Echos SFO. Actualité kératocône

Épidémiologie et stabilisation de la maladie
D’après l’intervention de David Touboul
Malgré la forte association familiale retrouvée, l’origine génétique de la maladie semble limitée. En effet il n’a pas été mis en évidence de transmission génétique de type mendélienne et de nombreux biais existent pour l’établisssement d’un lien familial : autres traits à transmission génétique (atopie, astigmatisme, épaisseur et bombement cornéens, morphologie orbitopalpébrale) et regroupement environnemental.
L’origine dégénérative de la maladie est étayée par plusieurs arguments : période d’aggravation limitée dans le temps, facteurs d’exposition associés et forte association avec des frottements oculaires pathologiques, la progression de la maladie pouvant s’arrêter à l’arrêt de ces derniers.
Néanmoins le kératocône (KC), par une vision et un film lacrymal instables, pourrait en lui-même être inducteur de frottements, compliquant ainsi la distinction entre la cause et la conséquence.
De plus, les nombreux cas de KC sans passif de frottements restent le témoin de notre compréhension incomplète des mécanismes fondateurs et de son origine multifactorielle.
Néanmoins les frottements oculaires et ses causes multiples (atopie, sécheresse, stress oxydatif, micro-inflammation, floppy eyelid syndrom, mais aussi troubles du comportement) constituent une cible privilégiée de traitement. Pour cette raison, il apparaît nécessaire de valider un questionnaire sur les frottements oculaires, support adapté permettant une introspection pour le patient et une évaluation fiable et reproductible pour les cliniciens.

Quelle stratégie et quels outils pour évaluer l’évolutivité d’un kératocône avéré ?
D’après l’intervention de Pierre Fournier
La topographie cornéenne et ses cartes différentielles constituent un support privilégié pour évaluer l’évolutivité. De nombreuses publications ont tenté d’établir des valeurs seuils de kératométrie et de pachymétrie, voire des logiciels d’aide à la décision.
Néanmoins ces valeurs seuils sont inférieures à la variabilité de mesures topographiques successives, a fortiori sur des yeux atteints d’un KC (cornée irrégulière, film lacrymal instable, moins bonne fixation).
Il est donc recommandé de réaliser les mesures sur le même appareil, idéalement en moyennant 3 mesures successives et, en cas de port de lentilles rigides, de les retirer quelques jours avant en suivant toujours le même délai avant l’examen. Il n’y a donc pas un marqueur quantitatif de progression mais plutôt un faisceau d’arguments prenant en compte le bombement antérieur et postérieur, l’amincissement cornéen et la variabilité de nos mesures.
En dehors de ces paramètres quantitatifs, il est nécessaire d’intégrer les facteurs de risque établis de progression du KC : âge jeune, forme sévère de KC, atopie, frottements ou appuis oculaires, déficit mental, antécédents familiaux ou encore le cas particulier de l’ectasie post-LASIK.
Enfin, si un doute persiste malgré tout, il faut savoir revoir le patient à distance, le cross-linking (CXL) étant rarement une urgence.

Adaptation en lentilles de contact : quel est le taux de succès et comment l’améliorer ?
D’après l’intervention d’Agnès Delcampe
Il est nécessaire de prendre en compte la gêne fonctionnelle plus que l’acuité visuelle, le type d’activités, le travail, les allergies et les antécédents de port de lentilles. La lentille rigide (LR) est à proposer en première intention, sauf chez des patients déjà adaptés et satisfaits en lentilles souples (LSH).
Il faut utiliser des boîtes d’essai adaptées, avec des lentilles spécifiques, et déterminer le Rc central adapté à la kératométrie, les dégagements pour s’adapter à l’applatissement, et l’edge lift en périphérie qui procure confort et mobilité.
Le KC peu évolué est éligible à une LR standard sphéro-cylindrique, le KC central pointu avec périphérie plate profite d’une géométrie « nipple cone », le KC étalé/ ovale, d’une géométrie « multicourbe », enfin dans le cas d’un KC décentré, il est nécessaire d’augmenter la taille des lentilles.
L’image fluo doit montrer une image en cocarde avec un léger appui sur le cône pour répartir le poids de la lentille.
À la fin des essais, il convient de prescrire des lentilles en prêt, d’expliquer les manipulations et de réaliser un contrôle après 3 à 4 semaines de port progressif. Si le patient est satisfait avec un bon contrôle fluo et de mobilité, alors on réalise la prescription définitive avec ajustement de la puissance et on revoit le patient à la fin de la garantie des lentilles, soit 3 mois. S’il n’est pas satisfait malgré une bonne image fluo, on peut envisager le piggy-back qui, en ajoutant une LSH sous la LR, permet à la fois un meilleur confort mais aussi un recentrement et une stabilisation, ou encore les lentilles hybrides, voire cornéo-sclérales ou sclérales. Ces dernières, en évitant le contact cornéen, peuvent également être indiquées en cas de piqueté, d’ulcère ou de taies cornéennes superficielles au sommet du cône. Enfin la surface doit faire l’objet d’une prise en charge particulièrement soigneuse, cela afin d’éviter un rebond de frottements au retrait des lentilles.

