Echos Rétine chirurgicale

Nous revoilà donc après 2 années bien particulières, à glaner en présentiel des nouveautés chirurgicales dans les allées et les salles du palais des Congrès, en essayant de se dire que « c’est comme avant » malgré quelques masques sur les visages. Certains même se serrent la main ou s’embrassent en faisant un pied de nez au Covid !

CFSR 2022 : retour aux fondamentaux tout en restant connecté
Véronique Pagot-Mathis

Chirurgie pédiatrique : « Less is more »
Le Club francophone des spécialistes de la rétine (CFSR) nous a fait plonger dans ce monde à part que représente la chirurgie de la rétine de l’enfant. Outre les singularités anesthésiques (petit poids, enfants syndromiques…) et les étiologies spécifiques pédiatriques, Alejandra Daruich a rappelé les particularités de la chirurgie vitréo-rétinienne de l’enfant :
- retard de diagnostic du fait du jeune âge avec de sévères décollements de la rétine (DR), macula Off, compliqués d’une prolifération vitréo-rétinienne (PVR) dans 40% des cas, nécessitant souvent un tamponnement interne par huile de silicone du fait de l’impossibilité de maintenir une position postopératoire sous gaz ;
- décollement souvent bilatéral de la rétine dans 15% des cas, avec un fort pourcentage de décollements exsudatifs et par traction ;
- il faudra toujours éliminer un rétinoblastome par une échographie en mode B et un examen sous anesthésie générale avant la prise en charge avec examen de l’œil adelphe ; connaître les spécificités chirurgicales de chaque étiologie ;
- les particularités anatomiques sont nombreuses : longueur axiale courte et globe en croissance, parfois nanophtalmie, sclère fine, cristallin plus volumineux, propension à la PVR, absence de pars plana avant l’âge de 12 mois. De ce fait, on privilégiera l’abord ab externo avec section des cerclages avant l’âge de 2 ans pour la chirurgie des DR. Si l’abord par vitrectomie postérieure est décidé, il se fera par la pars plicata ou par la pars plana avec des sclérotomies en deçà de 1 mm avant l’âge de 12 mois et à 3 mm vers l’âge de 4 ans, avec introduction des trocarts sans tunnellisation. Le décollement du vitré n’est pas systématique (sauf dans le cas d’un DR rhegmatogène [Georges Caputo]) en s’aidant de Kénacort® du fait d’une forte adhésion vitréo-rétinienne et du risque de déchirures iatrogènes ; éviter les rétinotomies et toujours suturer les voies d’abord. Un tamponnement interne n’est pas obligatoire ;
- l’abord antérieur est souvent pratiqué avec abord au limbe, en particulier dans la prise en charge de la persistance de la vascularisation fœtale (G. Caputo).

 

Des gestes chirurgicaux « d’une autre époque… » sont retrouvés dans la prise en charge des pathologies pédiatriques qu’il faut se réapproprier, comme la chirurgie ab externo sur des sclères fines, des ponctions de liquide sous-rétinien avec incision sclérale et abord choroïdien (figure 1), des ablations de membrane néovasculaire maculaire sur néovaisseau de type 2 par voie de vitrectomie 25 gauges, mais avec des instruments spécifiques 20 gauges tels les fameux instruments de Thomas pour la chirurgie sous-rétinienne que nous n’avons plus dans nos placards (figure 2) (Youssef Abdelmassih, Georges Caputo). Il est parfois utile également d’utiliser la transillumination sclérale pour vérifier la position des trocarts de vitrectomie (Alejandra Daruich).

Figure 1. Ponction du liquide sous-rétinien par abord choroïdien et incision sclérale.
Figure 2. Instruments de Thomas 20 gauges angulés pour une chirurgie sous-rétinienne.

Les anti-VEGF sont largement utilisés hors AMM, que ce soit dans les néovaisseaux sous-rétiniens maculaires (Youssef Abdelmassih), dans la rétinopathie des prématurés avec une surveillance systématique à 1 mois (Florence Metge, Amandine Barjol), et même en sous-rétinien dans les DR totaux liés à la maladie de Coats après laser externe en première intention (Florence Metge), en privilégiant le bévacizumab.

