Espoirs thérapeutiques dans la DMLA atrophique

La forme atrophique est le parent pauvre des dégénérescences maculaires liées à l’âge. Le traitement « efficace » curatif ou préventif, reposant sur de solides preuves scientifiques, qui permettra de venir à bout de cette pathologie, n’est malheureusement pas pour tout de suite. La mise sur le marché d’un nouveau traitement correspond à un processus long, incertain, coûteux et difficile. Les résultats obtenus ne sont pas toujours concluants mais l’espoir est toutefois de rigueur, supporté par de nombreux essais cliniques en cours.

Une période minimale de 10 ans est souvent nécessaire pour la recherche et le développement de ces molécules innovantes. La sélection est rude : pour 10 molécules qui entrent en phase I, 2 à 3 seulement sortent avec succès de la phase III.  La phase III du lampalizumab, sur laquelle reposaient beaucoup d’espoirs, n’a pas malheureusement pas démontré d’efficacité significative, suscitant ainsi une grande déception pour les rétinologues et les patients. D’autres résultats d’essais thérapeutiques sont en attente, pour des molécules aux phases préliminaires prometteuses.

Une physiopathologie complexe ouvrant plusieurs voies de recherches

La physiopathologie de la DMLA atrophique est complexe et multifactorielle, expliquant la multitude des voies de recherches. Des facteurs inflammatoires, oxydatifs, génétiques et environnementaux sont impliqués.
Les cibles thérapeutiques dans la DMLA atrophique sont multiples.
• Anti-inflammatoires
- Antifacteur C3 du complément : POT 4
- Antifacteur C5 du complément : ARC1905, éculizumab
- Antifacteur D du complément : lampalizumab
- Immunomodulateur : acétate de glatiramère, Iluvien
• Neuro-protection
- CNTF
- Brimonidine
• Protection mitochondriale
• Cellules souches
• Thérapie génique
• Inhibiteur du cycle visuel

La voie inflammatoire

La cascade du complément est divisée en 3 voies : la voie classique, la voie des lectines liant le mannose et la voie alterne. Chacune d’entre elles joue un rôle distinct dans la fonction immunitaire par différents mécanismes d’activation. Les 3 voies convergent vers une seule voie finale via le clivage du facteur C3 du complément en C3a et C3b qui conduit à la phagocytose, à l’inflammation, à la formation du complexe d’attaque membranaire (MAC) et finalement à la mort cellulaire

Antifacteur C3 du complément : APL-2 et POT 4 (figure 1)

La molécule APL-2 inhibe la voie du complément en agissant sur le C3, bloquant ainsi le C3a, C3b, C5, C5a et C5b. L’étude FILLY de phase II, randomisée, multicentrique portant sur 246 patients. Les résultats montrent à 1 an une réduction de la progression de l’atrophie de 29% pour le groupe traité en mensuel par rapport au groupe témoin.
Les résultats se maintiennent à 18 mois. Aucune différence n’a été retrouvée en termes d’AV entre les différents groupes. Une phase III est instaurée avec une vigilance sur les risques de complications néovasculaires éventuellement accrus.
POT 4 (Potentia Pharmaceuticals; Inc.) est un petit peptide qui se lie à la fraction C3 (empêchant l’isomérisation de C3a en C3b). L’administration se fait sous forme de gel dégradable administré par injection intravitréenne. Cependant les résultats de la phase II ne sont pas concluants.

Antifacteur C5 du complément : ARC1905 et éculizumab (figures 2-3)

ARC-1905 (Ophthotech Corp.) est un aptamer anti-C5 et là encore, les résultats sont décevants. L’éculizumab (Soliris ; Alexion Pharmaceuticals, Inc.) est un anticomplément inhibant le clivage du C5 en C5a et C5b, empêchant ainsi la formation du MAC. L’étude de phase II COMPLETE portant sur une trentaine de patients n’a pu démontrer de ralentissement de la croissance des lésions atrophiques.

Antifacteur D du complément : lampalizumab (figure 4)

La voie du complément a été évaluée avec le lampalizumab agissant en inhibant le facteur D, et donc la voie alterne du complément. Après des résultats prometteurs en phase II de l’étude MAHALO (qui avait même démontré une progression moindre de l’atrophie par rapport au placebo à 18 mois), l’efficacité n’a pas été retrouvée en phase II (études SPECTRI et CHROMA), ce qui a conduit à son abandon. Les études de phase III CHROMA et SPECTRI étaient pourtant ambitieuses, avec plus de 936 patients inclus.