Place du laser dans les différentes procédures thérapeutiques
D’après l’intervention d’Olivier Prisant
La chirurgie conservatrice du KC peut avoir pour objectif de stabiliser la vision – c’est le cas du cross-linking (CXL) – ou d’améliorer la vision par un applatissement personnalisé de la cornée.
La séquence logique retenue pour un applatissement personnalisé est une prise en charge en 2 temps : d’abord les anneaux intracornéens (AIC), technique additive permettant de réaliser une forte régularisation (environ 80%) mais avec une précision moindre : puis, quelques mois plus tard si la réserve pachymétrique le permet, le laser topoguidé, technique ablative offrant une grande précision mais une régularisation moindre en raison d’une ablation limitée. La désépithélialisation est mécanique. Puis, en fin de procédure, un CXL est systématiquement associé, même dans le cas d’une forme non évolutive.
L’avènement de ces procédures conservatrices a permis une augmentation des indications du laser Excimer, avec le développement de la « PKR XTRA » associant PKR (personnalisée ou non) à un CXL systématique.
Enfin après une greffe de cornée, le laser peut servir à la réalisation d’incisions arciformes (laser femtoseconde) ou d’une PKR topoguidée.

La prise en charge d’une ectasie postchirurgie réfractive (PRK, Lasik, Smile) est-elle différente de celle du kératocône ?
D’après l’intervention de Myriam Cassagne
Les facteurs de risque sont regroupés dans le score de Randleman qui comprend le pattern topographique, l’épaisseur du mur résiduel postérieur, le pourcentage de tissu altéré (incluant l’épaisseur du capot), l’épaisseur cornéenne centrale, l’âge jeune et la profondeur de l’amétropie. Les frottements oculaires ne sont pas pris en compte.
Dans le cas d’indications limites, il est important d’insister sur l’éviction des frottements oculaires et de revoir le patient de façon rapprochée les premières années. Pour le Smile, contrairement à ce qui avait pu être annoncé au départ, les critères de sélection cornéens doivent être les mêmes que pour le Lasik.
Le risque d’ectasie reste tout de même plus faible dans la PKR. La procédure Lasik associée au CXL, dite Lasik XTRA, est une technique sûre mais dont l’efficacité reste à démontrer.
Malgré toutes les précautions, si une ectasie survient, la prise en charge utilise les mêmes outils que le KC mais est souvent plus compliquée en raison de l’épaisseur résiduelle plus fine ainsi que du profil de patient.

Kératocône aigu ou hydrops
D’après l’intervention de Marc Muraine
La survenue de cet œdème stromal aigu est largement associée à des frottements oculaires très importants. La rupture de la Descemet ne suffit pas, il faut une atteinte de la couche de Dua et du stroma postérieur.
Il évolue vers la résolution spontanée en 2 à 4 mois par réapplication des bords de la Descemet, permettant la migration de l’endothélium, mais est alors générateur de cicatrices séquellaires.
Des traitements par injection intracamérulaire de gaz (SF6, C2F6, C3F8) ont d’abord été décrits. Plus récemment, les sutures compressives prédescemétiques de la cornée au nylon 10/0 semblent apporter de meilleurs résultats et peuvent être associées à l’injection de gaz et à l’adaptation rapide en lentilles sclérales. S’il n’y a pas de rupture de la Descemet, on peut réaliser des sutures périphériques passant en pont la cornée afin de l’aplatir, et donc rapprocher stroma et Descemet.
Enfin, quelques auteurs ont développé des techniques de mini-DMEK positionnée en regard de la déchirure.

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