Imagerie confocale des glandes de Meibomius et des infestations à Demodex

Avec une prévalence de 3,5 à 70%, le dysfonctionnement des glandes de Meibomius (DGM) est considéré comme la cause principale de la sécheresse oculaire [1]. Une nouvelle approche pour comprendre la physiopathologie du DGM a été proposée par Baudouin et al., impliquant le concept d’un double cercle vicieux [2]. Le DGM est une maladie chronique qui touche essentiellement les glandes de Meibomius, généralement caractérisée par une inflammation et/ou une obstruction du canal terminal et par des modifications qualitatives/quantitatives des secrétions meibomiennes, ce qui influence toute la surface oculaire des patients, en induisant à son tour le cercle vicieux de la sécheresse oculaire [1,2].

Pour mieux évaluer l’atteinte des glandes de Meibomius (GM), nous pouvons observer directement la marge palpébrale et les orifices meibomiens à la lampe à fente (figure 1A). Nous pouvons analyser les télangiectasies des paupières grâce à l’OCT-A du segment antérieur (figure 1B). La meibographie est un outil d’imagerie infrarouge pour quantifier la perte des glandes avec un meiboscore variant de 0 à 4 (figures 1C et 1D), qui est largement utilisé en clinique et en recherche.

La microscopie confocale in vivo (IVCM) reste le seul examen non invasif permettant d’analyser toute la surface oculaire au niveau cellulaire, y compris les glandes de Meibomius. Un nouveau score IVCM-GM a été proposé pour classer les DMG en se basant sur l’évaluation de 3 paramètres principaux : la réflectivité du meibum, l’inflammation intraépithéliale et interglandulaire, et la fibrose [3]. La figure 2A présente un aspect de glande relativement normal autour d’un follicule. L’inflammation peut être observée à l’intérieur et à l’extérieur des GM chez un patient atteint d’un DGM (GM du type inflammatoire, figure 2B). L’atrophie des GM a un aspect terne, avec une perte totale de l’aspect glandulaire et de la bordure épithéliale (figure 2C). Nous pouvons également retrouver un type mixte (figure 2D) avec des glandes de Meibomius inflammatoires et atrophiques.

L’évaluation des glandes de Meibomius n’est pas toujours corrélée en meibographie avec l’évaluation en IVCM (figure 3). Par exemple, en meibographie, le patient 1 (figure 3A) atteint d’un syndrome de Gougerot-Sjögren (SGS) présente un meiboscore de 2, équivalent à celui du patient 2 (figure 3B) atteint d’un DGM primaire. Mais par la technique de l’IVCM, le patient 1 présente un aspect de glandes de type inflammatoire (figure 3C) et le patient 2 plutôt de type atrophique (figure 3D).

Rôle des Demodex

Les acariens Demodex sont également impliqués dans la blépharite et la rosacée oculaire. L’infestation des paupières par les Demodex est classiquement diagnostiquée par la méthode d’épilation des cils au microscope optique. L’utilisation de la microscopie confocale in vivo pourrait être un moyen d’améliorer son diagnostic avec de meilleures sensibilité et spécificité [4].

La figure 4 montre des Demodex libres (figures 4A et 4B) et des Demodex nichés à l’intérieur d’un follicule (figure 4C). Selon la réflectivité et le contraste du tissu observé, nous visualisons mieux la portion abdominale d’un Demodex folliculorum (figure 4A) ou le thorax avec les pattes (figure 4B). L’IVCM peut non seulement analyser les Demodex attachés aux cils, mais aussi détecter ceux au sein d’un follicule (figure 4C : plus de 4 Demodex en IVCM, impossibles à détecter par l’épilation classique).

Chez les patients symptomatiques ou asymptomatiques, l’infestation par Demodex est souvent associée à un DGM, qui est donc toujours mieux caractérisé par l’IVCM [4]. Cette recherche pourrait être réalisée au niveau des paupières mais aussi de la partie cutanée (par exemple la joue) chez les patients atteints d’une rosacée oculaire, proposant un outil non seulement pour un diagnostic ophtalmologique mais aussi dermatologique [5].
L’IVCM est donc un outil très efficace et fiable pour examiner les glandes de Meibomius et les infestations à Demodex. En même temps, nous pouvons analyser toute la surface oculaire, y compris la cornée, les nerfs cornéens et le limbe afin de mieux comprendre la physiopathologie de la surface oculaire. Face aux souffrances importantes des patients, l’ophtalmologiste se sent parfois démuni lorsque l’examen de la cornée à la lampe à fente est rassurant et qu’il n’y a pas d’explication évidente aux symptômes douloureux. L’IVCM pourrait aider le clinicien à mieux comprendre la symptomatologie des patients lorsque les signes cliniques ne sont pas corrélés aux symptômes. L’exploration de l’inflammation ou de l’atrophie des glandes de Meibomius pourrait donner une nouvelle piste de recherche afin d’initier un traitement par agents anti-inflammatoires ou par lumière pulsée intense (IPL) pour renforcer le traitement des blépharites.

Références bibliographiques
[1] Schaumberg DA, Nichols JJ, Papas EB et al. The international workshop on meibomian gland dysfunction: report of the subcommittee on the epidemiology of, and associated risk factors for MGD. Invest Ophthalmol Vis Sci. 2011;52(4):1994-2005.
[2] Baudouin C, Messmer EM, Aragona P et al. Revisiting the vicious circle of dry eye disease: a focus on the pathophysiology of meibomian gland dysfunction. Br J Ophthalmol. 2016;100(3):300-6.
[3] Randon M, Liang H, Abbas R et al. [A new classification for meibomian gland diseases with in vivo confocal microscopy]. J Fr Ophtalmol. 2016;39(3):239-47.
[4] Randon M, Liang H, El Hamdaoui M et al. In vivo confocal microscopy as a novel and reliable tool for the diagnosis of Demodex eyelid infestation. Br J Ophthalmol. 2015;99(3):336-41.
[5] Liang H, Randon M, Michee S et al. In vivo confocal microscopy evaluation of ocular and cutaneous alterations in patients with rosacea. Br J Ophthalmol. 2017;101(3):268-74.

Auteurs

  • Hong Liang

    Ophtalmologiste

    Centre hospitalier national d’ophtalmologie des Quinze-Vingts, Inserm-DGOS CIC 1423, Paris ; Sorbonne Université UM80, Inserm UMR 968, CNRS UMR 7210, Institut de la vision, IHU FOReSIGHT, Paris

  • Christophe Baudouin

    Ophtalmologiste

    Centre hospitalier national d’ophtalmologie des Quinze-Vingts, Inserm-DGOS CIC 1423, Paris ; Sorbonne Université UM80, Inserm UMR 968, CNRS UMR 7210, Institut de la vision, IHU FOReSIGHT, Paris

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