Échos de la SOPREF 2023
Retour sur le congrès annuel de la Société ophtalmologique plastique reconstructrice et esthétique francophone

Ce congrès annuel présidé par le Dr Éric Sarfati a mis l’accent sur les cavités anophtalmiques et la neuro-ophtalmologie en orbito-palpébral.
Les sessions ont débuté après un tour d’horizon sur les actualités en paupière, voies lacrymales et orbite. Notons une fresque intéressante sur le tocilizumab proposée par Dr Charles-Henry Rémignon, qui a présenté une belle discussion des avantages et lacunes actuels de cet immunomodulateur dans l’orbitopathie dysthyroïdienne.
Session paupière et esthétique
Les Drs Éric Baggio et Marine Espinasse ont ouvert la session en partageant leur expérience sur la réinsertion, avec de bons résultats, du muscle releveur de la paupière supérieure par voie postérieure, et une discussion sur les indications par rapport à la voie antérieure. Le Dr Sarfati a proposé des alternatives médicales au traitement de l’entropion de la paupière inférieure, à savoir l’injection de toxine botulique, le laser CO2 et l’injection d’acide hyaluronique volumateur. Il a conseillé cette dernière méthode, utilisée depuis 2 ans, pour les patients âgés qui refusent la chirurgie ou pour lesquels elle est contre-indiquée ; son effet est immédiat, son efficacité persiste plus longtemps que celle de la toxine botulique, mais avec un gonflement de la paupière inférieure qui persiste. Le Dr Chloé Tana a développé une présentation bien illustrée sur l’importance des biopsies dans les conjonctivites chroniques. Elle conseille, en cas de doute, de répéter les prélèvements, en particulier un prélèvement bactériologique par PCR pour recherche de chlamydia ainsi qu’une biopsie pour examen anatomopathologique avec immunofluorescence à la recherche d’un carcinome conjonctival ou d’une maladie bulleuse. Le Dr Julie Colne et son équipe ont discuté de l’intérêt de l’acide hyaluronique dans les pertes de volume périoculaires liées aux pathologies glaucomateuses. Le Dr Ferrete a dévoilé les résultats d’une étude réalisée au CHU de Nice, qui a trouvé une association statistique entre le Floppy Eyelid et le Floppy Iris.
Les Drs Mathieu, Cyrielle Bela, Victor Desfeux et Michel Tazartes ont partagé leur expérience en esthétique sur, respectivement, la toxine botulique dans la ptose du sourcil et le ptosis, le traitement des poches malaires modérées par radiofréquence fractionnée avec microneedling, le devenir à long terme des injections d’acide hyaluronique dans les cernes, et la lipostructure. Les Drs Ben Said et Olfa Turki El Fekih ont présenté un résumé intéressant sur les causes de mécontentement des patients après une blépharoplastie supérieure, qui se résument en 4 points : anomalie de position des paupières, anomalie de volume de la paupière, mauvaise position du pli palpébral, excès cutané résiduel.
Table ronde : les cavités dans tous leurs états
Nous avons eu la chance de profiter de la présence de nos collègues ocularistes pour cette table ronde sur les cavités anophtalmiques, particulièrement intéressante et développée. Leurs avis et points de vue ont été utiles et très appréciés.
Le Dr Frédéric Mouriaux a ouvert cette session avec un exposé sur l’inflammation des cavités, en miroir de celui d’Yves Quentin, qui a illustré notamment le conformateur-compresseur. Philippe Gardon a présenté les nouveautés sur les prothèses et le processus de fabrication des prothèses en PMMA. Nous retenons également qu’en France, on recense environ 100 000 porteurs de prothèses oculaires. Victoria Villanova a présenté sa prise en charge de l’instabilité de prothèse et du ptosis sur prothèse. L’oculariste intervient à 2 niveaux dans le ptosis : initialement pour adapter la forme de la prothèse qui va compenser le ptosis, puis secondairement pour la réalisation d’une prothèse-guide sans forme atypique pour réaliser la chirurgie de ptosis. Le Dr Julien Boumendil a clos la session en rappelant que le traitement de l’instabilité de prothèse nécessitait les rôles complémentaires de l’oculariste – qui joue sur la taille et l’épaisseur de la prothèse – et de l’oculoplasticien – qui joue sur la profondeur des culs-de-sac et les volumes –, et en rappelant que le réglage du ptosis sur prothèse était délicat.