Bien voir pour bien opérer
Les microscopes digitaux font partie aujourd’hui du plateau technique des blocs opératoires autant pour la chirurgie du segment antérieur que du segment postérieur, en n’oubliant pas que l’image 3D est donnée aussi par les microscopes optiques. Alors évolution ou révolution ? Deux produits Zeiss et Alcon sont actuellement sur le marché. Ce qui est certain, c’est qu’il existe toujours un temps de latence plus ou moins ressenti par le chirurgien, surtout pour le temps opératoire externe, et que le bras du microscope peut gêner dans l’installation (Yannick Le Mer). Ce qui est certain également, c’est le coût de ces machines et parfois des problèmes de positionnement de l’aide opératoire, ce qui est ennuyeux pour une machine réputée être un outil pédagogique (Jad Akesbi). Cependant, les microscopes digitaux sont le triomphe de la chirurgie maculaire, en particulier du myope fort (François Devin).
Le décollement du vitré est difficile chez ces patients et la disparition des oculaires augmentent la profondeur du champ opératoire. Le gossissement est plus important de 2% environ, et il n’est plus nécessaire de faire le focus en permanence. La dissection de la limitante interne est facilitée, même sans colorants, surtout toujours chez le myope fort. Il est possible d’utiliser des filtres et le passage en monochromie améliore les reliefs, et donc la recherche de plans de clivage. Enfin le niveau de lumière nécessaire est grandement diminué, d’au moins 50%, ce qui peut limiter une certaine phototoxicité. Différentes options additionnelles sont possibles, telles que l’OCT intégré pour faciliter la chirurgie des trous maculaires toujours et surtout du myope fort, des caméras pour réaliser l’endoscopie. Concernant l’OCT peropératoire, nous pouvons résumer son intérêt avec Olivier Barale : surtout pour la macula des myopes forts, « bof » pour la chirugie du DR et oui pour la chirurgie des implants rétiniens.
Enfin le « switch » est toujours possible vers les oculaires, très facile sur la machine Zeiss, quoique les adeptes du digital jurent que cela ne leur arrive jamais !
Si les colorants sont moins utilisés grâce aux microscopes digitaux, ils retrouvent un intérêt dans la chirurgie des DR sans déchirures visibles en préopératoire, en vidant le colorant par une éventuelle déchirure à l’aide de perfluorocarbone liquide. Ils permettent également de faciliter la chirurgie des trous maculaires de grande taille avec membrane amniotique en colorant le BSS autour de la bulle de perfluorocarbone liquide qui maintient la membrane (Vincent Pierre-Kahn).

Dernière nouvelles
Attention à l’endophtalmie dans la chirurgie combinée cataracte et vitrectomie ! Nous le savions et nous appliquions sans état d’âme la prophylaxie de la chirugie de la cataracte intracamérulaire, même dans le cas d’une rutpure capsulaire. Après une vitrectomie postérieure, nous étions plus rassurants envers le patient concernant le risque infectieux… Après une IVT, le risque d’endophtalmie est faible, de 0,025% environ, mais après une vitrectomie pour membrane maculaire il atteint 0,25% et est 2 fois plus important qu’après une vitrectomie pour trou maculaire, ce qui donne un volume d’infection élevé par rapport au chiffre des chirurgies vitréo-maculaires. Nous savons que la vitrectomie est limitée et sans tamponnement interne dans la vitrectomie pour membrane maculaire. Il faut oublier l’antibioprophylaxie par voie générale per os ou intraveineuse que prescrivent nos anesthésistes chez les diabétiques et les monophtalmes. Il faut reprendre la main sur la prescription (Catherine Creuzot-Garcher). Il suffit de respecter en peropératoire des règles simples mais systé- matiques – détersion par bétadine toujours, incisions obliques des trocarts, recouvrement conjonctival des sclérotomies –, de rechercher à la mouillette la mèche de vitré dans la sclérotomie. Les sous-conjonctivales de gentamycine ne servent à rien et peuvent entraîner des infarctus maculaires ! Voilà, mais il y a les recommandations de la SFAR (Jean-François Korobelnik).
Une autre pseudo-certitude de rétinologue remise en cause par Vincent Soler : il n’y a pas de corrélation entre la météo et l’apparition d’un DR. Il y a une corrélation, comme l’a montré l’équipe du CHU de Dijon, peut-être entre les déplacements et la survenue des DR. Les DR ont diminué pendant le confinement. Or, comme dit Vincent, « nous bougeons plus l’été ! ».

Les cours de la SFO en 2022
Clément Escudier, Pierre Kantor

Session « Rapid Fire »
Quid du flare de l’humeur aqueuse dans les DR rhegmatogènes traités ?
Il est admis que le flare de l’humeur aqueuse est un marqueur prédictif de survenue de PVR en postopératoire. L’étude présentée par le Dr Anne-Claude Madkaud permet de comparer les mesures pré- et postopératoires du flare dans les DR tamponnés par huile de silicone ou par gaz, et retrouve un taux de flare plus élevé en préopératoire et à 3 mois postopératoire dans le groupe de DR traités par tamponnement avec huile de silicone. Cette mesure du flare préopératoire peut donc aider dans le choix du tamponnement d’un DR rhegmatogène.

