Hémorragie du vitré et rétinopathie diabétique : conduite à tenir

L’efficacité de la photocoagulation panrétinienne (PPR) dans le traitement de la rétinopathie diabétique proliférante (RDP) a été largement prouvée par des études prospectives montrant qu’elle réduisait de plus de 50% le risque de cécité légale et entraînait une régression de la néovascularisation dans 70 à 90% des cas. Cependant pour certaines RDP, schématiquement les RDP dites « à haut risque » comme définies par la DRS (Diabetic Retinopathy Study) [1], une hémorragie du vitré (HV) survient et une vitrectomie est nécessaire.

L’hémorragie du vitré (HV) est la première indication de la vitrectomie chez le sujet diabétique. Si elle est facilitée aujourd’hui par les progrès technologiques (matériel, OCT, échographie mode B), elle reste parfois une des plus difficiles même pour un chirurgien aguerri. L’enjeu est plutôt de savoir poser l’indication d’une chirurgie en urgence dans les 8 à 10 jours – du fait du risque évolutif fonctionnel péjoratif dû à un possible décollement de la rétine (DR) par traction –, de réaliser une chirurgie rapide dans le mois ou de différer la vitrectomie. Certains facteurs cliniques d’examen sont aussi importants que l’acuité visuelle (AV) initiale ou la densité de l’HV : présence de néovaisseaux iriens et/ou d’une hypertonie oculaire, absence de décollement postérieur du vitré (DPV) à l’échographie en mode B, caractère récidivant de l’hémorragie, antécédent de PPR.
Des facteurs cliniques de terrain sont importants, rendant le pronostic anatomique et fonctionnel plus grave : jeune âge, diabète de type 1. Une HV chez un jeune diabétique de type 1 déséquilibré, avec une PPR incomplète sans DPV à l’échographie en mode B sur une RDP floride avec une prolifération fibrovasculaire menaçant la macula, est de très mauvais pronostic, quelle que soit l’AV initiale.

Vitrectomie urgente dans les 10 jours

Dans la prise en charge moderne chirurgicale de la RDP, une HV associée à une menace de DR maculaire est une indication aussi urgente de vitrectomie [2] que l’association avec le classique DR maculaire.

Décollement de la rétine maculaire
Que le DR soit purement tractionnel ou mixte, l’HV implique une vitrectomie urgente. L’échographie en mode B permet de localiser le soulèvement et de statuer sur l’état du décollement du vitré (figure 1A). L’absence de décollement du vitré rend la vitrectomie plus difficile (figure 1B). Par ailleurs, il est admis qu’un DR maculaire sur une RDP de plus de 1 an ne relève plus d’une vitrectomie car les chances d’amélioration fonctionnelle sont faibles et le risque d’aggravation de la baisse d’AV est important. Cependant sans images antérieures du fond d’œil, la présence d’une HV peut remettre en question ce dogme.  

Menace de décollement de la rétine maculaire
Une macula menacée par une prolifération fibrovasculaire (PVF) au niveau des arcades temporales ou par une prolifération fibrovasculaire évolutive, typique de la rétinopathie diabétique floride, est une indication urgente de vitrectomie avant que n’apparaisse un DR maculaire (figure 2A). L’HV peut être simplement une hémorragie rétro-hyaloïdienne avec une AV supérieure à 5/10 (figure 2B). Dans le cas d’une HV plus importante, l’échographie en mode B préopératoire est essentielle.
Un hématome prémaculaire dense (figure 3) est une indication de vitrectomie urgente du fait du risque de rétraction maculaire sévère avec un DR maculaire [3].

Hémorragie du vitré et néovascularisation irienne [4]
Quel que soit l’état rétinien sous-jacent, et indépendamment de l’association ou non à une hypertonie oculaire, l’existence d’une néovascularisation irienne et/ou de l’angle iridocornéen impose une vitrectomie urgente. Un anti-VEGF préopératoire ne doit être injecté que si l’échographie en mode B ou le fond d’œil ne mettent pas en évidence une prolifération fibrovasculaire.

Vitrectomie rapide (délai inférieur à 1 mois)

Une hémorragie intravitréenne sans antécédents de PPR et sans signe de menace maculaire à l’échographie en mode B impose une vitrectomie rapide, si la réalisation d’une photocoagulation ab externo n’est pas possible, de manière à éviter un glaucome néovasculaire (figure 4).

Une hémorragie bilatérale ou chez le patient monophtalme impose une vitrectomie de manière à ne pas laisser un patient en état de cécité légale.

Vitrectomie différée

L’indication de vitrectomie se pose en général pour un œil déjà traité par PPR. Différentes situations peuvent être envisagées :

- hémorragie intravitréenne survenant lors d’un décollement postérieur du vitré. Si la PPR date d’au moins 4 à 6 mois, et s’il n’y a pas de menace maculaire au fond d’œil ou à l’échographie B, la vitrectomie peut être différée. Cette situation est fréquemment rencontrée au décours de la PPR d’une RDP floride où l’avulsion d’une prolifération fibrovasculaire saigne lors du DPV (figure 5) ;
- une hémorragie intravitréenne récidivante peut conduire à proposer une vitrectomie si elle se répète 2 ou 3 fois par an et handicape le patient ;
- une hémorragie intravitréenne persistante sur un œil panphotocoagulé au-delà de 2 à 3 mois nécessite une vitrectomie non urgente d’autant qu’elle est dense ;
- de même la persistance d’une hémorragie intracavitaire postvitrectomie au-delà de 2 mois nécessite un lavage de la cavité vitréenne. L’injection intracavitaire d’un anti-VEGF permet parfois d’éviter la vitrectomie.

Conclusion

L’HV sur une RDP reste la première indication de la vitrectomie chez le patient diabétique. Avec la miniaturisation des systèmes de vitrectomie, l’amélioration des systèmes de visualisation du fond d’œil peropératoire ainsi que les nouvelles sondes d’échographie en mode B, la chirurgie est plus simple et moins iatrogène. De ce fait les indications se sont élargies. Si les anti-VEGF en peropératoire sont largement utilisés pour limiter les récidives hémorragiques postopératoires (40% des cas), la réalisation ou le complément de la PPR en peropératoire reste un geste classique obligatoire.

Références bibliographiques
[1] The third report from retinopathy Study.The diabetic retinopathy study research group. Four risk factor for severe visual loss in diabetic retinopathy. Ach Ophthalmol. 1979;97(4):664-5.
[2] The diabetic retinopathy vitrectomy study research group. Early vitrectomy for severe vitreous hemorrhage in diabetic retinopathy. Four-year results of a randomized trial: diabetic retinopathy vitrectomy study report 5. Arch Ophthalmol. 1990;108(7):958-64.
[3] 0’Hanley GP, Canny CL. Diabetic dense premacular hemorrhage. A possible indication for prompt vitrectomy. Ophthalmology. 1985; 92(4):507-11.
[4] Auriol S, Douat J, Mahieu L et al. Glaucome néovasculaire. Encycl Med Chir (Elsevier, Paris), Ophtalmologie, 21-280-B-30, 2010, 11 p.

Auteurs

  • Véronique Pagot-Mathis

    Ophtalmologiste

    Unité rétine, service d’ophtalmologie, hôpital Pierre-Paul Riquet, CHU Toulouse

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