Immunomodulateur : acétate de glatiramère, Iluvien

L’acétate de glatiramère qui est utilisé dans la prévention des poussées de sclérose en plaques est un immunomodulateur également testé dans la dégénérescence maculaire atrophique. Administré par voie sous-cutanée, il a permis d’observer quelques cas de régression de drusen. Une phase II est actuellement en cours.
En ce qui concerne l’acétonide de fluocinolone (Iluvien, Alimera Sciences), un traitement à base de corticoïdes ayant prouvé son efficacité dans l’œdème maculaire diabétique, il a déjà obtenu une autorisation de mise sur le marché européenne dans cette indication. Son utilisation dans l’atrophie géographique pourrait ralentir la progression des lésions. Une étude de phase II incluant une quarantaine de patients est en cours, les résultats sont attendus.

La neuroprotection

La neuroprotection est en cours d’évaluation avec le CNTF (ciliary neurotrophic factor) et la brimonidine dans le traitement de la DMLA atrophique.

CNTF (figure 5)

Le laboratoire Neurotech développe un implant (cellules encapsulées) à libération prolongée de CNTF. Après avoir démontré sa capacité à diminuer la dégénérescence des photorécepteurs chez l’animal, une étude de phase II a mis en évidence une perte d’acuité visuelle moindre chez les patients sous traitement vs placebo, ainsi qu’une augmentation de l’épaisseur maculaire. Ces données devront être confirmées par de plus vastes essais.

Brimonidine (figures 6,7)

Il s’agit du même dispositif que l’implant dexaméthasone. L’étude de phase II BEACON, qui a recruté 300 patients, a évalué l’efficacité d’une injection à l’inclusion et à 6 mois. La brimonidine a montré une certaine efficacité dans la réduction de la progression de l’atrophie 14% à 24 mois et 13% à 30 mois en phase IIb. La tolérance était bonne, sans risque de néovascularisation supplémentaire. Ces résultats motivent une phase III à venir.

La protection mitochondriale

La dysfonction mitochondriale pourrait jouer un rôle dans les dépôts sous-rétiniens, les drusen et l’atrophie géographique. L’elamipretide, un protecteur mitochondrial, testé dans l’étude de phase I RECLAIM, a montré une amélioration de l’acuité visuelle à 24 semaines chez 9 des 13 patients analysés.

Les cellules souches

Enfin, les très médiatisées cellules souches (figure 8) sont également dans la course, avec des cellules humaines pluripotentes embryonnaires (hESC) ou induites (iPSC). Cette année, à l’ARVO 2018, l’équipe de Schwartz a rapporté des premières données de tolérance à 3 ans et annoncé le démarrage d’une étude de phase II multicentrique au vu des bons résultats de tolérance.

Thérapie génique

L’étude de phase Ib HMR (Hemera Biosciences) a inclus 17 patients pour une thérapie génique par injection intravitréenne (figure 9). Le produit actif du gène en question était le CD59 soluble (sCD59), une protéine naturelle inhibitrice du complexe d’attaque membranaire, une substance retrouvée dans les drusen. Le suivi était de 18 mois, avec une augmentation progressive des doses et une bonne tolérance locale. L’étude de phase II, HMR-2001, doit analyser plus précisément l’efficacité en termes de croissance des lésions atrophiques.

Inhibiteurs du cycle visuel

Le fenrétinide (RT-101, Sirion Therapeutics, Inc.), un dérivé synthétique de la vitamine A par voie orale, n’a pas réussi à faire mieux qu’un placebo dans une étude de phase II incluant 246 patients.
Une voie thérapeutique novatrice est l’emixustat (Acucela Inc.), un inhibiteur du RPE65, de la lipofuscine et du cycle visuel. L’emixustat n’a pas réussi à réduire le taux de croissance de l’atrophie dans la DMLA. Les effets indésirables les plus courants étaient de nature oculaire et probablement liés au mécanisme d’action du médicament.

Conclusion

À l’heure actuelle, nous ne disposons pas de thérapeutique efficace dans la DMLA atrophique malgré un effort intense de la recherche.
Cependant, plusieurs nouveaux médicaments, notamment ceux ciblant la cascade du complément et les agents considérés comme neuroprotecteurs, ont donné des résultats prometteurs. Les différents essais ont été menés chez des participants avec des zones d’atrophies significatives déjà présentes. Il se peut que des études plus précoces et plus longues puissent démontrer un effet plus efficace.
Pour l’heure, seule la supplémentation orale vitaminique, antioxydante et en pigments maculaire est recommandée de façon incontestée pour lutter contre la progression de la DMLA atrophique, selon les résultats des études de l’AREDS (age-related eye disease study).

Auteurs

  • Mayer Srour

    Ophtalmologiste

    Centre hospitalier intercommunal, Créteil

  • Oudy Semoun

    Ophtalmologiste

    Centre hospitalier intercommunal, Créteil ; Institut d'ophtalmologie du Panthéon, Paris

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