Hémorragie vitréo-rétinienne et macroanévrysme artériel

Les macroanévrysmes artériels rétiniens sont une des complications de l’artériosclérose où l’hypertension artérielle et les altérations de paroi se conjuguent pour entraîner des dilatations de la paroi des artères rétiniennes. Ils sont donc plus fréquemment observés chez des patients hypertendus, âgés de plus de 60 ans avec une nette prédominance féminine [1,2]. En règle générale, ils sont unilatéraux et uniques.

Ils peuvent être totalement asymptomatiques ou se compliquer d’une exsudation lipidique, d’un œdème intrarétinien, voire d’un saignement spontané lors de la fissuration ou de la rupture de leur paroi. Les hémorragies compliquant les macroanévrysmes sont fréquemment situées dans plusieurs couches ; elles peuvent être prérétiniennes et/ou intrarétiniennes et/ou sous-rétiniennes. L’hémorragie intravitréenne est également un mode possible de révélation d’un macroanévrysme artériel [3].

En l’absence d’hémorragie intravitréenne ou si cette dernière est peu dense, il est relativement aisé de mettre en évidence le macroanévrysme artériel :

- à l’examen du fond d’œil : la localisation périartérielle de l’hémorragie peut évoquer le diagnostic ou directement la visualisation d’une dilatation vasculaire située sur la paroi d’une artère et plus ou moins au centre d’une hémorragie rétinienne ou d’exsudats lipidiques (figures 1A et 1B).

- sur des coupes en OCT maculaire : le macroanévrysme artériel peut être directement visualisé sous la forme d’une surélévation superficielle de la rétine avec des parois hyperréflectives, un contenu iso- ou hyporéflectif et un cône d’ombre (figure 2) ; il est plus ou moins associé à des signes d’exsudation (œdème intrarétinien, décollement séreux rétinien…) [4].

- en angiographie à la fluorescéine ou au vert d’indocyanine : il est visible sous la forme d’une dilatation anévrysmale aux dépens d’une artère rétinienne et est hyper- fluorescent lorsqu’il est perméable (figures 1C et 3) [2].

En revanche, en cas de survenue d’une hémorragie intravitréenne dense, l’examen devra s’attacher à éliminer toutes les autres causes d’hémorragie du vitré qui justifieraient une prise en charge chirurgicale urgente (décollement de rétine, déchirure rétinienne, hématome maculaire associé…).
C’est donc la présence d’une hémorragie intravitréenne unilatérale, survenant chez une personne âgée de plus de 60 ans, hypertendue, de sexe féminin et sans pathologie rétinienne sur l’autre œil, qui devra faire évoquer la présence d’un macroanévrysme artériel.

Quelles sont les différentes possibilités de traitement ?

Hormis la prise en charge des facteurs de risque cardiovasculaire avec un contrôle tensionnel strict, plusieurs attitudes thérapeutiques sont proposées :
- une simple surveillance est possible, l’hémorragie pouvant favoriser la fibrose spontanée des parois du macroanévrysme [1,2] ;
- la photocoagulation au laser est une option thérapeutique efficace pour les macroanévrysmes siégeant sur les artères en aval de l’irrigation de la macula (du fait du risque d’occlusion artériolaire) ;
- dans le cas d’une exsudation rétinienne et/ou d’un saignement atteignant la fovéa, sur un macroanévrysme non accessible au laser focal, les injections intravitréennes (IVT) d’anti-VEGF peuvent être proposées [5] ;
- la présence d’une complication hémorragique sous-rétinienne et/ou d’une hémorragie intravitréenne dense peut nécessiter une vitrectomie [3] ;
- une hémorragie rétro-hyaloïdienne persistante peut nécessiter une hyaloïdotomie au laser Yag ou Argon, voire une vitrectomie.

Dans quel délai traiter dans le cas d’une hémorragie du vitré compliquant un macroanévrysme artériel ?

Tout dépend de son caractère isolé ou non.
S’il existe un hématome sous-rétinien associé : chirurgie urgente dans les 15 jours du fait de la toxicité du saignement envers l’épithélium pigmentaire et les photorécepteurs :
- injection intravitréenne de rt-PA, suivie par l’injection d’un gaz expansif (possible en cas d’hémorragie du vitré peu dense) ;
- ou vitrectomie associée à une injection sous-rétinienne de rt-PA et tamponnement par gaz [6].
Dans le cas d’une hémorragie du vitré isolée et dense : abstention thérapeutique initiale avec contrôle échographique régulier si on est certain de l’absence de déhiscence à l’échographie mode B ; chirurgie non urgente à envisager au-delà d’un mois en l’absence de résorption spontanée de l’hémorragie.
Dans le cas d’une hémorragie rétro-hyaloïdienne associée : abstention thérapeutique de préférence, discuter d’une hyaloïdotomie ou d’une vitrectomie non urgente au-delà d’un mois d’évolution.

La survenue en soi d’une hémorragie du vitré compliquant un macroanévrysme artériel n’est pas un critère de gravité. Comme toute hémorragie du vitré, elle doit surtout faire redouter une autre cause d’indication chirurgicale urgente telle qu’un décollement de rétine ou, plus sournoisement, une déchirure qui pourrait passer inaperçue à l’échographie mode B.
On retiendra que la seule indication chirurgicale urgente dans cette pathologie est la présence suspectée ou avérée d’une hémorragie sous-rétinienne maculaire.

Références bibliographiques
[1] Pitkänen L, Tommila P, Kaarniranta K et al. Retinal arterial macroaneurysms. Acta Ophthalmol. 2014;92(2):101-4.
[2] Moosavi RA, Fong KCS, Chopdar A. Retinal artery macroaneurysms: clinical and fluorescein angiographic features in 34 patients. Eye (Lond). 2006;20(9):1011-20.
[3] Deschasse C, Isaico R, Creuzot-Garcher C, Bron A-M. [Retinal macroaneurysms and macular hemorrhages: report of five cases]. J Fr Ophtalmol. 2014;37(5):347-52.
[4] Takahashi K, Kishi S. Serous macular detachment associated with retinal arterial macroaneurysm. Jpn J Ophthalmol. 2006;50(5):460-4.
[5] Zweifel SA, Tönz MS, Pfenninger L et al. Intravitreal anti-VEGF therapy for retinal macroaneurysm. Klin Monbl Augenheilkd. 2013;230(4):392-5.
[6] Inoue M, Shiraga F, Shirakata Y et al. Subretinal injection of recombinant tissue plasminogen activator for submacular hemorrhage associated with ruptured retinal arterial macroaneurysm. Graefes Arch Clin Exp Ophthalmol. 2015;253(10):1663-9.

Auteurs

  • Fanny Varenne

    Ophtalmologiste

    Service rétine, Hôpital Pierre Paul Riquet, CHU Toulouse

  • Vincent Soler

    Ophtalmologiste

    CHU de Toulouse, hôpital Paule de Viguier, Toulouse

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