement rétinien, notamment des couches externes et de l’épithélium pigmentaire rétinien (EPR) au stade cicatriciel de foyer de rétinochoroïdite ou d’OM chronique.
- Hyperréflectivité et épaississement de l’EPR en lien avec des néovaisseaux choroïdiens d’origine inflammatoire.
- DSR retrouvé dans la maladie de Vogt-Koyanagi-Harada (VKH), ophtalmie sympathique, AMPPE, différentes atteintes choriorétiniennes infectieuses et également en lien avec une néovascularisation choroïdienne d’origine inflammatoire.
- Épaississement choroïdien observé à la phase active du VKH.
- Amincissement choroïdien constaté lors de différentes affections choriorétiniennes telles que la choriorétinopathie de Birdshot, à des stades plus ou moins cicatriciels de l’affection.
- Plis choriorétiniens pouvant accompagner différentes atteintes inflammatoires choriorétiniennes primitives ou secondaires à une sclérite postérieure.
Autofluorescence
L’autofluorescence (AF) est un complément à l’imagerie rétinienne non invasive. Elle permet de visualiser la distribution de la lipofuscine présente dans l’EPR. Les zones d’hyper-autofluorescence sont un indicateur d’activité et/ou de récidive de l’inflammation de l’EP, tandis que la transition vers l’hypo-autofluorescence montre la régression du processus inflammatoire. À l’inverse, l’atrophie de l’EPR ou des migrations pigmentaires se traduiront par des zones d’hypo-autofluorescence.
L’AF permettra par exemple de mettre en évidence des hypo-autofluorescences dans la choriorétinopathie de Birdshot, ainsi que des hyper-autofluorescences dans les taches actives de la choroïdite multifocale, dans la maladie de VKH, dans la choroïdite serpigineuse et dans le MEWDS.
Angiographie à la fluorescéine
Tout bilan d’une uvéite postérieure doit comprendre une angiographie à la fluorescéine (FLUO). C’est un examen qui permet de diagnostiquer l’ensemble de l’atteinte rétinienne et uvéale, et notamment la présence d’une vascularite (phlébite, artérite ou atteinte mixte), d’un OM, d’une non-perfusion ou d’une diffusion capillaire, d’une ischémie rétinienne, d’une atteinte papillaire. Cet examen permet ainsi de différencier une forme active d’uvéite d’une forme inactive, d’apprécier l’efficacité d’un traitement et de rechercher des complications (néovascularisation prérétinienne, choroïdienne...).
L’interprétation de la FLUO sera fondée sur l’analyse des zones d’hypo- (effet masque ou anomalie de perfusion rétinienne) ou d’hyperfluorescence (effet fenêtre ou anomalies des vaisseaux, ou fuite ou accumulation ou imprégnation de colorant).
La FLUO pourra, entre autres, permettre d’évoquer :
- des vascularites se traduisant par une diffusion ou une imprégnation de la fluorescéine au niveau des parois vasculaires artérielles (artérite), veineuses (phlébite), capillaires (capillarite) ou mixtes ;
- des occlusions vasculaires rétiniennes ;
- une papillite ;
- une choroïdite serpigineuse : la lésion active se manifeste aux temps précoces par une hyporfluorescence par effet masque, puis aux temps tardifs par une hyperfluorescence du bord vers le centre ; les cicatrices apparaissent hypofluorescentes avec un liseré hyperfluorescent ;
- une choroïdite multifocale : les lésions choroïdiennes non fluorescentes aux temps précoces de l’AF deviennent hyperfluorescentes aux temps tardifs ;
- un MEWDS montre une hyperfluorescence précoce des lésions puis une imprégnation tissulaire tardive ;
- des occlusions vasculaires choroïdiennes aiguës se traduisent en angiographie par une hypofluorescence en secteur du fond choroïdien ; aux temps tardifs, l’angiographie peut mettre en évidence des îlots hyperfluorescents en mosaïque. Quelques jours plus tard, la dépigmentation de l’écran épithélial provoquera un effet fenêtre à l’origine d’une hyperfluorescence secondaire avec des taches d’Elschnig.
