FMC SFO. Notre expérience des MIGS
Dans cette session de FMC modérée par les Drs Hamelin et Collignon, les Prs Aptel, Laloum et Denis, ainsi que les Drs Poli et Hamard, ont partagé leur expérience sur ces nouvelles techniques de chirurgie micro-invasive du glaucome, les MIGS.

Comme l’a tout d’abord souligné le Pr Aptel, la définition des MIGS n’est pas univoque. Selon les recommandations de l’EGS 2020 et l’AAO 2020, ces dispositifs doivent entraîner une réduction d’au moins 20% de la pression intraoculaire (PIO) avec moins de manipulation tissulaire que les chirurgies filtrantes classiques, une récupération visuelle plus rapide et un meilleur profil de sécurité. Mais la définition est moins unanime concernant la voie d’abord chirurgicale ab interno plus ou moins ab externo, la présence ou non d’une bulle de filtration, ou encore la combinaison à une chirurgie de cataracte. Un des enjeux est de définir la place des MIGS dans l’algorithme de prise en charge des glaucomes.
Quel choix de MIGS en 2021 ?
D’après l’intervention de Florent Aptel
Le Pr Florent Aptel a présenté les caractéristiques des 3 principales MIGS disponibles en France en 2021 : le drain trabéculaire iStent inject® W (Glaukos), le Xen® (Allergan) et le Preserflo™ Microshunt (Santen).
Le iStent inject W est la troisième génération de ces stents en titane qui permettent un passage de l’humeur aqueuse de la chambre antérieure vers le canal de Schlemm grâce à l’implantation ab interno de ce dispositif à travers le trabéculum. Il n’y a donc pas de création de bulle de filtration. Il est, en France, toujours associé à la chirurgie de la cataracte, injecté en début ou en fin de procédure selon les pratiques. Il s’agit de la seule MIGS bénéficiant d’un code CCAM (BFGA368) et remboursé en France. Environ 15 à 25% de baisse pressionnelle peuvent être espérés, avec épargne d’une monothérapie hypotonisante.
Le Xen est un tube en gélatine qui permet le drainage de l’humeur aqueuse de la chambre antérieure vers l’espace sous-conjonctival. Accompagné d’une injection sous-conjonctivale de mitomycine, il est injecté ab interno et entraîne la formation d’une bulle de filtration. Les études montrent une baisse de 30 à 35% de la PIO, qu’il soit combiné ou non à la chirurgie de cataracte.
Le Preserflo Microshunt induit lui aussi la formation d’une bulle de filtration, il est en revanche injecté ab externo. Il s’agit d’un tube de 8,5 mm de longueur dont la lumière interne fait environ 70 microns. Une dissection conjonctivo-ténonienne est réalisée avec application de mitomycine, puis une pochette sclérale superficielle est disséquée à 3 mm du limbe pour introduire une aiguille 25 G en chambre antérieure et permettre l’injection du drain avant de suturer la tenon et la conjonctive de façon étanche. Une baisse pressionnelle de 30 à 40% peut être attendue, ainsi qu’un arrêt des collyres hypotonisants la plupart du temps.
Quel profil de sécurité pour ces MIGS ? Sont-ils réellement mini-invasifs ?
D’après l’intervention de Philippe Denis et Jacques Laloum
Efficacité et sûreté ne sont pas dissociables. Plus un dispositif est efficace, plus les risques sont importants. Le Pr Denis et le Dr Laloum ont insisté sur le fait que ces chirurgies sont qualifiées de « mini-invasives » mais qu’elles n’en sont pas moins anodines pour autant et qu’il est important d’effectuer un suivi postopératoire attentif.
Le Dr Laloum a décrit les principales complications de ces dispositifs. Les plus fréquemment rapportées avec le iStent inject W sont un hyphéma spontanément résolutif la plupart du temps, ainsi qu’une obstruction du stent par l’iris. Il est donc important de réaliser une gonioscopie attentive dans les suites. Les pics d’hypertension intraoculaire postopératoires sont peu fréquents, mais à dépister. Concernant le Xen, une hypotonie précoce est classique (expliquée par un diamètre du canal scléral plus large que celui du drain, le temps que ce dernier s’hydrate). La recherche d’un décollement choroïdien associé est nécessaire. Un taux majeur de fibrose est rapporté avec 30 à 40% de needlings sur 2 ans, avec comme principal facteur prédictif la PIO à J1. Il convient de surveiller la porosité de ces bulles à long terme, fragilisées par ces gestes répétés. Les principales complications du drain Preserflo Microshunt sont un hyphéma, une hypotonie transitoire, la présence d’un signe de Seidel, une obstruction du tube par l’iris ou du sang pouvant générer une hypertonie, ou encore une encapsulation de la bulle nécessitant un needling dans 10 à 15% des cas environ.
Enfin, il est important de souligner que les conséquences sur l’endothélium cornéen à long terme de ces drains en chambre antérieure (Xen et Preserflo) ne sont pas complètement connues ; et certaines MIGS ont été retirées du marché par le passé à la suite de décompensations endothéliales.
En pratique : quels MIGS pour quels patients ? Remplacent-ils les chirurgies filtrantes conventionnelles ?
D’après l’intervention de Muriel Poli et Pascale Hamard
Les Drs Poli et Hamard ont insisté sur le fait qu’il était important de distinguer les 2 types de MIGS, avec et sans création d’une bulle de filtration.
Les MIGS canalaires sans bulle, comme le iStent inject W trabéculaire, sont plutôt réservées à des patients avec une indication de chirurgie de la cataracte qui ont un glaucome débutant à modéré, stable ou faiblement évolutif, d’autant plus qu’il existe une intolérance aux collyres hypotonisants. Elles peuvent être indiquées pour des glaucomes à angle ouvert, voire des glaucomes chroniques par fermeture de l’angle sans synéchies antérieures périphériques, dont on espère obtenir une réouverture de l’angle à la suite de la phakoexérèse. Ces MIGS permettent une épargne thérapeutique très intéressante chez certains de nos patients et ne compromettent en rien le pronostic d’une chirurgie filtrante ultérieure.
Les MIGS avec bulle de filtration, comme le Xen ou le Preserflo, plus efficaces en termes de baisse pressionnelle, sont plutôt réservées à des patients pour qui l’indication d’une chirurgie filtrante est discutée, devant un glaucome évolutif mais pour lesquels on souhaite un profil de sécurité supérieur et un suivi postopératoire plus léger.
Comme l’a résumé le Dr Hamard, elles ne remplacent pas les chirurgies filtrantes classiques de sclérectomie profonde non perforante ou de trabéculectomie mais représentent une alternative thérapeutique complémentaire dans l’algorithme de prise en charge du glaucome. Leur place est différente et concerne des profils de patients distincts. Une évaluation globale du patient (type de glaucome et évolutivité, statut du cristallin, baisse pressionnelle attendue, antécédents chirurgicaux et état de la conjonctive, état général et espérance de vie…) permet de proposer la solution thérapeutique ayant le meilleur rapport bénéfice/risque.