Remontée de l’acuité visuelle (AV) dans les trous maculaires (TM) entre fermeture spontanée et fermeture chirurgicale
L’étude présentée par le Dr Toumi compare l’AV finale et le gain d’AV après fermeture spontanée ou chirurgicale des TM. Trois sous-groupes ont été analysés en fonction de la taille des trous maculaires : petits (moins de 100 µ), moyens (entre 100 et 150 µ) et grands (plus de 150 µ). L’étude ne retrouve pas de différence significative entre la fermeture chirurgicale ou spontanée en termes de gain sur l’AV finale, sauf sur le groupe des TM modérés où il a été retrouvé un gain d’AV supérieur dans le groupe par fermeture chirurgicale.

Vitrectomie seule ou vitrectomie avec indentation dans les DR inflammatoires non exsudatifs ?
Les DR inflammatoires non exsudatifs sont principalement rhegmatogènes et dus à des causes infectieuses (75%) dans cette série de 55 yeux. La grande majorité des yeux opérés l’a été par voie de vitrectomie seule mais les auteurs n’ont noté aucune récidive si une indentation épisclérale était posée en complément de la vitrectomie, notamment dans les cas complexes. La comparaison des différents résultats anatomiques et fonctionnels n’a pas été significative en raison d’un trop faible effectif, mais les auteurs rappellent l’efficacité de cette technique dans les décollements inflammatoires avec, comme hypothèse principale, un « relâchement de la base du vitré favorable ».

Symposium franco-libanais
DR rhegmatogènes : tamponnement par huile de silicone ou indentation ?
L’étude présentée par le Dr Jalkh montre les résultats anatomiques, fonctionnels et les complications entre le traitement par tamponnement par huile de silicone et l’indentation. Sur le plan anatomique, il est retrouvé plus de risques de récidive en cas de macula Off par traitement par cerclage vs vitrectomie. Ces résultats ne sont pas significatifs en cas de macula On. Sur le plan fonctionnel comme sur les complications, il n’est jamais retrouvé de différence significative entre les 2 groupes et ce, indépendamment du statut maculaire (On ou Off).

Tamponnement par huile de silicone en traitement des DR primaires : résultats et complications
L’étude du Dr Charbel El Habre montre que la survenue de complications est surtout liée au statut maculaire ainsi qu’à la présence ou non d’une déchirure géante, et que ces complications maculaires jouent un rôle majeur dans la récupération fonctionnelle. Le taux de succès anatomique et de la récupération fonctionnelle sont élevés et lorsque les complications maculaires sont accessibles à un traitement médical ou chirurgical, il n’y a pas d’influence sur l’AV finale.

Place de la vitrectomie précoce dans les hémorragies intravitréennes (HIV) idiopathiques sans DR associé
Malgré l’aspect « rassurant » à première vue de ces tableaux cliniques, une partie non négligeable peut présenter un DR ou une déchirure non diagnostiquée lors de l’examen ou peut se compliquer à la suite de l’examen. La réalisation d’une vitrectomie urgente dans ce tableau clinique d’HIV idiopathique peut se discuter. Dans le cas d’un DR méconnu, le risque de récidive est plus élevé s’il est associé à une HIV et il le sera d’autant plus que le délai d’attente opératoire sera long. Le traitement chirurgical a au contraire montré une très bonne réussite anatomique et fonctionnelle avec un rapport bénéfice/ risque favorable.

Controverse rétine : traction vitréo-maculaire (TVM) symptomatique, quelle attitude thérapeutique en première intention ?
D’abord le gaz
L’utilisation de C3F8 pour réaliser une vitréolyse pneumatique peut être envisagée comme traitement de première intention pour des patients avec un fort taux prédictif de levée de la traction : pas de membrane prérétinienne, femmes, moins de 65 ans, épaisseur maculaire maximale inférieure à 500 µ, taille de l’attache vitréo-maculaire inférieure à 750 µ, absence de diabète et association à la TVM d’un TM de petite taille. Cette technique a l’avantage d’être peu coûteuse et peu invasive. Elle présente néanmoins des risques non négligeables de DR et de formation ou d’élargissement d’un TM.

D’abord la vitrectomie
Le risque de recourir à une vitrectomie va augmenter dans les 3 à 6 premiers mois. Une vitrectomie tardive ou une résolution spontanée ont les mêmes résultats fonctionnels.
Il convient de réaliser une vitrectomie dans le cas d’une TVM symptomatique persistante entre 3 et 6 mois maximum, ou entre 1 et 3 mois maximum en présence d’un TM associé sans perte de vision, sinon le plus rapidement possible dans le cas d’un TM avec perte de vision. Il conviendra également de réaliser le plus tôt possible la vitrectomie en cas d’échec d’une vitréolyse enzymatique ou pneumatique.