- une choroïdite multifocale : les lésions choroïdiennes non fluorescentes aux temps précoces de l’AF deviennent hyperfluorescentes aux temps tardifs ;
- un MEWDS montre une hyperfluorescence précoce des lésions puis une imprégnation tissulaire tardive ;
- des occlusions vasculaires choroïdiennes aiguës se traduisent en angiographie par une hypofluorescence en secteur du fond choroïdien ; aux temps tardifs, l’angiographie peut mettre en évidence des îlots hyperfluorescents en mosaïque. Quelques jours plus tard, la dépigmentation de l’écran épithélial provoquera un effet fenêtre à l’origine d’une hyperfluorescence secondaire avec des taches d’Elschnig.
Angiographie au vert d’indocyanine
En permettant une bonne visualisation de la choroïde, l’angiographie au vert d’indocyanine (ICG) est requise dans toute uvéite postérieure pour soit identifier une atteinte choroïdienne infraclinique, soit pour confirmer une atteinte choroïdienne suggérée par les données du fond d’œil et/ou des rétinophotos et suivre une atteinte choroïdienne.
Elle permet de visualiser des :
- l’hypofluorescence par non-perfusion ou l’hypoperfusion choriocapillaire, notamment dans l’AMPPE, la maladie de VKH et la choroïdite serpigineuse ;
- l’hypofluorescence par effet masse dans le cas d’une infiltration (foyer inflammatoire) du stroma choroïdien. Ces masses empêchent la molécule d’ICG de diffuser à ce niveau, faisant apparaître ces lésions en négatif sous la forme de taches hypofluorescentes dans le cadre des uvéites sarcoïdosiques, de la choriorétinopathie de Birdshot et d’autres atteintes infectieuses : hypofluorescence en plaques dans le cadre de la syphilis (figure 5) et d’autres atteintes infectieuses (tuberculeuse…) ;

- l’hyperfluorescence ICG s’applique le plus souvent dans 4 situations principales comprenant : une hyperfluorescence focale de vaisseaux choroïdiens enflammés, par exemple en phase aiguë de la maladie de VKH, visible pendant les minutes initiales de l’angiographie ; une hyperfluorescence choroïdienne diffuse produite par une exsudation d’ICG à partir de gros vaisseaux choroïdiens enflammés, s’ajoutant à la fluorescence « physiologique » provenant de la choriocapillaire ; des hyperfluorescences focales et punctiformes en cas de points de fuite lors d’un décollement séreux inflammatoire de l’épithélium pigmentaire et en phase angiographique tardive en cas de lésions granulomateuses connues pour fixer les molécules ICG ; et finalement une hyperfluorescence de la papille (habituellement non fluorescente en ICG) qui, lorsqu’elle est présente, signe une inflammation sévère.
OCT-angiographie
L’OCT-angiographie (OCT-A) est particulièrement utile pour faire la part des choses entre un foyer de choroïdite et un néovaisseau choroïdien inflammatoire, notamment dans les choroïdites multifocales et la « Punctate Inner Choroidopathy ».
Elle permet aussi de visualiser des défauts de perfusion de la choriocapillaire dans les épithéliopathies en plaques, le VKH, la choroïdite serpigineuse et les choroïdites multifocales, à la différence du syndrome des taches multiples évanescentes qui ne présente aucun défaut de perfusion.
Pour en savoir plus
Weber M, Herbort C. Apport des différentes imageries. In: Cohen SY, Gaudric A, eds. Rétine. Médecine Sciences Lavoisier. 2012;4:3-38.
Ducos de Lahitte G, Chau Tran TH, Terrada C et al. In: Bodaghi B, Le Hoang P, eds. Uvéite. Elsevier Masson. 2017;11.1:99-115.
Massamba N, Ducos de Lahitte G, Terrada C. In: Bodaghi B, Le Hoang P, eds. Uvéite. Elsevier Masson. 2017;11.2:116-23. Herbort C. In: Bodaghi B, Le Hoang P. Uvéite. Elsevier Masson. 2017;11.3:125-37.
Le Lez ML, Halfon J. Autofluorescence du fond d’œil. Médecine Sciences Lavoisier. 2015;5:51-77.