Session orbite et voies lacrymales
Trois cas cliniques intéressants ont été illustrés par les Drs Jean-Luc Fau, Gauthier Kielwasser et l’équipe du Dr Florian Dalmas. Le Dr Barbara Monjanel a présenté les conclusions de son étude sur la corrélation entre le ratio au SUV max du TEP 18FDG-TDM et l’agressivité/l’histologie d’une lésion orbitaire, concluant que le SUV max avait tendance à augmenter avec l’agressivité tumorale et pouvait donc guider l’indication de biopsie pour les localisations difficiles. Le Dr Nada Rimbert a exposé les connaissances actuelles sur les inhibiteurs de la voie Hedgehog dans le traitement des carcinomes et l’expérience du CHU de Rouen dans ce domaine. Le Dr Dhyna Thorel a communiqué ses résultats sur une cohorte de 40 décompressions orbitaires réalisées au CHU de Rouen et l’incidence de diplopie postopératoire. Le Dr Hawari a dévoilé une série de 90 patients ayant subi une éviscération, avec un taux d’extrusion de 7,8%, dont les facteurs de risque étudiés n’ont pas montré de différence significative quels que soient le type d’implant, la taille de la bille ou la technique chirurgicale utilisée. Le Dr Monjanel s’est exprimé sur une série intéressante incluant 117 patients qui ont présenté une dacryoadénite non infectieuse et pour lesquels une biopsie de la glande lacrymale a été réalisée. Six pour cent des biopsies réalisées ont révélé la présence d’un lymphome de type MALT, d’où l’intérêt de l’IRM dans le bilan des dacryoadénites – un coefficient ADC diminué est suspect de lymphome. La cohorte avait un taux de dacryoadénite spécifique de 40%. Le Dr Pierre-Yves Robert a présenté une étude de 90 patients sur le suivi à long terme des réparations des plaies de voies lacrymales, dont les résultats ont indiqué une incidence d’épiphora à 6 mois chez 5/90 patients, sans apparition tardive d’épiphora pour 85/90 patients.
La session s’est terminée sur une discussion animée sur les inhibiteurs de la voie Hedgehog. À ce jour, il n’y a pas de prise en charge standardisée sur ce sujet et il est important de mutualiser les expériences professionnelles pour l’améliorer et la standardiser.
Lecture Paul Tessier
La lecture Paul Tessier, pour laquelle le Dr Alain Retour était l’invité de la SOPREF, a clos la matinée. Il a partagé sa précieuse expérience et développé l’évolution sur 40 ans des chirurgies mutilantes, complétant le sujet des cavités anophtalmiques.
Sessions neuro-ophtalmologie et oculoplastie
Après une courte session sur les infos de la SOPREF, l’après-midi a été consacré à la place de la neuro-ophtalmologie en chirurgie orbito-palpébrale.
Le Dr Jérémie Barbier a rappelé les urgences neuro-ophtalmologiques palpébrales et leur sémiologie : les urgences infectieuses, la fistule carotido-caverneuse, les urgences vasculaires (hémolymphangiome kystique avec compression du nerf optique notamment), l’orbitopathie dysthyroïdienne avec menace visuelle, les urgences tumorales (le rhabdomyosarcome notamment), les urgences traumatiques, la paralysie du III, le syndrome de Claude Bernard-Horner douloureux ou brutal, la myasthénie avec troubles de la déglutition, le botulisme et le syndrome de Parinaud (conséquence de l’hydrocéphalie chez l’enfant et de l’AVC chez l’adulte). Les Drs Claire Foirest (ORL), Delmas et Pierre-Thomas Schmitt ont détaillé la prise en charge des paralysies faciales et des spasmes de la face. Le Dr Sarfati a ensuite partagé son expérience dans la prise en charge des complications neuro-ophtalmologiques des injectables, rappelant à l’auditoire les centres de référence et la prise en charge à adopter devant cette complication rare mais grave, d’autant difficile à gérer qu’elle survient dans un contexte esthétique.
Les Drs Olivier Galatoire, Pierre-Vincent Jacomet, Frédéric Mouriaux et Litre ont développé l’intérêt et les difficultés des différentes techniques d’imagerie orbitaire. Le Dr Galatoire a notamment rappelé la place essentielle de l’anatomopathologie, malgré les avancées actuelles des techniques d’imagerie, soulignée au travers de cas cliniques. Le Dr Litre (neurochirurgie) a conclu sa présentation sur la neuronavigation, en soulignant son utilité pour les lésions orbitaires postérieures et de l’apex, mais uniquement pour une aide temporaire et surtout en début d’intervention ; elle sécurise le geste mais ne remplace pas les connaissances anatomiques.
L’exposé du Dr Éric Longueville a développé les facteurs pronostiques de neuropathie optique dans l’orbitopathie dysthyroïdienne ; les décompressions orbitaires répétées ne diminuent pas les résultats de récupération. Le scotome de moins bon pronostic est de localisation inférieure. Le Dr Dupre a présenté une étude unicentrique de 26 patients avec méningiomes sphéno-orbitaires, dont les résultats postopératoires ont montré une incidence de 50% de ptosis, 47% de troubles oculomoteurs, et de 2 cas de cécité postopératoire. Il conseille donc une prise en charge pluridisciplinaire pour ces patients, en les prévenant des complications postopératoires fréquentes, potentiellement graves, mais qui récupèrent spontanément dans la plupart des cas. Le traitement chirurgical d’un ptosis résiduel dans ce contexte doit être réalisé avec prudence, étant donné l’atteinte du V1 (21%) et la sécheresse oculaire (40%) associées. Le Dr Alain Ducasse a fait une présentation bien détaillée et complète des neuropathies optiques dans les inflammations orbitaires, avec des informations utiles et des outils pragmatiques pour le diagnostic des inflammations orbitaires spécifiques. Le Dr Maalouf a conclu ce congrès annuel par le sujet des neuropathies optiques traumatiques. Une surveillance simple a montré une amélioration dans 30 à 50% des cas. Le traitement médical (mégadoses de cortico- thérapie, substances hyperosmotiques et érytropoïétine) n’est pas recommandé en systématique. La fenestration de la gaine du nerf optique est indiquée devant un hématome de la gaine.