Freination de la myopie, place des corrections lunettes  et des traitements pharmacologiques

La myopie représente un enjeu de santé publique. Près de 20% des enfants de moins de 6 ans présentent des anomalies, essentiellement réfractives puis suivies par le strabisme et l’amblyopie. La myopie, pathologie de l’enfant de plus en plus fréquente, nécessite un diagnostic clinique précoce pour corriger l’anomalie réfractive par des verres correcteurs et proposer des thérapeutiques de freination. La projection de Holden pour 2050 annonçant 4,758 milliards de myopes (soit 49,8% de la population) et 938 millions de myopes forts (< -5 D) nous impose de réfléchir aux thérapeutiques freinatrices innovantes.

La myopie n’entraîne pas uniquement une anomalie réfractive qui peut se corriger par des verres correcteurs, elle induit aussi des complications potentielles qui sont souvent proportionnelles au degré de myopie. Ces risques majeurs sont représentés par les complications rétiniennes (choroïdose myopique, décollement de rétine et néovaisseaux rétiniens), la cataracte précoce et le glaucome qui peuvent engendrer une basse vision.

Diagnostic précoce de la myopie

Il est essentiel de dépister précocement et de reconnaître la myopie évolutive de façon à mettre en place des stratégies de freination. Devant une myopie forte du jeune enfant, une myopie syndromique doit être recherchée et faire évoquer un éventuel syndrome de Stickler ou une autre vitréorétinopathie. Il faut aussi systématiquement éliminer un glaucome congénital, d’autant plus que la myopie est unilatérale qui provoque une cornée trouble, un larmoiement et des douleurs. Il est important de savoir reconnaître le début de la myopie chez l’enfant, qui se caractérise par une progression de la réfraction inférieure à -0,5 D, avec une augmentation de la longueur axiale. Chez l’enfant, l’examen sous cycloplégique est impératif pour le diagnostic de myopie. Dans l’apparition et l’évolution de celle-ci, il faut intégrer les facteurs environnementaux comme le temps passé devant les écrans (activités accrues en vision rapprochée) et la lumière (type de spectre lumineux).
Sur le plan physiopathologique, la défocalisation au niveau de la périphérie rétinienne induit une myopie axiale alors que la vision fovéale n’a pas d’influence sur le processus d’emmétropisation.
La myopie évolutive doit bénéficier d’un traitement freinateur adapté pour éviter les complications. La prise en charge doit comporter au minimum des mesures environnementales et des moyens freinateurs à choisir en fonction du type d’évolution de la myopie et des contraintes familiales.

Moyens thérapeutiques

Les stratégies de freination permettent de limiter l’évolution de la myopie avec augmentation dioptrique et de limiter l’augmentation de la longueur axiale de l’œil (figure 1). Les stratégies de freination les plus prometteuses incluent les activités en extérieur, les verres correcteurs défocalisants, les lentilles de contact défocalisantes, l’orthokératologie et les traitements pharmacologiques par atropine faiblement dosée. Nous aborderons uniquement les verres correcteurs défocalisants et l’atropine faiblement dosée.

Verres correcteurs défocalisants
Les études concernant l’utilisation de verres correcteurs de plusieurs types (monofocaux, bifocaux ou progressifs) ne semblent pas très probantes en l’absence d’étude randomisée significative. En revanche, l’émergence de nouveaux verres défocalisants semble apporter un traitement efficace. Développé à l’université polytechnique de Hong Kong, le principe de ce verre en polycarbonate repose sur un centre du verre de 9 mm classiquement correctif avec, en moyenne périphérie, de multiples segments de défocalisation (400) disposés en alvéoles sur 33 mm de diamètre (figure 2). Une récente étude randomisée en double aveugle sur 2 ans, utilisant des nouveaux verres correcteurs défocalisants (Miyosmart HOYA) avec un système Defocus Incorporated Multiple Segments (DIMS), a démontré que sur 79 patients porteurs de ces verres vs 81 patients contrôles, la variation de la longueur axiale était diminuée de 0,55 mm, soit 62% par rapport au groupe témoin, et la freination de l’évolution myopique en dioptries de 59%. Un autre verre correcteur fonctionnant sur un principe similaire de défocalisation est en cours d’évaluation par Essilor. Ce port de verres correcteurs défocalisants peut aussi être envisagé en association avec d’autres traitements.

