Faut-il opérer les trous lamellaires ?

Les trous lamellaires sont une complication du décollement postérieur du vitré qui, généralement, ne présentent pas d’anomalies à la surface de la rétine. Avec le temps, on observe progressivement une dissection, puis une dégénérescence des bords du trou, et une prolifération peut apparaître à la surface de la rétine. La chirurgie peut être efficace mais elle nécessite un chirurgien expérimenté et une technique précise.

La définition des trous lamellaires a récemment été redéfinie par un panel international d’experts en chirurgie vitréo-rétinienne. Une classification fondée sur l’OCT a été proposée par un panel d’experts à la suite d’une revue de la littérature et une discussion entre experts [1].

Ce consensus international a défini un trou lamellaire comme un trou n’étant pas de pleine épaisseur (le vitré et l’épithélium pigmentaire ne sont donc pas en contact), avec le plus souvent des anomalies des bords de la fovéa à type de perte de substance au niveau de la rétine interne (figure 1). Ces pertes de substance ne sont pas rondes et homogènes et selon la coupe OCT réalisée, elles peuvent ne pas être visibles. Elles apparaissent sur l’OCT En face comme des zones hyporéflectives de forme pétaloïde.

L’autre caractéristique des trous lamellaires est leur association à des proliférations qui ont longtemps été considérées comme des membranes, mais qui ne sont pas de réelles membranes épirétiniennes contractiles. Histologiquement, ces proliférations diffèrent de réelles membranes puisqu’elles ne contiennent pas de myofibroblastes, mais des fibroblastes et des hyalocytes. Leur origine pourrait provenir des cellules de Müller et leur consistance est très différente de celles des membranes épirétiniennes. En OCT B-scan, ces proliférations peuvent être difficiles à distinguer du tissu rétinien car elles sont relativement isoréflectives ou légèrement hyporéflectives, contrairement aux membranes qui, elles, sont hyperréflectives. L’OCT En face permet également de les distinguer des membranes et les proliférations y apparaissent comme des zones relativement hyporéflectives par rapport à la rétine. On peut souvent constater que ces proliférations prennent leur origine dans le fond du trou lamellaire, au niveau du bombement. La rétine est le plus souvent d’épaisseur normale dans ces zones de prolifération.

Diagnostic différentiel

La confusion a souvent été faite dans la littérature entre ces trous lamellaires et les membranes associées à un aspect de fovéoschisis. Dans les membranes, il existe une membrane contractile hyperréflective et un aspect de plis rétiniens bien visibles en OCT En face (figure 2). La traction de la membrane sur les bords de la fovéa est responsable de cet aspect de schisis. Contrairement au trou lamellaire, il n’y a pas de perte de tissu rétinien mais uniquement un clivage au niveau des bords de la fovéa, lié à la traction. Il est vrai que le décollement postérieur du vitré induit les 2 et que l’on peut aussi observer des formes mixtes, c’est-à-dire de réels trous lamellaires avec prolifération mais aussi la présence d’une membrane épirétinienne associée.

Chirurgie

La nécessité d’une chirurgie dans les trous lamellaires n’est actuellement pas complètement démontrée, même si de plus en plus d’éléments semblent en faveur d’une vitrectomie dans les cas présentant une baisse d’acuité visuelle (BAV) documentée et progressive, et une acuité visuelle généralement inférieure à 4/10e.
Certaines études ont montré un bénéfice de la chirurgie mais elles ont souvent groupé les cas de membranes épirétiniennes avec schisis et de trous lamellaires, donc les résultats sont à prendre avec précaution [2-4]. Ainsi, dans les publications, les trous lamellaires représentent en fait un sous-groupe de la population et sont parfois nommés trous lamellaires « dégénératifs », en opposition aux trous lamellaires « tractionnels » qui correspondent en fait aux membranes avec schisis. Dans ces études, les résultats pour les sous-groupes de trous lamellaires dégénératifs ne confirment pas toujours le bénéfice de la chirurgie. Cependant, quelques séries publiées, dont celle de notre équipe [5], retrouvent une amélioration anatomique et fonctionnelle après une vitrectomie et la dissection de la prolifération dans ces cas de trous lamellaires avec une BAV continue. Une série de petite taille retrouve, chez 12 yeux présentant un trou lamellaire avec prolifération, une amélioration anatomique et fonctionnelle à 6 mois après une vitrectomie et la technique du double flap, qui correspond à la technique décrite ci-dessous [6].
Il n’existe pas non plus de consensus ni de preuve scientifique du bénéfice des différentes techniques chirurgicales. Actuellement, il est préconisé de réaliser une vitrectomie centrale et une dissection prudente de la prolifération en la laissant attachée et raccourcie au bord du trou lamellaire. En effet, la chirurgie de ces proliférations liées aux trous lamellaires diffère de celle des membranes épirétiniennes : la prolifération étant généralement adhérente, elle est disséquée sans être complètement détachée des bords fovéolaires, mais uniquement raccourcie au vitréotome, avec des réglages spécifiques, et laissée attachée au bord du trou.
Dans les cas mixtes présentant une membrane épirétinienne associée, l’ablation de cette membrane épirétinienne sera également réalisée.
Le plus souvent, la membrane limitante interne est pelée afin d’éviter un risque de récidive de prolifération, notamment chez les cas mixtes. Une étude a montré le bénéfice de ce pelage de la limitante interne dans la chirurgie des trous lamellaire [7].
Enfin, l’intérêt d’un tamponnement n’est pas démontré, un éventuel tamponnement par air peut être proposé.

Conclusion

La BAV progressive semble plutôt liée à la durée d’évolution qu’à la prolifération en elle-même, mais il existe une corrélation entre cette prolifération qui apparaît et augmente et la BAV, les 2 évoluant avec le temps. La chirurgie peut être efficace dans un certain sous-groupe de patients présentant un trou lamellaire avec baisse de vision, mais la perte visuelle postopératoire n’est pas rare. Ainsi, dans les cas de trous lamellaires avec une BAV progressive continue, une chirurgie peut être proposée. La chirurgie nécessite une bonne technique, précise, par un chirurgien expérimenté car un pelage du même type que celui d’une membrane épirétinienne risque de transformer le trou lamellaire en trou maculaire de pleine épaisseur. Il est donc nécessaire de disséquer de façon prudente et centripète ce type de prolifération en la laissant attachée au bord du trou et en la raccourcissant avec des réglages spécifiques du vitréotome pour obtenir les meilleurs résultats. Une étude randomisée est nécessaire et est en cours de mise en place sur le plan international.

Références bibliographiques
[1] Hubschman JP, Govetto A, Spaide RF et al. Optical coherence tomography-based consensus definition for lamellar macular hole. Br J Ophthalmol. 2020;104(12):1741-7.
[2] Pang C, Spaide RF, Freund KB. Comparing functional and morphologic characteristics of lamellar macular holes with and without lamellar hole-associated epiretinal proliferation. Retina. 2015;35(4): 720-6.
[3] Compera D et al. Retin Cases Brief ReP 2017
[4] Compera D, Schumann RG, Cereda MG et al. Progression of lamellar hole-associated epiretinal proliferation and retinal changes during long-term follow-up. Br J Ophthalmol. 2018;102(1):84-90.
[5] Chehaibou I, Philippakis E, Mané V et al. Surgical outcomes in patients with lamellar macular holes selected based on the optical coherence tomography consensus definition. Int J Retina Vitreous. 2021;7(1):31.
[6] Frisina R, Parrozzani R, Pilotto E, Midena E. A double inverted flap surgical technique for the treatment of idiopathic lamellar macular hole associated with atypical epiretinal membrane. 

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