Évaluation de 4 meibographes pour le diagnostic de l’atrophie des glandes de Meibomius
La meibographie est une technique qui permet d’évaluer la morphologie des glandes de Meibomius in vivo, de manière non invasive et sans désagréments pour le patient. La plupart des meibographes actuels utilisent la lumière infrarouge pour visualiser directement les structures glandulaires mais les plus sophistiqués permettent une analyse en transillumination avec un « éverseur » de paupières muni d’une source de lumière infrarouge qui produit des images ressemblant à un « négatif ». Nous vous proposons ici un comparatif de 4 appareils testés pendant au moins 30 jours par des opérateurs entraînés.
Nous avons testé 4 meibographes, selon la méthodologie suivante :
- nous avons sollicité les fabricants (et/ou distributeurs) des appareils décrits dans cette étude afin qu’ils nous fassent parvenir la fiche technique de leur choix (utilisée la plupart du temps comme support publicitaire) et qu’ils nous prêtent leurs instruments pendant au moins 30 jours ;
- pour chaque instrument, nous vous présentons la description fournie par l’industriel sans aucune modification de notre part, avec nos commentaires d’utilisateurs confirmés (environ 2 500 meibographies réalisées dans notre centre entre 2016 et 2019) ;
- les meibographes ont été classés en 2 catégories :
• les appareils « simples », pour le dépistage des atrophies meibomiennes : le LipiScan (Tear Science, AMO – J&J) ; le ME-Check (Topcon, Tokyo, Japon),
• les appareils « sophistiqués », pour un diagnostic plus complet de la sécheresse oculaire : le LipiView II (Tear Science, AMO – J&J) ; le LacryDiag (Quantel Médical, France) ainsi que l’IDRA (EDC Lamy).
Avec les meibographes simples, utilisant la lumière infrarouge, les glandes de Meibomius (GM) apparaissent comme des structures tubulaires de couleur blanche (figures 2 et 3). Avec les plus sophistiqués, elles sont de couleur noire et les vaisseaux périglandulaires sont très bien visualisés (figures 1 et 2).
Meibographes simples
LipiScan
Points positifs
- Très bonne qualité des images des GM en illumination infrarouge.
- Possibilité d’images des GM en transillumination avec très bonne visibilité des vaisseaux.
- Mentonnière séparée pour chaque œil permettant une meibographie complète (dite nasotemporale).
- Faible encombrement avec tablette tactile intégrée permettant de placer l’appareil sur une table tournante 4 instruments (figure 3) et de rendre ainsi le dépistage facile et rapide (examen en moins de 5 minutes pour un opérateur entraîné).
- Beau design et très silencieux.
Points négatifs
- Prix relativement élevé avec une maintenance couteuse.
- Pas d’analyse quantitative de l’atrophie ni de compte rendu d’examen.

ME-Check
Points positifs
- Prix très abordable.
- Qualité des images meibographquies correcte pour un dépistage, avec la possibilité d’améliorer l’acquisition en modifiant le contraste et la luminosité.
- Questionnaire OSDI simplifié pour le suivi des symptômes. Possibilité d’envoyer facilement par mail le rapport d’examen au patient.
- Gradation de l’atrophie simple et rapide.
Points négatifs
- Pas de possibilité d’images en transillumination.
- Acquisition de la meibographie sur écran tactile et non au palonnier.
- Finition peu élaborée avec connectiques fragiles et mal protégées.
Meibographes sophistiqués
LipiView II
Points positifs
- Excellente qualité des images des GM en illumination infrarouge (la meilleure des 4 appareils testés).
- Possibilité d’images des GM en transillumination avec très bonne visualisation des vaisseaux inflammatoires.
- Interférométrie du film lacrymal (épaisseur de la couche lipidique des larmes) donnant des valeurs précises et reproductibles.
- Possibilité d’évaluation de la qualité des clignements avec pourcentage des clignements abortifs.
- Compte rendu d’examen disponible.
Points négatifs
- Le prix le plus élevé de sa catégorie avec une maintenance couteuse.
- Ventilateur bruyant.
- Mesure du NIBUT et des rivières lacrymales non réalisable.
- Pas de logiciel d'analyse quantitative de l’atrophie.
LacryDiag
Points positifs
- Qualité correcte des images des GM en illumination infrarouge, mais pas de possibilité d’obtenir des images en transillumination.
- Possibilité d’analyse du NIBUT, de la rivière lacrymale et de l’épaisseur de la couche lipidique.
- Compte rendu d’examen disponible.
- Outil de quantification de l’atrophie glandulaire pratique et facile d’utilisation.
Points négatifs
- Ne fonctionne que relié à un ordinateur, ce qui le rend plus encombrant (possibilité de le fixer à la lampe à fente pour y remédier, mais connexion à l’ordinateur complexe).
- Important temps d’analyse global, ce qui doit être pris en compte pour la durée du dépistage.
- Nécessité de modifier « les embouts » pour chaque mesure (3 capteurs différents en fonction de l’examen réalisé).
- Aspect « laiteux » des GM et définition médiocre des détails anatomiques.
IDRA
C’est le clone du LacryDiag, il a été conçu par la même société italienne (figure 4). L’IDRA est distribué en France par la société EDC Lamy et commercialisé à un prix abordable. Contrairement au LacryDiag, il est évolutif et son logiciel est un peu plus convivial. Il permet de faire des photos des paupières pour iconographier notamment les manchons périciliaires de la blépharite à Demodex. Il semble plus précis que le LacryDiag dans la mesure interférométrique de la couche lipidique.
Conclusion
Les 2 appareils proposés par Johnson & Johnson, issus de la technologie développée par Tear Science – le LipiScan (pour la meibographie simple de dépistage) et le LipiView II (pour une analyse plus complète de la pathologie des GM) – sont actuellement les plus aboutis du marché, avec une qualité d’image très satisfaisante et la possibilité de faire des clichés en transillumination. Le plus gros frein à l’acquisition de ces appareils est lié au prix de vente et au tarif de maintenance.
Le ME-Check est un bon appareil de dépistage si l’on se réfère au rapport qualité/prix. Le LacryDiag et l’IDRA proposent la plus grande diversité de mesures dans un bilan de sécheresse oculaire (NIBUT, épaisseur de la rivière lacrymale, épaisseur de la couche lipidique). Un effort est attendu pour améliorer la qualité des images meibographiques et pour le calcul automatique du pourcentage d’atrophie des glandes. À ces quelques éléments près, ces 2 appareils « multitâches » ont de très belles perspectives d’avenir pour un bilan exhaustif de la sécheresse oculaire.
Pour en savoir plus
TFOS DEWS II. Ocular Surface Journal, juillet 2017; http://www. tfosdewsreport.org
Pisella PJ, Baudouin C, Hoang-Xuan T. Surface Oculaire. Rapport de la SFO 2015. Elsevier-Masson.