Atropine faiblement dosée
L’atropine faiblement dosée topique constitue une des options thérapeutiques. Elle bloque les récepteurs muscariniques de manière non sélective. Plusieurs dosages (0,5%, 0,1%, 0,05%, 0,025% et 0,01%) ont été utilisés pour ralentir la progression de la myopie. Les récepteurs muscariniques sont présents chez l’homme dans le muscle ciliorétinien, la rétine et la sclère. Bien que son mécanisme exact dans le contrôle de la myopie ne soit pas connu, il semble que l’atropine agisse directement ou indirectement sur la rétine ou la sclère, inhibant l’amincissement ou l’étirement scléral ainsi que la croissance oculaire. Les études cliniques randomisées en double aveugle sur l’atropine pour le traitement de la myopie (ATOM 1 et ATOM 2) impliquant chacune 400 enfants à Singapour ont montré un effet significatif. Le traitement par atropine 0,01% chez les patients pédiatriques avec une myopie progressive inhibe la progression de la myopie sans effets secondaires notables affectant la qualité de vie des enfants. L’étude LAMP, utilisant de l’atropine à faible concentration, essai randomisé en double aveugle vs placebo, fournit des preuves sérieuses pour le contrôle de la myopie. L’étude suggère que la concentration à 0,05% était la plus efficace et reste bien tolérée. Quel que soit le dosage utilisé entre 0,01 et 0,05%, il faut prendre garde aux effets rebonds à l’arrêt du traitement.

Conclusion

Les effets des thérapeutiques innovantes freinatrices de la myopie ne peuvent être mesurés qu’après un minimum de temps de traitement. Le recul à long terme est encore insuffisant bien que nous ayons aujourd’hui des études sur plus de 3 ans apportant des preuves solides. Les techniques peuvent être combinées pour les myopies très évolutives. Les complications potentiellement cécitantes de la myopie justifient clairement de mettre en place des mesures visant à réduire l’évolution des anomalies réfractives et l’augmentation de la longueur axiale du globe oculaire. La recherche de l’optimisation de la qualité de vie de l’enfant et de sa famille mérite d’adapter la ou les techniques utilisées à la vie pratique quotidienne.

Pour en savoir plus
Holden BA, Fricke TR, Wilson DA et al. Global prevalence of myopia and high myopia and temporal trends from 2000 through 2050. Ophthalmology. 2016;123 (5):1036-42.
Bremond-Gignac D. Myopie de l’enfant. Med Sci (Paris). 2020;36(8-9):763-8.
Lam CSY, Tang WC, Tse DY et al. Defocus Incorporated Multiple Segments (DIMS) spectacle lenses slow myopia progression: a 2-year randomised clinical trial. Br J Ophthalmol. 2020;104(3):363-8.
Huang J, Wen D, Wang Q et al. Efficacy comparison of 16 interventions for myopia control in children: a network meta-analysis. Ophthalmology. 2016;123(4):697-708.
Yam JC, Jiang Y, Tang SM et al. Low-concentration Atropine for Myopia Progression (LAMP) study: a randomized double-blinded, placebo-controlled trial of 0.05%, 0.025%, 0.01% atropine eye drops in myopia control. Ophthalmology. 2019;126(1):113-24.
Pineles SL, Kraker RT, VanderVeen DK et al. Atropine for the prevention of myopia progression in children: a report by the American Academy of Ophthalmology. Ophthalmology. 2017;124(12):1857-66.
Azuara-Blanco A, Logan N, Strang N et al. Low-dose (0.01%) atropine eye-drops to reduce progression of myopia in children: a multicentre placebo-controlled randomised trial in the UK (CHAMP-UK)-study protocol. Br J Ophthalmol. 2020;104(7):950-5.

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