En résumé : que choisir ?
La vitréolyse (pneumatique ou enzymatique à l’ocriplasmine) est une alternative possible à la chirurgie en cas de facteurs locaux favorables, mais présente des risques non négligeables de complications devant conduire à un recours en urgence à la vitrectomie. Il convient, si on choisit une technique de vitréolyse en première intention, de toujours informer le patient d’un risque d’échec et d’un recours à la vitrectomie chirurgicale en deuxième temps.

Place de la vitrectomie, de l’indentation sclérale et de la combinaison des 2 techniques
DR inférieur : vitrectomie ou indentation
Frédéric Matonti et Clément Franceschetti
Il faut bien différencier les DR inférieurs, dont la déchirure causale est supérieure, de ceux dont la déchirure responsable est inférieure. En reprenant les données de la littérature, il ne semble pas exister de différence si la déchirure est inférieure mais il a été prouvé chez les phakes que la vitrectomie associée à l’indentation était plus efficace. Les 2 orateurs rappellent que chaque technique a ses avantages et ses complications propres qu’il faut mesurer et plus associer qu’opposer au cas par cas.

Décollement de la rétine dans le syndrome de Stickler : facteurs de succès anatomiques et fonctionnels après chirurgie
Sur 106 yeux, la vitrectomie seule en tant que première chirurgie a été isolée comme un facteur de mauvais pronostic pour le succès anatomique et fonctionnel. Le décollement maculaire et la PVR sont également de mauvais pronostics, contrairement à l’indentation sclérale et à l’âge de survenue supérieur à 6 ans.

Étude de la cinétique de résolution anatomique fovéoschisis après une vitrectomie
William Beaumont
La résolution est un processus long. La part de schisis interne se résout plus rapidement que la part externe et que le décollement fovéolaire. Ces derniers sont ainsi probablement plus en lien avec une combinaison de facteurs mécaniques et de dysfonction cellulaire.

Chirurgie vitréo-rétinienne sur simulateur
Jean-Baptiste Conart
Déjà bien connus pour la chirurgie de la cataracte, les simulateurs chirurgicaux existent aussi pour la formation en chirurgie vitréo-rétinienne. Ici, le EyeSi semble être un outil pédagogique valide pour évaluer les compétences et suivre leur évolution. Il pourrait permettre de créer une certification des internes pour pouvoir opérer et présente un intérêt s’il est intégré dans un programme d’entraînement et de suivi. Quel est le transfert des compétences vers un vrai patient en conditions réelles et quelle est sa place dans la maquette de DES restent des questions en suspens.

Vitrectomie pour luxation postérieure de fragments cristalliniens après une chirurgie de la cataracte
Jean-Charles Vermion
Les résultats fonctionnels et la survenue de complications de la vitrectomie postérieure pour luxation du matériel cristallinien chez les patients repris le jour même et ceux ayant bénéficié d’une chirurgie différée (moyenne dans cette série de 4,3 jours) ne sont pas statistiquement différents. La deuxième procédure réalisée dans la même journée permet d’éviter au patient de revenir lors d’un nouveau séjour mais reste fonction de la disponibilité du tableau opératoire, du chirurgien vitréo-rétinien et de la sévérité initiale du tableau.

Vitrectomie et glaucome
Mario Motta
Les facteurs de risque de développer un glaucome sont la rétinopathie diabétique, la PVR, l’huile de silicone dans la chambre antérieure, la myopie forte et l’aphakie. Il faut différencier l’hypertonie précoce – qui est en lien avec des complications liées à l’intervention – et l’hypertonie tardive. Si une hypertonie est présente, il ne faut pas oublier de réaliser une gonioscopie à la recherche d’huile de silicone émulsifiée. Lors d’une vitrectomie non compliquée, l’hypertonie tardive est causée par la modification des pressions en oxygène dans l’œil et l’oxydation du trabéculum.

Auteurs

  • Véronique Pagot-Mathis

    Ophtalmologiste

    Unité rétine, service d’ophtalmologie, hôpital Pierre-Paul Riquet, CHU Toulouse

  • Clément Escudier

    Ophtalmologiste

    Unité rétine, service ophtalmologie, hôpital Pierre-Paul Riquet, CHU Toulouse

  • Pierre Kantor

    Ophtalmologiste

    Unité rétine, service ophtalmologie, hôpital Pierre-Paul Riquet, CHU Toulouse

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